8.7.10

Tu restes pour l’atterrissage ?

Des cockpistons il y en a eut plein. Sans me risquer, je peux dire que ce furent toujours des moments inoubliables. Chaque moment passé dans les cockpit est particulier. L’équipage, la plateforme de départ, la destination, la météo, les aléas ou les circonstances (déplacement professionnel, vacances) font qu’ils ne se ressemblent pas. Il faut tenter sa chance, demander humblement et parfois le “plus beau bureau du monde” s’ouvre. Souvent, néanmoins, il y a ce petit fil conducteur, ces petits évènements réguliers que l’on retrouve. Ils sont consignés dans ce petit post.

Un grand sourire, des remerciements, quelques phrases discrètes pour faire connaissance. "Alors tu es pilote privé ? Tu voles où ?". Souvent, l'ambiance est très détendue : "Dans le cockpit, on se tutoie !". "Assieds toi Vince !" Puis le jumpseat est déplié et tu te brêles un peu maladroitement en espérant "faire comme il faut" sous le regard bienveillant de la chef de cabine qui t'a accompagné jusqu'ici.

Une fois à la place d'honneur, bien au centre et surplombant les deux hommes qui maîtrisent la machine, tu ne sais plus où regarder tellement ton attention est attirée par tout. Le copilote te demande si tu sais utiliser le masque à oxygène. Oui, j'ai eut la chance de faire du simu. avec un exercice d'incendie à bord. J'ai été ridicule, certes, mais je me rappelle comment on manipule à une main le masque à oxygène. Attaché, sécurisé et sage, tu t'effaces. La gestion du vol continue, comme si tu n'étais pas là.

Dehors, souvent le spectacle est divin pour un pilote VFR. Une vue à 180 degrés du spectacle (n'oublie pas tes lunettes de soleil, il fait toujours beau au dessus), puis vite tu seras rattrapé par ta passion et voudra découvrir si tous ces boutons et écrans correspondent bien à ce que tu as sur ton Flight Simulator. Tu voudras t'approprier l'espace réel de cette habitacle comme pour briser tes fausses sensations du simulateur sur PC. Tu auras presque l'envie de toucher l'impressionnant plafonnier pour voir si tous les boutons sont actifs. Mais timide, tu resteras les bras croisés, attentif, curieux à l'écoute du moindre bruit.

Puis, le copi t'indiquera d'attraper le casque, là au fond à droite. Maladroitement, engoncé dans ton harnais, tu tenteras de prendre ce sésame pour capter sans participer à tous les échanges. Posé sur tes oreilles, tu voudras régler la boite de mélange, mais ne touchera à rien, silencieux laissant les professionnels s'en charger. Tu surveilleras les écrans à la recherche de plot du TCAS, tentant d'aller chercher du regard l'avion comme au carrefour de RBT après une info. trafic.

Tout le reste n'est qu'émerveillement et tous nos sens sont en éveils. On capte les communications après voir regardé le carton posé devant les manettes de gaz où se trouve l'indicatif de l'avion. Et on se surprend à lever la main comme pour dire "silence" lorsque l'ATC appelle ton avion. Les hommes assis devant toi échangent rapidement comme des professionnels le font, loin des improvisations de ton cockpit à toi, dans ton DR400. Le briefing se déroule rigoureusement, mais toujours dans les règles sans rien omettre. Tu es là, aux premières loges et un grand sourire t'envahi. Tu te penches pour bien entendre, tu regardes de partout, tu tentes de tout comprendre et tout va trop vite. Le vol semble si court. Ils sont à l'aise, tu es aux anges.

La descente arrive, les deux de devant règlent leur fauteuil dans le vacarme des petits moteurs électriques. Tu voudrais faire de même, mais assis sur ton jumpseat central, tu te trouves très bien. Les feuilles d'arrivée, approche et sol sont dans l'ordre accrochées à la pince faite pour cela juste au dessus des manches latéraux. Tu regardes et tente d'apprendre, de faire l'éponge et d'absorber toutes ce qui se passe. La couche percée, l'approche autorisée... Tout semble s'enchainer, tu as des frissons.

Assis sur le jumpseat central, tu fais attention de ne pas gêner le CDB lorsqu'il attrape le combiné du public adress. Sans même regarder, il tend la main et tombe sur tes genoux. D'un mouvement rapide, tu t'écartes ayant eut l'impression de gêner une manoeuvre primordiale.  Au bout de plusieurs cockpistons, tu prends le réflexe de mettre tes jambes dans un coin pour ne plus gêner. Le petit détail qui fera te rendre encore plus transparent dans le cockpit.

Le GPWS raconte sa vie. Le cockpit est stérile, mais de toutes les façons, tu as pris l'habitude de parler uniquement lorsqu'on te le demande. Les hauteurs s'égrennent dans le haut parleur, tu as le balisage de piste qui défile, l'impression de vitesse grandissante à l'approche du sol. Badaboum... les reverses, tu as bien fait de serrer ton harnais. Tout vibre dans le cockpit. Te voilà posé. Et si tu es sur la ligne, le train avant tape sur les lampes du balisage en rythme d’un bruit sourd. La tension baisse et tu savoures encore tout le roulage, regardant en te penchant à droite et à gauche pour voir si les taxiways sont libres ou si la piste à croiser est bien dégagée. Tu as l'impression de participer au roulage.

Tu te lèves un peu pour mieux voir le placeur guider la lourde machine arrivant au pas, à sa porte. Le commandant de bord tend le pouce pour les hommes en bas, puis coupe les moteurs. Le micro à la bouche, le frein de park serré, puis un dialogue avec le sol et le frein de park est libéré, l'avion callé. La passerelle s'approche alors que tu regardes sur ta gauche. Tu ne veux toujours rien râter. C'est la fin du vol, ou presque. Tout de suite, les deux hommes à l'avant enchainent la paille (paperasserie) affichant des pages de données sur les écrans, recopiant, calculant, déchirant ce qui sort de l'imprimante juste devant tes genoux. Les papiers s'accumulent, coincé entre les manettes de gaz, ou bien comme punaisé dans un interrupteur ou encore simplement jeté sur la casquette de la planche de bord. Ils sont dans leur bureau. Puis, ils ouvrent le cockpit et on entend les passagers se précipiter vers la sortie. Tu te retournes après t'être de-brêler et tu n'oses encore pas bouger. Tu voudrais rester là pour la rotation suivante.

Ça vous fait ça aussi ?

PS : merci… merci encore aux équipages qui nous offrent ce cadeau.

10 commentaires:

Arnaud a dit…

Joli récit :)
De quel vol s'agissait-il ?

Franck a dit…

Que de fois, j'ai eu le "privilège" de vivre ces moments inoubliables... Mais jamais je n'aurais eu la narration aussi brillante. Merci à toi, car je m'y voyais. Merci à eux pour leur accueil toujours cordial.

Bons vols. Flye safe!

Vincent B. a dit…

@Arnaud : aucun en particulier, mais tous en général ;-) Pour illustration : quelques photos d'un vieux cockpiston sur AF488 ou AF489 (CDG - SXM - CDG)

Arnaud a dit…

Ah d'accord, merci pour ta réponse :)
Je pensais qu'il s'agissait des photos d'un vol en particulier.

En tous cas, c'est vrai que l'on s'y croirait.

Anonyme a dit…

Ton récit fait vraiment rêver !
A qui demande-tu pour t'installer au cokpit ?

Vincent B. a dit…

Au premier gradé que je croise ! Idéalement, il vaut mieux s'adresser à dieu plutôt qu'à ses saints ;-)

Anonyme a dit…

J'aime bien comment tu écris mon Papa ! :) <3

Tiph a dit…

Salut

Moi j'ai pas de chances avec les cokpits sur mes 5 dernières demandes : 5 refusés ( par contre il ya 3 ans 2/2) ... comment tu fais toi ?? Tu connais des Cdb AF nan ? lol en tt cas encore bravo pour ton blog magnifique qui m'a inspiré et donné envie d'en faire un aussi.

Bon vols

Antoine Delacrétaz a dit…

Le titre rappelle vaguement une chanson des années 80 (;-)

Bon voyage au Far West, on se réjouit de suivre tes aventures (depuis ici, hélas !)

Rémi D. a dit…

Très beau récit, et très bon blog en général.

C'est dommage que ce genre de cadeau se fasse de plus en plus rare. Je n'ai pas encore eu cette chance.


Bonne continuation

Rémi

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