20.8.07

Dean est passé bien au sud

Le cyclone Dean est passé bien au sud de St-Martin. La nuit a été agitée par des grains et du vent. Au petit matin du vendredi, il fait gris. Le vent souffle fort et la baie Orientale est blanche d’écume. Mais ce sont surtout les îles du sud, Guadeloupe et Martinique, qui ont été touchée par le cyclone qui n’est encore que de catégorie 2. Plus tard, il passera jusqu’au niveau 4 en atteignant la Jamaïque et le Mexique, puis 5.

Avec la petite famille de Frank, mon instructeur, nous avions prévu de passer un week-end à St-Barth. Avec le PA-28, N32111, nous aurions fait deux voyages pour transporter les six personnes au total. L’occasion de faire plusieurs atterrissages et décollages du mythique terrain de St-Barth… et de passer un week-end agréable. Comment concilier l’utile et l’agréable ?

Garé devant le petit parking entre de la tour et les pompiers

Mais au soir du vendredi, la décision est encore difficile à prendre. Le plafond est gris. Les prévisions pour le lendemain sont assez pessimistes. Nous partons nous coucher avec dans l’idée de trouver une solution de remplacement pour le week-end. St-Barth sous un ciel gris et sous la bruine… attendra.

Samedi matin. Dans la chambre de l’hôtel, je suis réveillé à 08h00 par la lumière de l’extérieur. C’est un bon signe. J’ouvre sans y croire les rideaux et les volets de la terrasse. Quelques nuages blancs. A peine. Et du bleu. Beaucoup de bleu. La mer est encore agitée et le vent souffle aussi. Alors que je contemple la vue, le téléphone sonne. Frank m’appelle.

- Je te réveille ?
- Non, non, je viens d’ouvrir les rideaux
- Il fait meilleur que prévue. On y va ? Vous êtes prêts ?
- On y va ! Le temps de préparer tout le monde…
J’aurais dû dire « de réveiller tout le monde »
- Passe me pendre à la maison, on ira « en avant » préparer l’avion
- C’est parti !

1 heure et demi plus tard. Après avoir pris les papiers dans le container climatisé et tout équipé qui sert de club-house à l’aéroclub Evasion-Caraïbes, je fais la prévol pendant que Frank va déposer les trois plans de vols (TFFG-TFFJ, TFFJ-TFFG et TFFG-TFFJ). Il fait déjà chaud lorsque j’arpente le tarmac de Grand-Case en faisant le tour du Piper PA28 et il n’est pas 11h00.

A genoux, avec le tube à purge que j’ai trouvé dans la soute, je m’occupe des quatre purges des deux réservoirs d’ailes. Puis, j’ouvre les deux bouchons des réservoirs pour me rendre compte visuellement du niveau. Je n’ai pas l’habitude de cette machine. De toutes les façons, nous allons en mettre « jusqu’aux languettes » (un témoin de niveau dans les réservoirs des PA28). J’enlève les caches de prise d’air du moteur, la boucle en velcro qui les lient à l’hélice et les deux cales sur le train avant. Je retire l’unique cache pitot et fourgue tout mon attirail encombrant dans la soute arrière du PA28.

Le terrain de Grand-Case n’est pas très animé. Un ATR et un Islander sont alignés au terminal. Peu d’animation autour. Le soleil tape sur le parking. Je suis seul dans la zone de l’aviation générale. Le vent souffle dans l’axe de la 12 et couvre le calme ambiant. La manche à air en témoigne.

Je finis mon tour en vérifiant dans la queue de l’appareil la bobine enroulant le câble de la profondeur, tous les points où la corrosion s’infiltre, le niveau d’huile, toutes les fixations des parties mobiles, tous les impacts et chocs éventuels qui auraient pu survenir. Comme l’horamètre se déclenche avec la mise en marche de la batterie, je vérifie l’avertisseur en ouvrant la petite fenêtre tempête côté pilote depuis l’extérieur. J’y passe alors le bras pour actionner l’interrupteur de la batterie, puis actionne l’avertisseur de décrochage en me dépêchant. Enfin rapidement en repassant la main par la fenêtre tempête, je coupe la batterie. Quel radin !

Frank revient de la tour. Je retourne vers le club-house pour l’aider à sortir le petit réservoir d’essence avec sa pompe, puis à faire rouler le tout jusqu’à l’avion. Le ravitaillement des deux réservoirs effectué, nous rentrons la citerne et attendons « les filles ».

Le PA28 ne comportant que quatre places et comme nous sommes six au total, et que « deux » veulent rester devant (comprendre « piloter »), il nous faudra donc faire deux voyages. Je ne vais pas m’en plaindre. Grand-Case, St-Barth, Grand-Case, St-Barth me semble un bon programme. Premier voyage avec les mères. Elles récupéreront la voiture de location et les clefs de l’hôtel pour notre petit week-end.

Tout le monde est bord. 4 passagers. Un canot de sauvetage de 6 places, 4 gilets, les papiers et la bonne ambiance ! Le week-end s’annonce bien.

- Grand-Case Information, Novembre 32111, bonjour !

Je fais la radio. Ca y est le pilotaillon des plaines de métropole s’émancipe.

- Novembre 32-111, Grand-Case, bonjour… Passez votre message
- Novembre 32-111, un PA28 au parking, 4 personnes à bord, 3 heures d’autonomie pour St-Barth
- Novembre 32-111, piste 12 en service, QNH 1014, vent 090 au 110 pour 14 kts, pas de trafic connu à vous signaler
- On roule pour Alpha, Novembre 32-111

Ne pratiquant pas assez en France, j’ai toujours du mal avec les AFIS. J’ai bien été confronté à quelques terrains sans contrôleur en métropole et ma réelle grande expérience d’AFIS reste tout de même Toussus après 20h00 lors de mes vols VFR de nuit. Ici, c’est bien différent. Il fait jour. La journée s’annonce très belle. Nous partons vers St-Barth.

65 kts… rotation ! Doucement… Le palier d’accélération en restant dans l’axe puis la montée initiale au dessus d’Orient Bay. Le bleu du ciel est rattrapé maintenant par les bleus turquoise de la mer. Comme d’habitude, je suis partagé entre profiter du paysage et tenir mon avion. En temps normal, j’aurais déjà la CPU assez chargée et si en plus je me rajoute des tâches, il va me falloir un « double core » (cf. Intel).


Décollage en 12, virage à gauche, on longe Orient-Bay


Je décris à ma femme Béatrice, assise à l’arrière, tant que je les connais le nom des îles, îlets et baies que nous apercevons. « Petit Caye » que nous avons longée hier en bateaux, « Caye Verte », « Pinel », « Tintamarre », au loin sur la gauche Anguilla. Pompe sur OFF… le moteur continu… un coup d’œil au badin… on a de la vitesse, je rentre les volets. Je vire à droite au 150 vers St-Barth et nous pouvons découvrir la plage d’Orient Bay à la droite de l’appareil et la baie du Gallion, un peu plus loin. Les ailes à plat… 1500 ft… l’altitude du transit dans ce sens pour le nouveau corridor. Et nous devinons « l’île Fourchue » dans la brume au loin. J’ai tout d’abord cru qu’il s’agissait de St-Barth. Petit problème d’appréciation des distances et de la taille des objets.

- Tu laisseras bien Fourchue sur ta gauche
- Sur ma gauche… ok…

Nous quittons Grand-Case, une fois une pointe de l’ile de St-Martin (j’ai oublié son nom… peut-être Point Blanche ?) travers droit.

- Novembre 32111, on quitte pour passer avec St-Barth
- …

Rien. A peine un scrtchhhh. L’AFIS aurait-il reconnu le gars de métropole qui parle trop vite et aurait-il ignoré son message pour quitter ? Bien sûr que non. La portée de l’émetteur de Grand-Case est toujours sujette à caution, coincé qu’il ait dans cette petite vallée au nord-est de l’ile de St-Martin. Etonnant lorsqu’on est en vent arrière 12 main gauche de ne pouvoir entendre l’AFIS.



Frank bascule le COM1 sur 118.45, St-Barth information. Pendant quelques instants, nous écoutons l’activité sur la fréquence, puis je prends les devants et me jette à l’eau comme s’il s’agissait de mon premier message à la radio de pilote :

- St-Barth info, Novembre 32-111 bonjour !

J’en ai des frissons et pourtant je n’entends rien en retour.

- St-Barth, information, Novembre 32-111 bonjour !
- …

Décidément. Ils me boudent. Nous sommes certainement un peu loin. La tour de St-Barth étant elle aussi d’où nous sommes au milieu du corridor VFR, entre les deux îles de St-Barth et St-Martin, masquée par quelques collines judicieusement disposées. La fréquence est calme. Nous repasserons notre message plus tard. Je laisse tranquillement Fourchue sur ma gauche alors que j’ai repéré le Pain-de-Sucre, matérialisant le point de mon dernier virage.

Derrière les femmes discutent. L’ambiance est détendue. Je tente encore de faire le guide touristique mais les prochains de report d’intégration et la présence d’autres avions dans le secteur n’intéressent personne à l’arrière. Je profite un instant du paysage, mais vite ma passion de pilotaillon reprend le dessus et je me projette devant l’avion.

Etre devant l’avion. C’est très difficile dans cette situation. Je me laisse facilement bercer par le paysage, la stabilité de la machine en croisière et le calme qui règne en cabine. Le PA28 est très stable. Il vole sur des rails. J’ai trimmé l’avion sur les conseils de tous mes instructeurs, y compris Frank qui me le rappelle : mettre l’avion dans la bonne position (assiette, régime…) et ensuite manipuler le trim. Pas l’inverse. Et pas tout en même temps. On ne pilote pas au trim.

Dehors, la luminosité est un peu ternie par la présence de sable. Je me retourne et voit encore St-Martin, plus grande île comparée à St-Barth. Nous discutons tout en veillant les fréquences. Le transpondeur est sur 2000. Tout va bien. Le vol ne dure que quelques minutes. Mais déjà, ce sont des minutes de bonheur. J’emmène ma famille en avion, avec moi aux commandes, pour un week-end à St-Barth.

Je tiens toujours 1500 ft lorsque des trafics s’annoncent sur la fréquence. Un PA28 Kilo-Yankee passe Frégate vers Fourchue à 1000 ft. Et un BN2 arrive de Juliana. L’AFIS me balance les infos trafic indiquant le PA28 « en tour de l’ile ». On se croirait sur IVAO. Je collationne en omettant la phraséo que Frank me conseille : collationner complètement l’information du type de trafic et de sa route plutôt qu’un mauvais « Roger » (que je n’ai jamais réussi à dire néanmoins) ou « On cherche le trafic » plus dans mes (mauvaises) habitudes. Un trafic d’accord, mais est-ce vraiment celui signalé ? Le tout avec concision et bon sens. Je serais d’ailleurs repris, lors d’un vol retour au départ de St-Barth par l’AFIS, sur un de mes collationnements un peu vague. « Novembre 32-111, vous avez bien pris le trafic Caravan de Fourchue vers la base ? ».

Nous cherchons les trafics assez difficiles à cerner avec le léger sable qui réduit la visibilité. Puis, je découvre l’autre PA28 plus bas comme annoncée. Pas de trajectoire convergente. Pas de problème. Il est bien 500 ft plus bas. Le BN2 est plus loin à droite. Hors de portée. A l’approche du Pain de Sucre, après acquiessement de Frank, je commence à préparer mon avion. La pompe, la réchauffe… sans objet… la réduction de vitesse en tenant l’avion en palier toujours à 1500 ft. Puis je sors un cran de volet.

Sur un des vols entre Grand-Case et St-Barth, Frank m’aura « pris au piège ». En préparant l’avion en base main gauche pour la 10 de St-Barth, je me rendrais compte que je n’ai même pas coupé la pompe, ni rentré les volets de tout le trajet ! Le PA28 Warrior est vraiment tolérant avec son arc blanc du badin en plein dans la vitesse de croisière ! Heureusement que nous ne nous destinions pas à aller en Martinique ! Je devais avoir choisi dans la montée initiale entre faire mes actions passées 400 ft ou bien regarder le paysage. J’ai certainement été absorbé par la seconde option !

Avant le dernier virage, check atterrissage. Pompe ON, mixture plein riche, volet sur un cran, réservoir sélectionné avec de l’essence. Je me penche ainsi que Frank pour vérifier quel réservoir est sélectionné. La commande est située sur mon genou gauche. Totalement invisible pour l’instructeur à droite.


Finale en piquée sur la 10


Je préviens à l’arrière que nous allons faire un dernier virage à gauche, puis nous retrouver en face de la piste et nous poser… « Tu vois là, dans la petite vallée avant la plage… il y a une piste… si… si ». Je prie pour que nous ne fassions pas de remise de gaz. Il faudrait alors à basse altitude, dans la montée initiale virer à gauche, puis encore 4 fois pour se (re)retrouver en finale. Et ma femme n’aime pas les virages en avion. Qui a dit « surtout lorsque son mari pilote ? ».

Toujours garder les 1500 ft. Faire attention à ne pas descendre. Se mettre dans l’axe. Visualiser la piste sur la gauche. Ne pas se faire absorber par le paysage. Ne pas se faire distraire, et rester attentif, à la radio qui passe des messages si inhabituels pour mon oreille de pilotaillon de plaine parisien.

- Novembre 32-111, on a passé Pain-de-Sucre, en finale 10
- Novembre 32-111, vent variable du 060 au 160, pour 12 à 18 kts.
- Sors tes volets… me rappelle Frank

Il reste quelques minutes de vol. Je me force à ne pas perdre d’altitude et à tenir la machine. Le combat est devant moi. Le champ de bataille est maintenant dans l’axe. Tous les participants sont prêt : le terrain, le vent, le piper, le pilote et son instructeur. J’ai compris qu’une bonne approche est toujours la suite d’une bonne préparation.

Je distingue maintenant les premières bandes blanches de la piste 10. Même si la piste semble minuscule (650 mètres), elle donne surtout l’impression de s’être cachée dans un trou sur cette île. St-Barth est très accidenté, fait de colline, valons, pics, pointes, falaises et…plages. Des routes sinueuses transpercent la végétation. Je trouve l’île étonnamment verte.

Pourtant dans un si petit espace on a réussi à caser une piste et deux parkings. A chaque extrémité de la 10/28, il y a tout de même des dangers pour les pilotes : une plage et une colline. En piste 10, l’atterrissage raté se fini dans le meilleur des cas les roues dans le sable dans le pire des cas dans l’eau bleu de la baie de St-Jean. En 28, la remise des gaz est interdites (ou impossible au choix).

Le seuil de la piste 29



Vous êtes devant la piste 28. Les pieds dans le sable.
On voit la piste qui monte. A l’autre bout le col du Calvaire.



Le terrain vu depuis l’autre berge de la Baie de St-Jean



Est-ce bien utile de le rappeler ? Certainement, car il n’y a aucune protection entre la piste… et la plage. Qui a dit Vigipirate ? Photos prises depuis la plage de St-Jean, seuil 28.


Depuis le centre du rond-point du Calvaire.
La piste 10 est là, juste derrière Frank


Les cactus doivent être pour dissuader les pilotes de raser le col de trop près.


La première série de bandes blanches doit être collée sur le col du Calvaire. Le « 10 » reste invisible, caché derrière le Calvaire. Le plan doit être tenu ainsi. Mais le plus dur reste de tenir cette maudite aiguille du badin vers 65 kts. Corriger le plan juste avec le manche entraine immédiatement une variation de vitesse. Gain ou perte. Mais il faut en tenir une… et la bonne de préférence. Je manipule encore maladroitement l’assiette et les gaz. Lorsque je remets le fameux « filets » de gaz, j’ai tendance à tirer l’avion. Instinctivement, je pense que je fuis ce plan « d’attaque sur Pearl Harbor » et je tire sur le volant pour me remettre inconsciemment dans une situation plus… normale.

La main gauche sur le volant, la main droite posée sur le grand levier des volets en position relevée et deux doigts tiennent la base de la manette des gaz. « Deux doigts » seulement et pas la manette des gaz à pleine main, car j’ai besoin de finesse, d’ajustement et de précision. Je suis plus à l’aise ainsi. De plus, Frank à droite, peut facilement prendre la manette et remettre les gaz.

Mon scan consiste à regarder dehors pour évaluer le plan (grâce au « truc » des bandes blanches) et l’axe, puis un très rapide coup d’œil sur le badin pour voir… vers où s’échappe l’aiguille. Trop vite ? Trop lent ? En perte de vitesse ? Ca accélère ? Et je scan… le plan, l’axe, le badin… le plan, l’axe, le badin.

Je m’efforce maintenant de faire plonger le Piper… sans accélérer. Frank m’a indiqué le début de descente. Les « bandes blanches » partaient au loin, j’allais voir le « 10 » et les bandes du seuil. Je dois mettre le nez vers le bas.

Illustration du plan par un TwinOtter.
Bon OK… les Twin piquent souvent du nez


Parfois plein réduit, parfois avec un filet de gaz comme me le conseil Frank. En plus de l’assiette à la « Papy Boyington » fondant sur Vella La Cava à la recherche d’un troc de caisses de bières, le vent s’est aussi invité à cette fantastique fête. Pas si fort et variable que la dernière fois (voir le récit "au raz des piscines"). Mais il est bien là. De l’est. C’est la tendance, ces dernières semaines. Il passe le « Calvaire » et ressort turbulent. Pile sur la courte finale. Pile sur le PA28 qui est secoué. Je me « bat » comme me l’indique tous mes instructeurs. Sans courir après l’avion à grands coups de volant, je laisse parfois le PA28 se dodeliner puis le rattrape… puis le laisse aller où il semble partir… puis le rattrape. Je le laisse voler. Je ne donne pas de trop grands coups de volant, donnant l’impression de suivre le mouvement sans paniquer. Je me concentre sur mes bandes blanches et mon badin qui lui n’est pas du tout sous contrôle. J’ai encore des problèmes avec la combinaison assiette – puissance. C’est bien plus simple en finale à Pontoise, St-Cyr ou Toussus, même avec du vent. Ici, l’avion, les conditions, le terrain… tout m’incite à remettre tout en question. Et c’est ça qui est bon.

Mine de rien, on arrive en courte. Et c’est là qu’on en prend plein la vue. Le « Calvaire » se présente et le regard est un bref instant attiré par l’usine au pied du col, les véhicules qui montent ou descendent sur les routes sinueuses qui mènent au fameux rond point, au raz du col. Je suis toujours en piqué. Contrôlant ma vitesse. Visant la piste. Je me concentre sur les bandes blanches.

Mais le bleu turquoise de la baie de St-Jean se rappelle à mon souvenir. Au bout de la piste, on voit des windsurfers slalomer dans la baie et la piste semble encore plus minuscule. Elle s’arrête dans l’océan. Juste sous le nez de l’appareil, toujours ces véhicules qui montent, tournent et descendent. Je ne peux m’empêcher de penser à la scène de FlyTampa pour Flight Simulator 2004, avec ses animations scéniques si proche de la réalité. J’en ai la preuve sous les yeux. On pourrait penser que sur le simulator, les voitures et autres motos sont « trop » visibles. Trop artificiels. Il n’en ai rien. Le regard est attiré par ces minuscules objets qui bougent dans votre axe d’atterrissage. Sur Flight Simulator et dans la réalité.

Je ne m’attarde pas sur la ville de Gustavia avec son port, là, juste sur ma droite. J’ai le regard fixé sur mon plan, mon axe, ma vitesse. Toute la CPU est consacrée à ces processus.

Et, nous nous rapprochons et plus nous pouvons deviner aussi les TwinOtter, Caravan et autres BN2 Islander qui sont parkés devant le terminal. Pendant tout ce temps, le leitmotiv « le plan-l’axe-la vitesse » tourne en boucle. Comment faire ? On aimerait appuyer sur pause ou faire une capture d’écran. S’arrêter et sortir l’appareil photo. Figer le temps et prend un instant pour profiter. J’ai des frissons. Je vis un rêve de pilotaillon.

Par chance et parce que j’ai voulu garder une trace, un souvenir, j’ai fixé mon petit appareil photo en mode caméra pour immortaliser ce moment. Il est fixé sur la verrière principale. A l’envers et solidaire grâce à une mini-ventouse.

Le col arrive. Un rabattant me fait descendre malgré moi. Des gaz. Pas assez. Je ne sais pas trop comment le PA28 réagit. Frank m’accompagne aux gaz. C’est trop tard pour la vitesse maintenant. C’est OK ou pas. Frank ne dit rien. Ca doit « le faire ». J’ai encore des frissons malgré la sueur qui perle de mon front. Je sens mon dos trempé. Je suis « dedans ». En plein « dedans ». On pourrait couper le courant, éteindre l’écran… rien n’y ferait je ne suis pas sous Flight Simulator. C’est bien moi dans un avion, un Piper Warrior et je vais me poser sur la piste numéro 10 de St-Barth. Derrière moi, j’ai une pensé pour ma femme qui n’aime pas voler. Qui n’aime pas les virages. Qui n’aime pas quand « ça secoue ». On n’a pas le choix. A cet instant, il ne nous reste qu’à nous poser.

Le paysage défile encore plus rapidement. Nous nous rapprochons du sol. J’espère que tout va bien derrière. Frank continu à me conseiller. « Continue comme ça », « Ne relève pas le nez », « allez, réduit… réduit », « continue, c’est bien ». Il rythme l’approche. Je suis submergé. J’ai un flash en voyant le sol s’y proche. Je vois clairement des buissons à gauche du rond point. Je pourrais compter les branches et presque le nombre de feuilles. Je distingue clairement l’herbe de la pente qui descend doucement jusqu’au seuil. Le parking nord est là avec quelques Cessna et Piper. Un Islander est au point d’arrêt. Je ne veux rien manquer. Je vois le terminal. La piste se présente à moi. Je frissonne et Frank me pilote.

- « Continue comme ça »
- « Réduit encore »
- « Retiens-le »
- « Retiens-le »

J’ai passé le col, j’ai épousé le relief, j’ai eut l’impression de vouloir m’écraser sur la piste, le décor défile maintenant à une vitesse folle. On a une impression de forte accélération entre la finale qui tabasse, le nez vers le bas et soudain tous les repères si proches de l’appareil qui passe à gauche et à droite comme des flashs. J’ai l’impression d’arriver trop vite. Je réduis les gaz, le Piper Warrior avec ses longues ailes (60 cm de plus qu’un PA28 classique) semble ne pas vouloir toucher le sol.

- « Retiens-le » clame encore Frank

Je tire le manche. Trop fort, trop violemment. Et pourtant, j’ai encore l’impression d’avoir presque imperceptiblement rapprocher le volant. Je suis crispé. Totalement trempé, tendu et heureux. C’est maintenant qu’il faut assurer.

1er effet de sol… Le Piper remonte… je mange un peu de piste… Ne pas rendre la main…

- « Lève le nez »

Je tire encore un peu le manche. La piste continue à défiler. Sous Flight Simulator, j’ai l’impression qu’après tout ce temps, je serais déjà à la baille. Et non, là, le Piper Warrior plane. Plein réduit. La piste 10 défile. Il reste encore de la place. On est pas sous Flight Simulator.

Je suis sur la ligne. Un peu de pied… manche opposé… le nez n’est pas assez en l’air… J’ai cru entendre l’avertisseur… Le temps semble suspendu… Le PA28 descend doucement. Après coup, je me rends compte que je ne regarde pas assez loin. Il reste peu de piste et je vois la plage. Scritchhhh… scritchhh… je rends un peu la main… alors que Frank me demande de garder un peu le nez en l’air… Scriiiiitch pour la dernière fois… posé… Ca ralenti… Je lève les talons pour chercher les freins. Un peu de gaz pour ne pas laisser le moteur tout ralenti. Et j’arrive doucement au bout de la piste.

Frank commence déjà à débriefer. Je suis encore sous le choc. Sous l’émotion. Je viens de me poser à St-Barth. Ce n’est pas la première fois. Même cette année, cela doit faire la cinq ou sixième fois, mais c’est à chaque fois pareille. Un plaisir sans cesse renouvelé. Faîtes que je ne m’en lasse pas.

Je souffle un peu et je reprends doucement mes esprits. Mais encore une fois, je veux mémoriser tout. Je regarde le bout de la plage. Une petite famille à droite de l’axe nous regarde. Je pars à gauche pour faire demi-tour sous la mise en garde de Frank.

- « Attention, tu vas trop à gauche. »

Un peu de gaz pour faire tourner l’avion. Le contrôler au pied. Rester calme. Posé pas cassé !

- « Novembre 32-111, on remonte la… »

On est où déjà ? J’ai lancé mon message un peu vite. Je n’ai pas l’esprit clair.

- « … piste 10 ».

Il nous reste à les déposer au pied de la tour. Puis, il nous faudra repartir vers Grand-Case pour aller chercher nos « filles » (après les femmes) et revenir nous poser encore une fois à St-Barth. Parker l’avion au parking nord pour la nuit. Quand je pense que demain, nous ferons deux allers-retours pour faire le chemin inverse. Et toujours aux commandes. Il nous reste à profiter du séjour. Je me vois déjà au bord d’une plage. Dans un bon resto. Un endroit paradisiaque comme St-Barth doit en dissimuler. Aller au sommet du Calvaire pour voir ce rond-point d’encore plus prêt qu’il y a quelques minutes. Traverser St-Jean pour admirer l’aérodrome. Faire le tour de l’île et découvrir une plage.

Je me retourne vers nos passagères, tout sourire, alors que le Piper remonte la piste la 10 et avant de dégager à gauche pour le parking du terminal.

- « Ca va ? »
- « Oh oui, très bien ! » me répond Béatrice

Novembre 32-111 sur le parking Nord de St-Barth.


Garé devant le petit parking entre de la tour et les pompiers









Intégration en provenance de St-Barth avec vue sur St-Martin
Le travers Tintamarre, puis la vent arrière 12 de Grand-Case
A droite l'ile d'Anguilla


Parking Nord. Le PA28 y passera la nuit


11.8.07

Au raz des piscines


Rendez-vous est pris à 09h00 à l’aéroclub. Petit déjeuner rapide à l’hôtel et je saute dans la voiture, direction Grand-Case. De l’hôtel, j’en ai à peine pour 5 minutes. Je retrouve le chemin défoncé par la pluie et la chaleur qui mène aux deux containers de l’aéroclub « Evasion-Caraîbes » un peu à l’écart du « terminal » (si on peut l’appeler comme ça) de l’aérodrome de Grand-Case l’espérance. Ca n’a pas trop changé depuis l’année dernière.

Le N32111, Piper PA-28 de son état, m’attend sur le parking de TFFG, au nord de St-Martin, dans la partie française. Beaucoup plus peuplé que les années précédentes au même moment, on y trouve aujourd’hui une dizaine d’appareils : des Piper, des Cessna et même un Rallye immatriculé en Novembre. Sans parler de la succession incessante d’ATR 42 et 72 d’Air Guadeloupe ou Air Caraïbes, un peu plus loin vers le terminal.




Le temps est clair, quelques nuages, du bleu et du vent. Nous sommes dans les caraïbes. Seul un voile de « sable » recouvre la région. La visibilité reste bonne, même si une fois en l’air, c’est tout d’abord au cap que nous nous dirigeons vers St-Barth, qui me reste presque caché.


Un « corridor » pour les appareils entre Grand-Case et St-Barth a été mis en place depuis ma dernière venue. Plus besoin de passer avec Juliana après avoir quitté le circuit de Grand-Case. On garde 2000 au transpondeur et on transit à 1500ft QNH de Grand-Case vers St-Barth, direct « travers Fourchue ». Dans l’autre sens, on vole à 1000ft QNH. A mi-chemin, on passe d’un AFIS à l’autre.

Dommage j’aurais bien écouté le débit de l’approche de Juliana. Je retournerais à Maho avec ma radio portable.






Premier contact avec l’AFIS. Comme à l’accoutumé, je ne comprends pas la réponse. Le QNH est annoncé en hecto-pascal, ça tombe bien l’altimètre du 32111 est en pouce de mercure. De toutes les façons, on est au sol, au raz de la mer. Du point d’arrêt Alpha, je remonte la 12. Peu de trafic au moment de s’élancer. J’ai le temps. Décollage sans problème. La piste est longue. Montée initiale en cherchant les 75 kts. Peu de pied, le PA28 est tolérant. Le vent qui secouait au sol, dans l’axe à Grand-Case, ne pose aucun problème. Le PA28 est une bonne barcasse stable qui vole tout seul. Dans la montée initiale, en laissant la grande plage d’Orient Bay sur la droite, la pompe sur OFF… le moteur continue… on a de la vitesse… les volets sur 0. Un peu plus haut, mise en palier, puissance sur 2400 tours, le PA28 arrive doucettement à 1500 ft. Petit virage à droite vers le cap 150 et… St-Barth.

Aujourd’hui, j’ai encore de la chance. Frank et moi avons prévu de faire quelques tours de pistes à St-Barth. Sans raison, comme ça pour le plaisir d’apprendre et de pratiquer cette approche si particulière. J’analyse tous les conseils et remarques que Frank ne manque pas de me passer. Je regarde, j’écoute, j’apprécie, je profite. Petit à petit, je tente de comprendre comment réagit ce PA-28 sur lequel j’ai si peu d’expérience. Comme à mes tous débuts, je suis submergé par l’environnement et je suis partagé entre contempler le paysage, piloter et discuter. La CPU est à 200%.

Orient Bay après le décollage piste 12 de Grand-Case


Pas question de passer sa qualif de St-Barth. Non, je suis là pour profiter des conditions : un avion, un instructeur, un terrain avec une approche tordue. De quoi occuper ma journée. Nous tournons en 10, en partant de 1500 ft QNH par le travers de Fourchue, le report sur le pain de sucre (qui devient « Sugar Loaf » dès qu’un pilote anglais est sur la fréquence) puis l’attaque (en piquée) sur la 10 en laissant les bandes blanches au raz du col. Ce dernier devant masquer le marquage de piste « 10 ». Les années passées, avant que la piste dispose de ce nouvel habillage, on posait le chiffre « 10 » dans le creux du col du Calvaire, mais c’est fini maintenant, on pose les premières bandes dans le V du col. C’est tout. Simple, non ?

« Le plan, l’axe, la vitesse ». Un grand classique. J’ai surtout du mal à gérer la vitesse (65 kt, ça ira ?), jouant maladroitement entre les gaz et l’assiette qui reste très inhabituelle pour moi du fait de la configuration du PA28 avec une casquette plutôt haute et ce plan à « l’attaque kamikaze » sur le 10. J’ai vraiment l’impression de donner des coups de volants (PA28), un coup à droite, un coup à gauche. Mais au fil des tours, je laisse un peu faire l’avion sans trop lui courir après. Toujours avec cette assiette à piquer surprenante. J’appréhende un peu mieux (un peu seulement) la sensibilité de la manette des gaz et j’apprécie le « rajoute un filet de gaz » lancé par Frank. A toutes ces conditions paradisiaques (piste de rêve, soleil, lagon), rajoutez, du vent en direction variable et en rafale jusqu’à 25 kts et vous avez un cocktail parfait des Antilles. Un terrain de jeux rêvé pour un pilotaillon de métropole.

Le col passe… ne pas piquer, mais continuer à descendre vers la piste. Je ne peux m’empêcher de regarder autour de moi, au raz du col du Calvaire, pensant au rond-point où je distingue un groupe de spotters, des voitures et des scooters qui passent. Nous leur passons à quelques mètres au dessus. Le PA28 épouse la dénivellation, jusqu’au seuil, j’arrondi trop tôt et trop fort. Ca ne réagit donc pas comme un DR400 ? Et ce vent en rafale qui tend à l’horizontale les manches à air… l’avion remonte en effet de sol, ne pas piquer… mais rendre un peu la main pour un second arrondi avec l’aide de Frank, du pied pour décraber un peu… je touche… nous voilà poser piste 10 à St-Barth. On remonte… on reconfigure l’avion… demi-tour tout au bout, check décollage… puissance sur frein… 2300 tours… je lâche les freins et c’est reparti ! L’avion accélère dans la descente. Je reste sur la ligne centrale, un peu de vent de la droite, je tourne le manche dans le vent… 60 kts… rotation… palier d’accélération qui nous amène à l’extrémité de la piste… nous survolons la plage de St-Jean à quelques mètre de hauteur… l’avion accélère encore… je tire sur le manche et entame mon virage à gauche pour retourner dans le circuit à 1000 ft pour aller en 28 ou bien 1500 ft pour la 10. Je vise « Frégate » (le petit îlot au milieu des deux autres) matérialisant le début du vent arrière 10 main gauche. Puis travers Fourchue pour viser le Pain-de-Sucre et nous revoilà en finale 10.

Après plusieurs tours, j’ai compris la « 10 » depuis Fourchue (ou Coco par le sud). Il ne resterait qu’à pratiquer… pratiquer et encore pratiquer (« oh oui, on y retourne ? »). Maintenant, travaillons la 28 - circuit main gauche. Le tour de piste que j’avais fait en 2003 (voir ce récit), ne m’avait pas laissé autant cette sensation de faire du radada entre les collines. « Radada » est le terme qui convient lorsqu’on vole sous les sommets des pics environnant et surtout « sous les piscines », non ? Car dans le (simili) vent arrière 28, un repère consiste à avoir l’aile de l’avion posée au raz de la piscine d’une villa à flanc de colline : si on voit l’eau de la piscine, on est trop haut, si on ne voit pas le bord… on est trop bas. Original. On vous a dit « Il faut être à raz ! ». D’ailleurs, on est peu au raz de tout dans ce circuit main gauche. Au raz des piscines, au raz des collines, au raz des villas, au raz des arbres.

Le circuit publié est un peu différent de la pratique
Le vent arrière n’est pas au cap 010 et démarre au dessus de la finale 10


En fin de vent arrière, on regarde à gauche, quand on voit la villa posée dans la mini-vallée, on vire à gauche pour la base. On est presque au dessus de Grande Saline et surtout au dessus de deux poteaux électriques, point de repère que l’on voit au début du vent arrière). Cela nous fait faire toujours en radada, le tour d’un monticule pour nous présenter en base, un peu convergeante.


Le virage au dessus de Saline et le point de décision vu depuis l’ilet Coco.


Une fois passé la villa au toit vert clair, posée dans le col, on déboule donc en base main gauche pour la 28. Il est temps de prendre une décision pour la remise des gaz, pratiquement au milieu de la base. Pas question, vue la configuration, de penser remettre les gaz en finale. Il faudrait franchir le col du Calvaire en haut de la 28… qui monte franchement. On décide « si on va la faire » juste là, avant le dernier virage (vraiment un virage « finale » pour le coup).


Avant le dernier virage 28


Avant le dernier virage 28


La fin de la procédure en 28 main gauche vue du début


En courte finale 28


En résumé, ce tour de piste c’est : 1000 ft, on passe pratiquement sur la final 10 en visant une route qui remonte, puis dans le « vent arrière » (pas du tout au cap 010, le « vent arrière » du circuit 28) mise en descente légère pour se caler sur la piscine de la villa à droite au milieu de la vent arrière. Toujours en visant 2 poteaux électriques matérialisant la fin de la vent arrière, on attend de voir la villa au toit clair dans ses 9h00, et on entame un court virage à gauche pour se mettre dans la base et viser la villa posée dans le col.



Simple et évident, non ? Une fois à bord, on a l’impression qu’on slalom dans un canyon tentant d’échapper à un missile sol-air : break droite ! Plus bas, break à gauche ! Encore plus bas !

Trop haut, trop vite, trop lent, trop bas… tout y passera durant cette session de rêve. Je redécouvre l’avion, je m’émerveille du terrain. Et nous tournons. Après plus d’une heure, je laisse ma place à Luc, PPL local, qui pratique le terrain dans l’objectif de la qualification de site. Et nous voilà reparti pour plusieurs tours « classiques » (j’ai écrit « classique » pour un tour de piste à St-Barth ?) en 10 depuis Fourchue, puis depuis Coco, puis des tours en 28 depuis Fourchue, mais aussi depuis les Salines directement.

Base main droite pour la 10, travers l’ilet Coco
Au fond, les salines et le petit col point de décision sur la base 28 main gauche


J’ai ainsi tout le loisir assis à l’arrière du Piper de regarder dehors et d’observer encore et encore…

Après une courte pause et le déjeuner au restaurant de l’aérodrome de St-Barth, tout ayant une fin, il faut rentrer. Nous passons à la tour pour redéposer un plan de vol devenu obligatoire depuis peu entre St-Martin et St-Barth. Pas question de jouer avec Olivia par ici. Je rempli avec l’aide de Luc, un « vrai » plan de vol papier. Tradition des Antilles…

Dans la tour de St-Barth


N32111 sur le parking au pied de la tour juste à côté des pompiers


Je reprends les commandes, refait un tour en 10 puis la 28 (comment repartir ?). Puis après mon virage à gauche sur la plage de St-Jean, je prends le 335 à 1000 ft vers Grand-Case. J’y retrouve le vent arrière 12 main gauche après être passé au dessus de l’îlet de Tintamarre. J’ai retrouvé l’accent de l’AFIS que je n’avais strictement pas compris au premier contact. Peut-être parce qu’il y avait un peu de créole dedans ? (voir à ce sujet le récit de 2005) C’est pour cela que j’ai laissé Frank faire la radio. Je veux profiter du vol et du paysage. La radio, ce sera pour une autre fois. J’ai évité de noyer la fréquence de « Say again ».

J’ai retrouvé le PA-28 de mes précédents séjours, la visite prévol sur le parking brulé par la chaleur, le vent qui bastonne en finale et les batailles au volant du Piper pour tenir le sacro-saint « l’axe, le plan, la vitesse ! » entre le relief, les turbulences, les rabattants et autres Windshear. J’ai retrouvé les trafics dans tous les sens obligeant à chercher souvent de minuscules appareils s’annonçant sur des points de reports exotiques : travers Fourchue, passant Coco, verticale Tintamarre ou bien encore sur Sugar-Loaf. J’ai retrouvé le vol dans les îles. Quand est-ce qu’on y retourne ?

9.8.07

Retour à Maho


Je n’ai passé qu’une heure au seuil de la 09 de TNCM. Et il s'en passe des choses en une heure de temps. DHL livre ses colis, Air Caraïbes embarque et dépose ses touristes, LIAT, St-Barth Commuter, American, AA ou encore WinAir décollent et atterrissent, un Boeing 737 remonte la 27 et décolle avec 20 nœuds de vent dans le dos, le vol Corsair CRL860 en provenance d'Orly atterri et en moins de temps qu'il ne faut pour le dire repart pour Paris via Point-à-Pitre... 1 heure tranquille sur à Maho.



Il n’y a pas de parking alors on gare sa voiture comme on peut. Une glissière côté piste et des murets empêchent définitivement les têtes en l’air de stationner dans l’axe de la piste. Il y a toujours de la place un peu plus loin, le long du grillage qui jouxte la 09. Les panneaux d’avertissements se sont multipliés. Rénovés, on en trouve maintenant directement dans l’axe côté plage. Ils peuvent ainsi servir d’abris pour le souffle des réacteurs des appareils au décollage ;-)


Depuis l’année dernière, un double grillage a fait on apparition dans l’axe de la 09. J’imagine ainsi que les plus téméraires ou les plus fous ne peuvent plus s’accrocher et se laisser porter par le souffle des gros réacteurs des 747. Ils se retrouveraient directement sur la route alors qu’auparavant ils disposaient d’une petite langue d’herbe. Fin des abrutis ?

A certains endroits, le sable recouvre la chaussée. Poussé par le vent et les « Jet Blast ». Au-delà de l’odeur et de la chaleur, ce qui marque en restant dans l’alignement d’un avion à réacteur au décollage, c’est bien le sable qui fouette le visage.



Le Sunset Beach Bar est toujours là. Au centre, un bar en rond s’ouvrant comme une fleur avec des planches de bois comme des pétales pour le protéger des intempéries. L’établissement a vécu. On y trouve punaisés aux planches, pêle-mêle des billets d’un dollar, de vieilles cartes postales, des dédicaces, des photos souvenirs d’inconnus, toute sorte d’objet divers et variés et mêmes quelques casquettes de commandant de bord qui semblent avoir été laissées par des PNT touchés… par l’alcool ou l’ambiance des lieux ? Plus proche de l’océan, un ou deux cuistots trempés de sueur font griller les commandes que les deux serveurs lui annoncent en criant. De gros ventilateurs jouent le rôle de hôte de cuisine pour évacuer la fumée. Lorsque le vent tourne, une odeur de mauvaise friture s’empare du lieu.



Au fond, une petite estrade avec des instruments de musique attend le soir pour s’animer. Les publicités qu’on trouve dans toutes les revues distribuées dans les hôtels et lieux touristiques vantent de chaudes soirées. Lorsque l’orchestre n’est pas là, une musique forte mi-américaine, mi-caraïbes est diffusée en permanence. A côté de cette petite scène, une pièce un peu plus sombre propose sur plusieurs grands écrans des matchs de football américain ou de base ball.





Une dizaine de tables avec leur banc en bois, semblable à celles que l’on trouve sur les airs de parking d’autoroute, accueillent les visiteurs. Chaque table dispose de son parasol car le soleil à Maho, comme sur le reste de l’île, tape fort. Surtout lorsqu’une bière accompagne un repas. On peut y croiser des familles, des couples, des locaux et surtout des touristes. Maho est un lieu connu sur l’île pour aller voir les avions se « poser sur l’aéroport » (les mordus diraient plutôt « voir la courte finale 09 »). On vient au Sunset Beach Bar après avoir enregistré ses bagages. C’est l’occasion de déjeuner d’un hamburger et d’un Coca. On peut ainsi voir « son » avion se poser, vérifier l’heure, dégager par Delta et se présenter à l’une des quatre portes du nouveau terminal. On rend la voiture de location ou on se fait ramener par des amis pour l’embarquement. Pour être sûr d’être à l’heure, une planche de windsurf plantée dans le sol sert de tableau d’affichage. Tous les matins, on y écrit les arrivées les plus attendus (vols américains et européens en liners). Il y a trop de vol inter-îles pour tous les indiquer.



Etonnement, il y a quelques transats et parasols sur la petite plage de sable. Drôle d’endroit pour les vacances, même si l’eau est cristalline et le sable fin, il y a tout de même une route et un aéroport qu’on ne peut faire plus proche ! D’autant plus, qu’il ne manque pas de plage sur l’île de St-Martin à la différence d’autres île des Caraïbes.



Mais l’endroit le plus intéressant du Sunset Beach Bar reste les terrasses. Il y en a deux, la première surplombant à peine la seconde. Orientés vers le large et la plage, on s’y trouve comme à un comptoir. Comme au spectacle, placé sur un balcon, dominant le champ. Des chaises de bar sont disposées permettant de se poser face à la scène, bien installé. Car le vrai spectacle reste la vue sur la finale et la courte finale de la 09 de « Princess Juliana », TNCM de son petit nom. Toutes les places sont bonnes.

Sur les terrasses, on trouve les vrais curieux ou les spotters assoiffés par plusieurs heures de soleil. Parfois, un mari entraîne sa femme aux premières loges. L’intérêt est non seulement d’être aux premières loges, bien sûr, mais surtout de profiter de la diffusion en direct de la fréquence de la tour de Juliana. Ainsi, on peut entendre les clairances de départ, les pushback, les ordres de roulage, de décollage et surtout les « Clear to land runway zero-nine, wind one-zero-zero twelve knots ». Une petite dizaine de hauts parleurs sont dissimulés sous les tables. Avec le bruit ambiant du bar, il vaut mieux avoir son AR108 sous la main. Il ne manque plus qu’un écran radar.

De là, on entend les APU et les mises en routes du parking, les attentes au point d’attente Alpha, les reverses à fond un peu plus loin. Les Caravan d’Air Caraîbes semblent être adeptes des circuits courts. J’en ai vu plusieurs arriver en base rapprochée, se poser rapidement. On peut les comprendre vu la longueur de la piste, le vent et le trafic mélangé de tout petit (j’ai fait un touché avec un Cessna 150), de commuter (BN2 Islander, Caravan, Twin Otter, Dornier…), d’ATR d’Air Caraïbes ou d’American Eagle), Boeing 737, 757, 747 et même les Airbus A340 d’Air France.

La compagnie WinAir, basée à Juliana, squatte un peu le terrain avec ses Twin Otter et les bruyants BN2 Islander, surnommés affectueusement par Luc la « 2 CV ». Ils décollent d’Alpha et de Delta en un coup de gaz. Le vent et les capacités presque STOL de ces machines facilitant les choses. Indifféremment selon la destination, ils partent après l’envol à droite peut-être vers St-Barth où à gauche vers Anguila.





Dès qu’un avion de ligne (c'est-à-dire « un avion avec des réacteurs qui fait du bruit ») se présente, soit à l’atterrissage soit au décollage, la meute des badots s’animent. On laisse sa bière en place et on en voit plusieurs se précipiter pour se mettre droit dans l’axe. D’autres moins courageux se place à la hauteur de la planche à voile annonçant les vols, sur un petit promontoire. A l’atterrissage, une fois les tonnes de métal hurlants passées au dessus d’eux, ils reviennent avec des sourires et on entends les superlatifs d’une conversation à l’autre (awesome, incroyable, c’est fou). Au décollage, on se cache derrière les rares panneaux et on tourne la tête pour éviter le flux bouillant et le mélange de sable et gravillons projeté à grande vitesse. D’autres se laissent entraîner par le souffle et se jettent à la mer quelques mètres plus bas, la plage offrant par sa pente une protection relative. Cela ne dure pas longtemps, le 747 est déjà parti au bout de la 09.

L’appareil préféré semble être le Boeing 747, qu’il soit de KLM ou de CorsairFly. Ils recueillent les suffrages au nombre de personnes qui semblent attendre son passage. Les jours où CorsairFly passent (les jeudi et dimanche), on profite dans un court laps de temps d’un décollage et d’un atterrissage (jeudi dernier 50 minutes montre en main). Les KLM et l’Air France étant beaucoup plus enclins à rester accrocher au nouvelles passerelles du nouveau terminal de Juliana.

Et c'est comme ça tous les jours ?









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