Les pages de références

30.9.08

[16/20] On est où ? Je sais pas... mais c'est joli (Page - Bryce Canyon - Blanding)

Entre un café dans une tasse en polystyrène, un mufin de supermarché et la grande route, nous voilà tous attablés sous le franc soleil du matin. Nous sommes un peu à l'étroit sur la terrasse exiguë de notre motel. La journée commence bien. Il fait grand bleu. Les nombreux touristes, dont quelques français, s'affairent à trouver un café chaud. Nous chaussons déjà nos lunettes de soleil. On se croirait en vacances.

Devant nous, le Lake Powell Boulevard tourne en descendant vers ce décor qui a dû bercer nos rêves. Peut-être a-t-on rêvé ? La fatigue nous en a-t-elle laissé le loisir ?

La bande des 6 traîne un peu, profitant de cet instant de vrai touriste pour griffonner quelques cartes postales. Jusqu'à ce qu'un d'entre nous rappelle le petit groupe à l'ordre. Il faudrait peut-être y aller les gars ? Trois avions vous attendent sur le parking de Page Municipal ! Il y a surtout la navette qui-a-le-tips-? qui semble être arrivée pour nous remonter au terrain. A défaut d'avoir une nav. de prête, nous n'aurons pas à tirer nos valises sur les trottoirs de Page.


Le Lake Power boulevard au pied de notre motel

La préparation du vol du jour se fait sur le parking des avions. Au grand air et rythmé par le démarrage des Lycoming. Voilà ce qui est prévu pour la journée. On pourrait croire qu'il s'agit d'un programme de plusieurs, mais non... nous... nous continuons sur le rythme initié maintenant depuis plusieurs jours.

Départ vers le nord-ouest, tout droit sur le VOR de Bryce Canyon. Facile, il suffit de faire un direct TO. Il parait qu'il y a de jolies choses à voir là-haut... de là-haut. Bryce Canyon... Ca me dit quelque chose. Après avoir profité de la visite, nous partirons vers l'est pour survoler Natural Bridges National Monument. Puis, en fonction de ce qu'il restera dans les réservoirs, Marc-Olivier nous prévoit un (pit) stop à Blanding (altitude du terrain 5868 ft). Nous prendrons ensuite la direction du nord de l'Arizona pour rejoindre la réserve des Navajo communément appelé Monument Valley (ce nom me dit quelque chose ce nom). Nous y ferons une escale "déjeuner" en nous posant sur le terrain privé de Goulding (UT25). Petit particularité, un seul QFU (sens de la piste) est utilisable pour l'atterrissage car orienté vers une des buttes de Monument Valley ! Puis nous repartirons enfin pour notre destination finale de Sedona.

Là encore, Marc-Olivier nous "vend" la destination de journée comme un pro : "Sedona est superbe, une piste en porte-avion dans un site exceptionnel, vous allez voir ! Toi, Vincent, qui aime les pistes tordus ! Tu vas adorer !". "Ah". Des pistes tordues ? Pire que l'arrivée à Portland ? Plus frissonant que l'atterrissage nuit à Oakland ? Plus dépaysant que le desert de Mojave ? Nous, on n'y connait plus grand chose. On a un peu perdu nos repères. Depuis plusieurs jours maintenant, nous avons appris à ne plus nous méfier. Complètement dépassés par les évènements. Nous sommes promenés d'un site exceptionnel à un autre. Un peu blasé durant la prépartion car nous savons que chaque jour, il y aura une surprise. Et forcément, une surprise de taille. Plus grande encore que la veille.

Depuis le début, nous avons tout de même fait la verticale de Los Angeles, des atterissages de nuit à Oakland, un survol de Vancouver (la ville) et Vancouver (International, le gros terrain), le survol de Crater Lake et d'une chaine de volcans, une short approach à Portland, un refueling au Space Port de Mojave, une vent arrière au dessus du Strip de Las Vegas, le survol du Grand-Canyon et nous nous sommes posés à Page de jour et de nuit. Glurps.

Page - Bryce Canyon - Monument Valley et Sedona. Voilà donc le programme de la... journée. On pourrait faire un voyage rien qu'avec ça. Nous c'est juste un bout. Frissons garantis. Cela va être exceptionnel. On le sait. On le devine. Ca ne peut que continuer.


Plaisir du matin : traverser tout le parking en trainant sa valise
vers SON avion. Plaisir du pilote privé voyageur.

Comme la journée risque d'être longue, nous remplissons les bouteilles d'eau et engrengons quelques sucres rapides. Les verrières sont nettoyés scrupuleusement. Le produit magique trouvé au fon des Cessna fait merveille. Une couche. On étale. On laisse sécher et on nettoie par un coup de chiffon.

Ils ont de l'humour les 'ricains sur leur machine à soda

Je ne me rappelle même plus qui est aux commandes du Cessna lorsque nous nous replongeons dans ce décor de western au point d'arrêt de la 33. Nous sommes toujours en auto-information. Nous avons l'impression d'être dans un décor en cinémascope, comme en témoigne cette vidéo :



Nous sommes les derniers à nous envoler. Tango-Bravo et le Duchess sont déjà loin devant. Sur 123.45, il ne faut pas longtemps pour que les frenchies blablatent. Ils n'y avaient que 3 avions, mais qu'est-ce-qu'ils ont occupé la fréquence. Nous filons vers le VOR de Bryce Canyon 112.8 lorsque l'immense muraille se montre devant nous. 123.45 est rempli de radiale et de distance DME pour que tout le monde se retrouve. Le Tango-Bravo voit des fumés d'incendie et s'inquiète.

Je ne sais plus pourquoi, j'imaginais de passer au dessus comme s'il fallait aller plus loin. Le spectacle est là et je ne m'en rends même pas compte. 8000 ou 9000 ft ? Peu importe, il faut regarder dehors et profiter !





Petite promenade au dessus de Bryce Canyon
immortalisée par la trace GPS


Petite anecdote qui donne le titre à ce récit. Dans le N4975F, le camescope tourne souvent à l'insu des deux passagers. J'appuie sur REC, puis absorbé par le paysage, nous oublions que "cela tourne". Le camescope conserve alors des bribes de conversations étonnantes. Une des plus belle restera certainement, lorsque nous arrivions sur Bryce Canyon :

- "On est où ?"
- "Je sais pas... mais c'est jolie"

(Véridique, j'ai la vidéo en pièce à conviction. Heureusement, on ne reconnait pas les voix)







Nous tournons pour profiter encore et encore du décor. Je me demande pourquoi on appelle le Bryce Canyon, un Canyon car la partie qui submerge le regard ressemble plus à une muraille avec des milliers de pics acérés (les hoodoos) sur son flanc. J'ai l'impression de voler dans un poster. Rien à voir avec le Grand Canyon d'hier.

Le Duchess nous a rejoins alors que le Tango-Bravo en avance, file déjà vers Blanding. S'improvise alors la seconde patrouille de ce périple. 123.45 blablatte fort et les photographes mitraillent conservant quelques jolies morceaux de souvenirs aériens.



Les machines sont presque photographiées sous toutes les coutures. Je me place à droite, puis à gauche au gré des desiderata des photographes. Puis nous faisons un jolie 180 pour absorber tout le paysage du regard, malgré l'aile haute du Cessna. Tous les échanges se font sur 123.45 et on entend le Tango-Bravo qui voudrait aussi en profiter. Nous filons le rejoindre.


Après un dernier passage, le Duchess décide de rentrer toute la ferraille qui lui permet de rester à notre hauteur et s'en va rattraper le Tango-Bravo qui est déjà vers Bullfrog Basin.


Nous traçons comme nous pouvons vers l'est maintenant, en direction du Natural Bridges National Monument.

Nous peinons un peu à rattraper le Duchess et le Cessna Tango Bravo devant. Nous les entendons se coordonner sur la fréquence pour également voler en patrouille comme nous il y a quelques minutes.





Les deux grosses marina du bassin aux grosses grenouilles (Bullfrog basin) nous servent admirablement de point de repères. "Vous êtes à la Marina du nord ?", "Non à celle du sud...", "Ah, on voit voit pas...", "A quelle altitude ?", "et par rapport au terrain de Bullfrog ?"... etc... etc... Nous ne sommes que 3 en l'air, mais nous faisons un vacarme sur 123.45 !



Avant d'arriver au Natural Bridges, tout naturellement nous nous remontons le lac Powell en direction du Glen Canyon pour la plus belle patrouille à laquelle j'ai pu participer.

La lumière est vive. L'éclairage parfait. Le lieu magique et le ciel nous semble abandonné et calme. Personne en l'air, sauf un Beech 76 et deux Skyhawk 172 dans l'ouest américain. Le Duchess et les deux Cessna volent de concert. L'un se plaçant à droite, puis à gauche pour pouvoir se photographier à tour de rôle. Marc-Olivier et Christophe font la navigation. Ce sont nos leaders. Nous suivons comme deux poissons pilotes.










Ces superbes images resteront certainement en très bonne place dans ma mémoire de pilotaillon. Un décor fantastique, une patrouille à trois machines dans l'ouest américain. Un rêve de pilotaillon






Puis nous rompons la mini formation, puis reprenons notre route vers l'est. Quelques grandes boucles au dessus du Natural Bridges ne nous rasassieront pas. Les appareils photos enregistrent tout.
Au dessus de Natural Bridges National Monument

Puis après tous ces slaloms paradisiaques, il faut tout de même penser à aller faire le plein vers Blanding. Les avions s'espacent alors que le 75F refait un dernier tour. Nous y sommes ! Nous y restons ! Nous nous séparons et chacun se donne rendez-vous silencieusement vers notre prochain pit stop (KBDG).

On a pris la route pour aller à Blanding
Ok, on est peut-être un peu bas, là.

Blanding est un petit terrain qui nous semble paumé au milieu de nul part. On y trouve un Self Serve (pompe à essence en libre service) bien utile, car aurons besoin de faire des réserves en prévision de l'absence d'essence au terrain suivant.


Courte finale à Blanding


Pit Stop à Blanding

Blanding est également remarquable car situé à une altitude de 5868 pieds. A titre de comparaison, l'altiport de l'Alpe d'Huez est à 6102 pieds et Méribel à 5636 pieds. Blanding sera le terrain le plus élevé de tout Far West 2008. Blanding sera aussi le terrain de ravitaillement le plus rapide de tout le périple. Et Marc-Olivier aura à coeur de nous rappeler qu'un arrêt ravitaillement "doit être toujours comme celui de Blanding". On dira plus tard que Blanding est "le pit stop le plus rapide de Far West. LA référence". Nous avons pris le rythme un peu tard, car nous sommes maintenant à plus de la moitié du voyage, mais peut-être savions nous que d'une part il restait des miles à parcourir mais qu'une superbe, si ce n'est la plus belle des approches nous attendait dans quelques minutes. Mais ça, c'est une autre histoire.

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