Après les récits des vols sur les îles de St-Martin, Saba et St-Barth, il me restait à réaliser un montage des bouts de vidéo que j'ai ramenés de l'autre côté de l'Atlantique. Le petit appareil photo numérique qui permet d'agrémenter de photos les messages de ce blog, a aussi une fonction vidéo. Ouf, on va pouvoir regarder les gros navions atterrir sur la 09 de Princess Juliana, se poser comme en vrai à Grand-Case et - cerise sur le gâteau - faire un touché à St-Barth. Assis en place gauche, à bord d'un petit Cessna 150. Bienvenue à bord.
30.8.06
29.8.06
St-Barth, on quitte vers Grand-Case… j’espère à l’année prochaine… Novembre 704
Le vol Air France AF489 à destination de Paris Charles-De-Gaulle est prévu, demain vendredi. Les valises ont été ressorties. Les affaires regroupées. Je regarde les photos. Saba, Maho, St-Barth, Grand-Case, Juliana défilent. Les bleus des lagons, les nuages qui flottent au dessus des îles et le turquoise de la mer des Caraïbes. Je ne peux me contenter de repartir déjà. J’ai rappelé Frank pour prévoir un dernier vol.
Mercredi. Un voile de sable rempli tout le ciel de St-Martin. Depuis la plage d’Orient Bay, on devine l’île de Tintamarre comme noyée sous un nuage de pluie. Je cherche à deviner les contours des nuages dans le ciel. L’ambiance reste néanmoins très lumineuse. C’est une agréable journée. J’arrive à l’aéroclub en avance. Frank revient d’un vol. « Il fait tout bizarre, vent de sable, une fois en l’air on n’aperçoit même pas Tintamarre ! ». C’est bien la première fois que j’annule un vol à St-Martin.
Jeudi. Veille du départ. Rendez-vous est pris en fin d’après-midi. Tant mieux, cela me donnera une autre lumière. Je n'ai jusqu'alors volé qu'en fin de matinée. Le voile de sable est toujours là. Etonnant. Je retrouve une fine pellicule de sable très claire sur tous les bords d’attaques du N66704.
- « Allez, c’est toi qui bosse ! »
Je m’exécute. Je prends le petit escabeau toujours placé à l’arrière du Cessna 2 places. J’ouvre le bouchon d’essence du réservoir de l’aile gauche et plante la pipette graduée.
- « 5,5 gallons à gauche, chef ! »
- « Et l’autre ? »
Je redescends de mon escabeau, fait le tour de l’avion avec mon petit matériel et procède au même cérémonial.
- « 5 gallons dans celui-là, chef ! »
- « C’est bon, redescend ! »
10,5 gallons. Un peu plus d’une heure et demie à 6 gallons de conso/heure. Un chouya juste. C’est parti pour apporter l’avion à la pompe à roulette. Mine de rien, ça me change des Robins avec leur carnet à inspecter (combien d’essence reste-t-il dans celui ? Il a volé combien de temps ? De quand date le dernier avitaillement ?) et les avions à « descendre » (au moteur) pour leur faire le plein à la pompe de St-Cyr. Ce sont les vacances et ces modestes changements sont autant de nouvelles choses à découvrir pour le pilotaillon que je suis.
Je finis la prévol, le mémento/checklist à la main comme à mes premières heures de vol. J’inspecte l’avion tout en métal, moi qui ne suis habitué qu’au bois et à la toile et aux ailes basses.
Nous embarquons enfin. L’instructeur, Frank, à droite. Le pilotaillon/touriste à gauche.
- « Alors, on va où ? Il veut aller où le parisien ? »
- « On pourrait se faire St-Barth ? J’aimerais bien faire des photos et des vidéos »
- « C’est parti, tu fais la radio ? »
- « Soyons fou »
Les pédales de frein sur appuyés pendant que je tire la manette de frein de park. Mise en route. Alternateur sur ON… 1000 tours.
- « Grand-Case Info, Novembre 704, bonjour ! »
- « Novembre 704, Grand-Case, bonjour ! »
- « Grand-Case Info, Novembre 6-6-704, Cessna 150 au parking, pour un vol d’entraînement vers St-Barth et retour »
- « Novembre 704, QNH 1014, vent du 100 pour 15 kts rafales 19 kts, par de trafic connu dans le circuit »
- « 1014, on roule pour Alpha, Novembre 704 »
Lâcher le frein de parking (les deux pieds sur les pédales du haut), un peu de gaz, roulage pour Alpha, point fixe… et on se fait doubler par un Baron-five-eight-phraséo-in-ingliche qui décolle comme une fusée rentrant les trains à peine le sol quitté et avalant la piste en radada.
- « Backtracking runway 12, November-Seven-Zero-Four »
- « Roger »
J’oublie les actions vitales à l’alignement et je mets les gaz me méfiant, cette fois-ci, du vent « de travers » (un p’tit 30 degrés) et du message de l’AFIS (13 kts, rafale 18 kts). Montée initiale aux 70mph, balloté par le vent et les rabattants de la montée initiale de Grand-Case. Je surveille d’un bout de l’œil la bille. Trop sensible au pied… trop violent ce pilote… La baie orientale est passée lorsque je lève le nez pour voir l’horizon (et pas l’inverse, comprenne qui pourra). Il n’y en a pas. Le voile de sable est là et masque un peu la visibilité. Je ne vois même pas St-Barth (ouf, je trouve Tintamarre).
- « C’est par où ? » (question du pilotaillon parisien de base perdu dans les iles)
- « Je dirais un 150 et 1500ft » (réponse de l’instructeur jouant dans son jardin)
- « 150 ? 150 ! 1500ft ? Ah oui, de Grand-Case vers St-Barth c’est 1500ft… par contre le retour c’est 1000ft, c’est ça ? »
- « Tout à fait ».
Comme si j’allais le refaire tout seul le lendemain. Bon, ok pas le lendemain, mais le surlendemain et avec Flight Simulator. 5 minutes plus tard, moment choisi dans le cockpit :
- « Moi, je vois St-Barth et l’ile Fourchue » (affirmation de l’instructeur qui, même les yeux fermés, voit tout)
- « Hein ? Je vois que dalle » (réponse de l’élève perdu)
- « Moi, je dirais au 155 plutôt que 150 » (précision suisse aux 5 degrés près)
- « Bon, baaaa 5 degrés à droite… je vois toujours rien, mouaaa » (l’élève qui a l’impression de ne pas être dans le même avion que l’instructeur)
Je me retourne et refais le coup de la planchette et de la VAC de St-Barth. Cette fois-ci, on arrive de Grand-Case par le nord ouest (la dernière fois, on arrivait de Saba). Je sors la VAC de TFFJ, toute belle, imprimée de Paris. Et j’essaie de recoller les morceaux. L’ile Fourchue apparaît (ou plutôt un bout de terre semble apparaître au loin).
- « Bon… là c’est Fourchue… ah on voit St-Barth derrière… » (l’élève content de comprendre un minimum ce qui se passe devant lui)
- « Ok. Tu vois le Pain de Sucre ? » (l’instructeur 10 minutes devant l’avion)
- « Hum » (l’élève essoufflé, 10 minutes derrière l’avion)
- « Tiens ton avion à 1500ft et ne passe pas à gauche du Pain de Sucre »
Je replonge dans la VAC pour tenter de calquer ce qui se déroule sous mes yeux avec la petite représentation du SIA que je pose sur le volant du Cessna.
- « Range moi ce truc et regarde devant toi ! » (l’instructeur énervé)
Je jette la VAC sur la casquette et met le nez dehors. Fourchue est là… derrière le petit ilot c’est le Pain de Sucre qui marque le début de la finale. Le terrain est juste à gauche. St-Barth et Gustavia sont maintenant bien visibles. Mon paradis de pilotaillon est posé devant moi. Il reste à jouer.
- « Tu fais toujours la radio ? »
- « Ah baaaa… ouaaiiiis »
- « Alors vas-y, appelle-les… n’oublis pas qu’on vient de Grand-Case »
- « Yop… yop… C’est comment qu’ils s’appellent déjà ? »
Dans ma tête, tout se bouscule… Gustavia ? St-Barth ? St-Barthelemy ? St-Barth Info ? Gustavia Info ? La terre ?
- « St-Barth Info, Novembre-704, bonjour ! »
- « Novembre 704 bonjour »
- « St-Barth Info, Novembre 6-6-704, Cessna 150, en provenance de Grand-Case pour un touché sur vos installations, 1500ft et travers Fourchue dans 3 minutes »
- « Novembre 6-6-704, QNH 1014, vent du 80 pour 14 kts, rafale 20 kts, pas de trafic connu »
- « 1014, 704 »
Des messages comme ça, on n’en passe pas tous les jours. En tout cas, pas moi (Frank à droite, si). Alors dans l’euphorie et le manque de pratique des AFIS, j’en oublie de dire quand je prévois de rappeler « Passant Pain de Sucre, pour la finale 10 ». Tant pis. J’suis parisien.
J’arrive forcément en vrac au dessus du Pain de Sucre. Forcément, j’ai l’excuse d’être en vacances. J’en oublie même de tourner à gauche pour attraper l’axe de la piste de TFFJ. Si Frank ne m’avait rappelé à l’ordre… On serait à Saba à l’heure qu’il est. Je suis absorbé par le paysage. La mer des Caraïbes. Le bleu. Les bleux et St-Barth devant.
Je tiens comme je peux les 1500ft et attrape enfin l’axe… légèrement à droite. Je me fais réexpliquer la technique d’approche sur St-Barth. Les chiffres « 10 » et « les plots » deux doigts au dessus du raz du col de la tourmente avec sa nouvelle route (ils m’ont tout changé depuis l’année dernière !). La vitesse, pas moins de 70mph et l’assiette à piquer « assez prononcée ». Ne pas oublier les volets, sinon « ça ne va pas le faire ». Avec tout ça, tu te débrouilles. La piste est là, la main gauche sur le volant, la main droite sur les gaz et c’est partie pour un touché.
J’ai beau me concentrer et tenter d'en profiter, mais je suis horriblement crispé sur le volant du Cessna. Tout à l’heure, je lâcherais un peu la branche gauche du volant pour me rendre compte que j'y suis totalement agrippé. Trempé de sueur.
- « Ne pique pas du nez… ta vitesse… ne remonte pas… »
Je suis derrière l’avion. Ca a beau être un avion de débutant et lent, je suis derrière l’avion. J’ai l’impression de piquer sur la 10 et je n’arrive plus à gérer correctement la relation « assiette – puissance – vitesse ». Tout s’enchaîne trop vite. Lorsque je suis content de mon plan (le « 10 » est bien posé deux doigts au dessus du col), c’est la vitesse qui ne va plus. Lorsque je tiens mon bon 75mph, je suis beaucoup trop haut. Et ce jeu dure tout le temps de la finale. Cela me paraît une éternité. Je « pilote » mon Cessna 150 en finale sur la 10 de St-Barth. Allons-y !
Le col pass, trop vite, trop bas ou trop haut… La piste est là, à peine à 50 mètres. « Ne plonge pas » conseil Franck. J’ai l’impression d’avoir des yeux de mouche. J’essaie de capter toutes les images et les impressions à 180 degrés. Le parking aviation générale, cet hélico parqué à gauche, un Dornier remonte au parking à droite, la plage au bout de la 10, 2 puis 3 windsurfeurs avec de grandes voiles, ça doit bien être de 7m2… ils filent… mais on s’en fout de ces voiles !! Concentre-toi sur la piste !
Le vent et les turbulences sont aussi de la partie. C’était trop simple. Nous sommes parfois secoués à droite puis à gauche… puis soudain, c’est calme… L’avion descend tout seul (et ce n’est pas grâce au trim que je n’ai pas réglé), puis de nouveau un grand coup qui nous enfonce sur le plan. Il faut se battre.
Je passe les plots. Plein réduit. Je n’ai pas regardé la vitesse, mais ça ne devait pas être ça (du tout). Je suis en « mode arrondi »… Laisser l’avion se faire la piste… Se battre pour le laisser à plat sur la piste et pas 10 mètres à droite comme le vent semble vouloir le faire. Je me bat. Ca secoue. L’effet de sol ou le vent semble me faire refuser la piste… on est un chouya long me semble-t-il (frank me dira plus tard qu’on avait le temps de faire le touché)… Ca touche… On est posé… Je laisse rouler jusqu'en bout de bande. Jusqu'à la plage.
Bien sûr, Frank a fait plus que m’aider, mais il m’a laissé l’impression que je posais le petit Cessna, à moi tout seul. Sur la 10 de St-Barth. Nous roulons jusqu’à l’extrémité, puis nous remontons. Nous voilà posé à St-Barth. J'étais assis à gauche. Je suis exténué, en sueur et le t-shirt trempé.
Je suis scrupuleusement la ligne jaune alors que nous longeons le terminal en remontant le terrain. Un Caravan, un Dornier et un TwinOtter. Certains embarquent des passagers. Alpha approche. Frank déroule la check pour nous faire gagner du temps. Message à la radio :
- "Pour le trafic en finale, on a le temps de s'aligner et de décoller du November-704 ?"
- "Oh oui, ça passe... on est pas encore en finale"
Je m’aligne et je décolle avant que le trafic commercial ne déboule. Plein gaz. Au bout la plage. Le Cessna accélère lentement. Le terminal défile à droite. Je garde l'axe au pied et les planches à voile se rapprochent. Je peux maintenant distinguer la marque des voiles. "Tiens un Neil Pryde v8 !".
65mph, je tire le manche vers moi. On accélère doucement,nous survolons la plage en montant tranquillement. Nous sommes au dessus de la mer. La baie de St-Jean. Et j'entame mon virage en montant vers la gauche pour rejoindre le circuit.
Frank me raconte une plaisanterie. Il est dans son jardin. C'est chez lui, c'est son espace de jeux. Moi, je tâche de regarder partout tentant de capter toutes les images possibles afin d'en faire des souvenirs. Je ne veux rien manquer.
- "On fait quoi ?"
- "Bha, un autre tour !"
Et c'est reparti. Seconde présentation sur la 10 de St-Barth. Seconde attaque en piquée et le passage au raz du col et de la route. Lorsque je pense qu'il y a peu, un pilote (ou plutôt son avion) a touché le toit d'une voiture qui montait par là.
Touché. Remise de gaz et je prend petite assiette à cabrer avant de prendre à gauche. Je laisse Frank piloter et annonce "les commandes à droite" car je veux faire un film. Je n'arrive déjà pas à piloter en ne faisant que cela, alors filmer et piloter... Le troisième tour cela celui de Frank.
- "Tiens, c'est marrant, ça fait un baille que je n'ai pas atteri à St-Barth avec le C150".
16h00. Demain à la même heure, je serais dans un Airbus A340 au départ en direction vers Paris. Pour l'instant, le Cessna 150 est en vent arrière de la 10 à St-Barth et je n'ai pas envie de rentrer. 3 semaines se terminent. Les commandes sont repassées à gauche et je prend un cap vers St-Martin. Je quitte l'air de jeux. Un dernier atterrissage sur la 12 de Grand-Case me laisse plein de regrets. J'en aurais bien profiter. Mais mon coffre à jouet se referme. En quittant le circuit de St-Barth, j'ai annoncé sur la fréquence :
- "St-Barth, on quitte vers Grand-Case… j’espère à l’année prochaine… Novembre 704"
La vidéo de ces tours de piste (et bien d'autres) est disponible ici.
Mercredi. Un voile de sable rempli tout le ciel de St-Martin. Depuis la plage d’Orient Bay, on devine l’île de Tintamarre comme noyée sous un nuage de pluie. Je cherche à deviner les contours des nuages dans le ciel. L’ambiance reste néanmoins très lumineuse. C’est une agréable journée. J’arrive à l’aéroclub en avance. Frank revient d’un vol. « Il fait tout bizarre, vent de sable, une fois en l’air on n’aperçoit même pas Tintamarre ! ». C’est bien la première fois que j’annule un vol à St-Martin.
Jeudi. Veille du départ. Rendez-vous est pris en fin d’après-midi. Tant mieux, cela me donnera une autre lumière. Je n'ai jusqu'alors volé qu'en fin de matinée. Le voile de sable est toujours là. Etonnant. Je retrouve une fine pellicule de sable très claire sur tous les bords d’attaques du N66704.
- « Allez, c’est toi qui bosse ! »
Je m’exécute. Je prends le petit escabeau toujours placé à l’arrière du Cessna 2 places. J’ouvre le bouchon d’essence du réservoir de l’aile gauche et plante la pipette graduée.
- « 5,5 gallons à gauche, chef ! »
- « Et l’autre ? »
Je redescends de mon escabeau, fait le tour de l’avion avec mon petit matériel et procède au même cérémonial.
- « 5 gallons dans celui-là, chef ! »
- « C’est bon, redescend ! »
10,5 gallons. Un peu plus d’une heure et demie à 6 gallons de conso/heure. Un chouya juste. C’est parti pour apporter l’avion à la pompe à roulette. Mine de rien, ça me change des Robins avec leur carnet à inspecter (combien d’essence reste-t-il dans celui ? Il a volé combien de temps ? De quand date le dernier avitaillement ?) et les avions à « descendre » (au moteur) pour leur faire le plein à la pompe de St-Cyr. Ce sont les vacances et ces modestes changements sont autant de nouvelles choses à découvrir pour le pilotaillon que je suis.
Je finis la prévol, le mémento/checklist à la main comme à mes premières heures de vol. J’inspecte l’avion tout en métal, moi qui ne suis habitué qu’au bois et à la toile et aux ailes basses.
Nous embarquons enfin. L’instructeur, Frank, à droite. Le pilotaillon/touriste à gauche.
- « Alors, on va où ? Il veut aller où le parisien ? »
- « On pourrait se faire St-Barth ? J’aimerais bien faire des photos et des vidéos »
- « C’est parti, tu fais la radio ? »
- « Soyons fou »
Les pédales de frein sur appuyés pendant que je tire la manette de frein de park. Mise en route. Alternateur sur ON… 1000 tours.
- « Grand-Case Info, Novembre 704, bonjour ! »
- « Novembre 704, Grand-Case, bonjour ! »
- « Grand-Case Info, Novembre 6-6-704, Cessna 150 au parking, pour un vol d’entraînement vers St-Barth et retour »
- « Novembre 704, QNH 1014, vent du 100 pour 15 kts rafales 19 kts, par de trafic connu dans le circuit »
- « 1014, on roule pour Alpha, Novembre 704 »
Lâcher le frein de parking (les deux pieds sur les pédales du haut), un peu de gaz, roulage pour Alpha, point fixe… et on se fait doubler par un Baron-five-eight-phraséo-in-ingliche qui décolle comme une fusée rentrant les trains à peine le sol quitté et avalant la piste en radada.
- « Backtracking runway 12, November-Seven-Zero-Four »
- « Roger »
J’oublie les actions vitales à l’alignement et je mets les gaz me méfiant, cette fois-ci, du vent « de travers » (un p’tit 30 degrés) et du message de l’AFIS (13 kts, rafale 18 kts). Montée initiale aux 70mph, balloté par le vent et les rabattants de la montée initiale de Grand-Case. Je surveille d’un bout de l’œil la bille. Trop sensible au pied… trop violent ce pilote… La baie orientale est passée lorsque je lève le nez pour voir l’horizon (et pas l’inverse, comprenne qui pourra). Il n’y en a pas. Le voile de sable est là et masque un peu la visibilité. Je ne vois même pas St-Barth (ouf, je trouve Tintamarre).
- « C’est par où ? » (question du pilotaillon parisien de base perdu dans les iles)
- « Je dirais un 150 et 1500ft » (réponse de l’instructeur jouant dans son jardin)
- « 150 ? 150 ! 1500ft ? Ah oui, de Grand-Case vers St-Barth c’est 1500ft… par contre le retour c’est 1000ft, c’est ça ? »
- « Tout à fait ».
Comme si j’allais le refaire tout seul le lendemain. Bon, ok pas le lendemain, mais le surlendemain et avec Flight Simulator. 5 minutes plus tard, moment choisi dans le cockpit :
- « Moi, je vois St-Barth et l’ile Fourchue » (affirmation de l’instructeur qui, même les yeux fermés, voit tout)
- « Hein ? Je vois que dalle » (réponse de l’élève perdu)
- « Moi, je dirais au 155 plutôt que 150 » (précision suisse aux 5 degrés près)
- « Bon, baaaa 5 degrés à droite… je vois toujours rien, mouaaa » (l’élève qui a l’impression de ne pas être dans le même avion que l’instructeur)
Je me retourne et refais le coup de la planchette et de la VAC de St-Barth. Cette fois-ci, on arrive de Grand-Case par le nord ouest (la dernière fois, on arrivait de Saba). Je sors la VAC de TFFJ, toute belle, imprimée de Paris. Et j’essaie de recoller les morceaux. L’ile Fourchue apparaît (ou plutôt un bout de terre semble apparaître au loin).
- « Bon… là c’est Fourchue… ah on voit St-Barth derrière… » (l’élève content de comprendre un minimum ce qui se passe devant lui)
- « Ok. Tu vois le Pain de Sucre ? » (l’instructeur 10 minutes devant l’avion)
- « Hum » (l’élève essoufflé, 10 minutes derrière l’avion)
- « Tiens ton avion à 1500ft et ne passe pas à gauche du Pain de Sucre »
Je replonge dans la VAC pour tenter de calquer ce qui se déroule sous mes yeux avec la petite représentation du SIA que je pose sur le volant du Cessna.
- « Range moi ce truc et regarde devant toi ! » (l’instructeur énervé)
Je jette la VAC sur la casquette et met le nez dehors. Fourchue est là… derrière le petit ilot c’est le Pain de Sucre qui marque le début de la finale. Le terrain est juste à gauche. St-Barth et Gustavia sont maintenant bien visibles. Mon paradis de pilotaillon est posé devant moi. Il reste à jouer.
- « Tu fais toujours la radio ? »
- « Ah baaaa… ouaaiiiis »
- « Alors vas-y, appelle-les… n’oublis pas qu’on vient de Grand-Case »
- « Yop… yop… C’est comment qu’ils s’appellent déjà ? »
Dans ma tête, tout se bouscule… Gustavia ? St-Barth ? St-Barthelemy ? St-Barth Info ? Gustavia Info ? La terre ?
- « St-Barth Info, Novembre-704, bonjour ! »
- « Novembre 704 bonjour »
- « St-Barth Info, Novembre 6-6-704, Cessna 150, en provenance de Grand-Case pour un touché sur vos installations, 1500ft et travers Fourchue dans 3 minutes »
- « Novembre 6-6-704, QNH 1014, vent du 80 pour 14 kts, rafale 20 kts, pas de trafic connu »
- « 1014, 704 »
Des messages comme ça, on n’en passe pas tous les jours. En tout cas, pas moi (Frank à droite, si). Alors dans l’euphorie et le manque de pratique des AFIS, j’en oublie de dire quand je prévois de rappeler « Passant Pain de Sucre, pour la finale 10 ». Tant pis. J’suis parisien.
J’arrive forcément en vrac au dessus du Pain de Sucre. Forcément, j’ai l’excuse d’être en vacances. J’en oublie même de tourner à gauche pour attraper l’axe de la piste de TFFJ. Si Frank ne m’avait rappelé à l’ordre… On serait à Saba à l’heure qu’il est. Je suis absorbé par le paysage. La mer des Caraïbes. Le bleu. Les bleux et St-Barth devant.
Je tiens comme je peux les 1500ft et attrape enfin l’axe… légèrement à droite. Je me fais réexpliquer la technique d’approche sur St-Barth. Les chiffres « 10 » et « les plots » deux doigts au dessus du raz du col de la tourmente avec sa nouvelle route (ils m’ont tout changé depuis l’année dernière !). La vitesse, pas moins de 70mph et l’assiette à piquer « assez prononcée ». Ne pas oublier les volets, sinon « ça ne va pas le faire ». Avec tout ça, tu te débrouilles. La piste est là, la main gauche sur le volant, la main droite sur les gaz et c’est partie pour un touché.
J’ai beau me concentrer et tenter d'en profiter, mais je suis horriblement crispé sur le volant du Cessna. Tout à l’heure, je lâcherais un peu la branche gauche du volant pour me rendre compte que j'y suis totalement agrippé. Trempé de sueur.
- « Ne pique pas du nez… ta vitesse… ne remonte pas… »
Je suis derrière l’avion. Ca a beau être un avion de débutant et lent, je suis derrière l’avion. J’ai l’impression de piquer sur la 10 et je n’arrive plus à gérer correctement la relation « assiette – puissance – vitesse ». Tout s’enchaîne trop vite. Lorsque je suis content de mon plan (le « 10 » est bien posé deux doigts au dessus du col), c’est la vitesse qui ne va plus. Lorsque je tiens mon bon 75mph, je suis beaucoup trop haut. Et ce jeu dure tout le temps de la finale. Cela me paraît une éternité. Je « pilote » mon Cessna 150 en finale sur la 10 de St-Barth. Allons-y !
Le col pass, trop vite, trop bas ou trop haut… La piste est là, à peine à 50 mètres. « Ne plonge pas » conseil Franck. J’ai l’impression d’avoir des yeux de mouche. J’essaie de capter toutes les images et les impressions à 180 degrés. Le parking aviation générale, cet hélico parqué à gauche, un Dornier remonte au parking à droite, la plage au bout de la 10, 2 puis 3 windsurfeurs avec de grandes voiles, ça doit bien être de 7m2… ils filent… mais on s’en fout de ces voiles !! Concentre-toi sur la piste !
Le vent et les turbulences sont aussi de la partie. C’était trop simple. Nous sommes parfois secoués à droite puis à gauche… puis soudain, c’est calme… L’avion descend tout seul (et ce n’est pas grâce au trim que je n’ai pas réglé), puis de nouveau un grand coup qui nous enfonce sur le plan. Il faut se battre.
Je passe les plots. Plein réduit. Je n’ai pas regardé la vitesse, mais ça ne devait pas être ça (du tout). Je suis en « mode arrondi »… Laisser l’avion se faire la piste… Se battre pour le laisser à plat sur la piste et pas 10 mètres à droite comme le vent semble vouloir le faire. Je me bat. Ca secoue. L’effet de sol ou le vent semble me faire refuser la piste… on est un chouya long me semble-t-il (frank me dira plus tard qu’on avait le temps de faire le touché)… Ca touche… On est posé… Je laisse rouler jusqu'en bout de bande. Jusqu'à la plage.
Bien sûr, Frank a fait plus que m’aider, mais il m’a laissé l’impression que je posais le petit Cessna, à moi tout seul. Sur la 10 de St-Barth. Nous roulons jusqu’à l’extrémité, puis nous remontons. Nous voilà posé à St-Barth. J'étais assis à gauche. Je suis exténué, en sueur et le t-shirt trempé.
Je suis scrupuleusement la ligne jaune alors que nous longeons le terminal en remontant le terrain. Un Caravan, un Dornier et un TwinOtter. Certains embarquent des passagers. Alpha approche. Frank déroule la check pour nous faire gagner du temps. Message à la radio :
- "Pour le trafic en finale, on a le temps de s'aligner et de décoller du November-704 ?"
- "Oh oui, ça passe... on est pas encore en finale"
Je m’aligne et je décolle avant que le trafic commercial ne déboule. Plein gaz. Au bout la plage. Le Cessna accélère lentement. Le terminal défile à droite. Je garde l'axe au pied et les planches à voile se rapprochent. Je peux maintenant distinguer la marque des voiles. "Tiens un Neil Pryde v8 !".
65mph, je tire le manche vers moi. On accélère doucement,nous survolons la plage en montant tranquillement. Nous sommes au dessus de la mer. La baie de St-Jean. Et j'entame mon virage en montant vers la gauche pour rejoindre le circuit.
Frank me raconte une plaisanterie. Il est dans son jardin. C'est chez lui, c'est son espace de jeux. Moi, je tâche de regarder partout tentant de capter toutes les images possibles afin d'en faire des souvenirs. Je ne veux rien manquer.
- "On fait quoi ?"
- "Bha, un autre tour !"
Et c'est reparti. Seconde présentation sur la 10 de St-Barth. Seconde attaque en piquée et le passage au raz du col et de la route. Lorsque je pense qu'il y a peu, un pilote (ou plutôt son avion) a touché le toit d'une voiture qui montait par là.
Touché. Remise de gaz et je prend petite assiette à cabrer avant de prendre à gauche. Je laisse Frank piloter et annonce "les commandes à droite" car je veux faire un film. Je n'arrive déjà pas à piloter en ne faisant que cela, alors filmer et piloter... Le troisième tour cela celui de Frank.
- "Tiens, c'est marrant, ça fait un baille que je n'ai pas atteri à St-Barth avec le C150".
16h00. Demain à la même heure, je serais dans un Airbus A340 au départ en direction vers Paris. Pour l'instant, le Cessna 150 est en vent arrière de la 10 à St-Barth et je n'ai pas envie de rentrer. 3 semaines se terminent. Les commandes sont repassées à gauche et je prend un cap vers St-Martin. Je quitte l'air de jeux. Un dernier atterrissage sur la 12 de Grand-Case me laisse plein de regrets. J'en aurais bien profiter. Mais mon coffre à jouet se referme. En quittant le circuit de St-Barth, j'ai annoncé sur la fréquence :
- "St-Barth, on quitte vers Grand-Case… j’espère à l’année prochaine… Novembre 704"
La vidéo de ces tours de piste (et bien d'autres) est disponible ici.
20.8.06
Aux premières loges
Rien n'a changé à Maho. La mer, la plage, la route, le grillage et la piste 09 de TNCM. Peut-être est-ce l’immobilisme avant la disparition ? En effet, le prochain plan de mise en conformité des nouvelles installations de l’aéroport de Juliana, dont le nouveau terminal semble être la pierre angulaire, prévoit un allongement des zones de dégagement de plus de 150 mètres à chaque extrémité de la 09/27. Cela condamnera la plage de Maho Bay et ses deux bars dont le Sunset Beach Bar. Cela détruira aussi l’un des endroits de rêve des spotters en manque de soleil.
Ce poste ne comporte encore que des photos, pas encore de vidéo en ligne… Le temps de rentrer à Paris, de faire le tri, de monter et de sonoriser le tout ;-) J’ai en stock un atterrissage d’A340 d’Air France, celui d’un B747 de KLM, quelques WinAir et Air Caraïbes, un décollage de B757 vue depuis le seuil 27 et surtout le décollage « à contre QFU » d’un B757 de Us Air.
En attendant, je me suis d’abord posté au seuil de la 27. C’est sur mon chemin en venant de Simpson Bay et son cortège de casinos et d’hôtels très « à l’américaines » (comprendre : coincé entre un McDo, un Burger King, un KFC et un Subway). La route fait le tour de la piste. La 27, c’est l’autre extrémité de l’unique piste de Juliana. Elle est beaucoup moins connus que le seuil 09 (la baie de Maho), car on n’y trouve pas de plage, ni de bar, juste un chantier ou une sorte de sablière que j’escalade tant bien que mal. Et aussi parce que les avions décollent principalement en 09. J’ai tout de même eut la chance de capturer une jolie vidéo du décollage d’un des nombreux Boeing 757 d’American Airlines à destination de San Juan, Miami ou New York.
C’est toujours étonnant de voir foncer sur soi la centaine de tonne d’acier au travers de la brume de chaleur et derrière la bosse de la piste de Juliana. Au début, on n’entend rien. On a le vent dans le dos. On devine une dérive. Le son est sourd, forcément lointain. Et soudain, le 757 s’avance, le vrombissement augmente et il s’élève avec l’assiette à cabrer caractéristique des liners. Airborne ! En passant au dessus de moi, il a déjà rentré ses trains d’atterrissage et a entamé son virage à droite au cap 140 comme le prévoit le départ en 09. Et voilà, il est déjà loin. Fugitive apparition. Rapide frisson et je redescends de mon piédestal pour rejoindre ma voiture de location.
Je remonte la 09. Je roule forcément lentement. Tant pis pour les suiveurs qui grognent. Je suis en vacances. Un œil sur la route (vive les voitures automatiques) et un œil sur la piste. Seul un grillage me sépare de la piste. A gauche la 09 et à droite la succession sans fin des officines de loueurs de voitures. Avant d’arriver au terminal, on peut apercevoir au travers d’un grillage le parking Aviation General. Quelques Cessna sont amarrés et le Robinson R44 de la police Néerlandaise est protégé du soleil par sa bâche de protection. Un peu plus loin c’est le parking des jets privés. J’arrive à apercevoir un Citation X et un Learjet. Ils ont l’air d’être stationnés pour plusieurs jours. Les avions sont superbes. St-Barth et les Casinos ne sont pas loin ;-)
Je passe devant les locaux de WinAir, puis fait le tour du terminal et de son minuscule parking, toujours le lieu d’un joyeux désordre. Puis je longe l’immense (surtout comparé à l’ancien) nouveau terminal qui finit de se faire une beauté. Après le nouveau terminal, le sociétés de catering et de services ont leurs entrepôts.
Avant d’arriver au rond-point qui permet d’aller à droite vers les Casinos ou à gauche vers la fameuse route entre la plage et la piste (pas d’hésitation), on laisse l’immense tour de contrôle avec son radôme prédominant. Cela ne fait que 2 ou 3 ans que Juliana dispose d’un radar. Et j’imagine la difficulté des contrôleurs à réguler ce flot incessant de VFR et d’IFR approchant de 100 à 200 kts.
Je trouve difficilement une place pour ma coréenne de location. Lorsque j’arrive au Sunset Beach Bar, j’ai déjà croisé un Boeing 757 de Delta à l’atterrissage.
J’ai à peine le temps de me poser sur un tabouret que déjà le trafic défile. Pas le tems de commander à boire ! Mais au-delà du trafic, c’est le monde qui m’étonne. Beaucoup, beaucoup de touristes sont là. Cette plage semble être un passage obligé.
Second étonnement. La radio. Je n’ai pas encore branché mon AR108 (radio aéro portable) et pourtant je reconnais la voix du contrôleur de Juliana. Ca défile, ça dépotte. Le Sunset Beach Bart a truffé tous les coins de la terrasse avec des haut-parleurs branchés sur la fréquence de la tour !
Durant tout le reste de l’après-midi, j’ai eut l’impression d’être à un spectacle. Le volume des messages radios diffusés sur la terrasse permet d’entendre presque toute les conversations. C’est un bon exercice pour le pilotaillon francophone que je suis. Je serais surpris de connaître le nombre de personne qui comprennent ce « qu’ils disent ».
Les clairances volent dans tous les sens. Je branche mon AR-108 car la réception des communications en provenance des avions n’est pas tiptop via les haut-parleurs du Sunset Beach Bar. Un avion est à peine clairé au décollage, il a encore les roues sur la piste, que la clairance d’atterrissage du suivant est balancée. La méthode américaine confrontée à la méthode française !
Je vois aussi les Cessna Caravan d’Air Caraïbes et les Twinotter de WinAir avoir des finales très très très courtes, la base se trouvant au dessus de Maho ! Sans parler des TwinOtter effectuant des S de retardement dans la finale pour laisser le temps à un gros de remonter la piste.
Les gros navions (A340, B747 et les plus petits B757) se font toujours envoyer des « Expedite backtrack rwy 09 ! ». Les Dash, Caravan et autres TwinOtter atterrissant très courts et dégageant très rapidement. Ils vont, ils viennent, établissant des liaisons rapides et courtes avec Anguilla ou St-Barth. Les WinAir sont dans tous les sens : TwinOtter et Islander se posent, rappellent, s’alignent de toutes les sorties de taxiway.
Je m’étonne aussi des baigneurs. Il n’y en a pas 2 ou 3. Ils sont une dizaine à l’eau. Que font-ils sur CETTE plage. St-Martin regorge de très belles plages calmes et abrités (Baie Nettlé, Orient Bay...) Des spotters ? Des familles de spotters ?
Sur la fréquence de la tour, tout y passe. Décollage et atterrissage, demande de parking, contrôleur sol, intégrations dans le circuit et aussi toutes les clairances IFR. Cela ressemble vraiment à IVAO (à moins que ce ne soit l’inverse ;-).
Je n’aurais passé qu’une après-midi dans ce paradis pour spotter des îles. Sirotant un Coca sur une terrasse (trop) ensoleillée à regarder les avions se poser et même en voir un décoller après qu’il est demandé le contre QFU !
Un spotter débutant aux premières loges d’un spectacle dont la partition est parfaitement rôdée et qui se joue tous les jours à St-Martin sur l’aéroport Princess Juliana TNCM. Venez de préférence le dimanche, vous aurez droit au B747 de KLM, à l’A340 d’Air France et au B747 de Corsair (quand il n’est pas trop en retard)… en plus de tous les petits VFR qui virevoltent d’îles en îles.
Ce poste ne comporte encore que des photos, pas encore de vidéo en ligne… Le temps de rentrer à Paris, de faire le tri, de monter et de sonoriser le tout ;-) J’ai en stock un atterrissage d’A340 d’Air France, celui d’un B747 de KLM, quelques WinAir et Air Caraïbes, un décollage de B757 vue depuis le seuil 27 et surtout le décollage « à contre QFU » d’un B757 de Us Air.
En attendant, je me suis d’abord posté au seuil de la 27. C’est sur mon chemin en venant de Simpson Bay et son cortège de casinos et d’hôtels très « à l’américaines » (comprendre : coincé entre un McDo, un Burger King, un KFC et un Subway). La route fait le tour de la piste. La 27, c’est l’autre extrémité de l’unique piste de Juliana. Elle est beaucoup moins connus que le seuil 09 (la baie de Maho), car on n’y trouve pas de plage, ni de bar, juste un chantier ou une sorte de sablière que j’escalade tant bien que mal. Et aussi parce que les avions décollent principalement en 09. J’ai tout de même eut la chance de capturer une jolie vidéo du décollage d’un des nombreux Boeing 757 d’American Airlines à destination de San Juan, Miami ou New York.
C’est toujours étonnant de voir foncer sur soi la centaine de tonne d’acier au travers de la brume de chaleur et derrière la bosse de la piste de Juliana. Au début, on n’entend rien. On a le vent dans le dos. On devine une dérive. Le son est sourd, forcément lointain. Et soudain, le 757 s’avance, le vrombissement augmente et il s’élève avec l’assiette à cabrer caractéristique des liners. Airborne ! En passant au dessus de moi, il a déjà rentré ses trains d’atterrissage et a entamé son virage à droite au cap 140 comme le prévoit le départ en 09. Et voilà, il est déjà loin. Fugitive apparition. Rapide frisson et je redescends de mon piédestal pour rejoindre ma voiture de location.
Je remonte la 09. Je roule forcément lentement. Tant pis pour les suiveurs qui grognent. Je suis en vacances. Un œil sur la route (vive les voitures automatiques) et un œil sur la piste. Seul un grillage me sépare de la piste. A gauche la 09 et à droite la succession sans fin des officines de loueurs de voitures. Avant d’arriver au terminal, on peut apercevoir au travers d’un grillage le parking Aviation General. Quelques Cessna sont amarrés et le Robinson R44 de la police Néerlandaise est protégé du soleil par sa bâche de protection. Un peu plus loin c’est le parking des jets privés. J’arrive à apercevoir un Citation X et un Learjet. Ils ont l’air d’être stationnés pour plusieurs jours. Les avions sont superbes. St-Barth et les Casinos ne sont pas loin ;-)
Je passe devant les locaux de WinAir, puis fait le tour du terminal et de son minuscule parking, toujours le lieu d’un joyeux désordre. Puis je longe l’immense (surtout comparé à l’ancien) nouveau terminal qui finit de se faire une beauté. Après le nouveau terminal, le sociétés de catering et de services ont leurs entrepôts.
Avant d’arriver au rond-point qui permet d’aller à droite vers les Casinos ou à gauche vers la fameuse route entre la plage et la piste (pas d’hésitation), on laisse l’immense tour de contrôle avec son radôme prédominant. Cela ne fait que 2 ou 3 ans que Juliana dispose d’un radar. Et j’imagine la difficulté des contrôleurs à réguler ce flot incessant de VFR et d’IFR approchant de 100 à 200 kts.
Je trouve difficilement une place pour ma coréenne de location. Lorsque j’arrive au Sunset Beach Bar, j’ai déjà croisé un Boeing 757 de Delta à l’atterrissage.
J’ai à peine le temps de me poser sur un tabouret que déjà le trafic défile. Pas le tems de commander à boire ! Mais au-delà du trafic, c’est le monde qui m’étonne. Beaucoup, beaucoup de touristes sont là. Cette plage semble être un passage obligé.
Second étonnement. La radio. Je n’ai pas encore branché mon AR108 (radio aéro portable) et pourtant je reconnais la voix du contrôleur de Juliana. Ca défile, ça dépotte. Le Sunset Beach Bart a truffé tous les coins de la terrasse avec des haut-parleurs branchés sur la fréquence de la tour !
Durant tout le reste de l’après-midi, j’ai eut l’impression d’être à un spectacle. Le volume des messages radios diffusés sur la terrasse permet d’entendre presque toute les conversations. C’est un bon exercice pour le pilotaillon francophone que je suis. Je serais surpris de connaître le nombre de personne qui comprennent ce « qu’ils disent ».
Les clairances volent dans tous les sens. Je branche mon AR-108 car la réception des communications en provenance des avions n’est pas tiptop via les haut-parleurs du Sunset Beach Bar. Un avion est à peine clairé au décollage, il a encore les roues sur la piste, que la clairance d’atterrissage du suivant est balancée. La méthode américaine confrontée à la méthode française !
Je vois aussi les Cessna Caravan d’Air Caraïbes et les Twinotter de WinAir avoir des finales très très très courtes, la base se trouvant au dessus de Maho ! Sans parler des TwinOtter effectuant des S de retardement dans la finale pour laisser le temps à un gros de remonter la piste.
Les gros navions (A340, B747 et les plus petits B757) se font toujours envoyer des « Expedite backtrack rwy 09 ! ». Les Dash, Caravan et autres TwinOtter atterrissant très courts et dégageant très rapidement. Ils vont, ils viennent, établissant des liaisons rapides et courtes avec Anguilla ou St-Barth. Les WinAir sont dans tous les sens : TwinOtter et Islander se posent, rappellent, s’alignent de toutes les sorties de taxiway.
Je m’étonne aussi des baigneurs. Il n’y en a pas 2 ou 3. Ils sont une dizaine à l’eau. Que font-ils sur CETTE plage. St-Martin regorge de très belles plages calmes et abrités (Baie Nettlé, Orient Bay...) Des spotters ? Des familles de spotters ?
Sur la fréquence de la tour, tout y passe. Décollage et atterrissage, demande de parking, contrôleur sol, intégrations dans le circuit et aussi toutes les clairances IFR. Cela ressemble vraiment à IVAO (à moins que ce ne soit l’inverse ;-).
Je n’aurais passé qu’une après-midi dans ce paradis pour spotter des îles. Sirotant un Coca sur une terrasse (trop) ensoleillée à regarder les avions se poser et même en voir un décoller après qu’il est demandé le contre QFU !
Un spotter débutant aux premières loges d’un spectacle dont la partition est parfaitement rôdée et qui se joue tous les jours à St-Martin sur l’aéroport Princess Juliana TNCM. Venez de préférence le dimanche, vous aurez droit au B747 de KLM, à l’A340 d’Air France et au B747 de Corsair (quand il n’est pas trop en retard)… en plus de tous les petits VFR qui virevoltent d’îles en îles.
18.8.06
Cleared for low pass
Nouveau rendez-vous pris à l’aéroclub. Encore ! Il fait toujours aussi chaud, à moins que ce ne soit l’excitation d’avant-vol ? Cette fois-ci, je ne sais pas vers quel terrain nous allons nous envoler. « Nous regarderons sur la carte le moment venu, qu’en penses-tu ? » m’a dit Frank au téléphone. Je n’en ai pensé que du bien.
Il est temps de se mettre devant la carte. Ou plutôt devant le « collage » de grandes cartes sur une des parois du container à côté du trombinoscope et du frigo. Le terrain de jeux autour de St-Martin est rempli d’océan. Anguilla au nord, St-Barthelemy au sud-est et plus encore au sud Saba et St-Eustache. Bien sûr, plus au sud encore il y a encore des noms qui font rêver : St-Kitts, Nevis, Antigua, Montserrat, Les Saintes, Marie-Galante, La Désirade… sans parler de la Guadeloupe et de la Martinique. Mais nous n’avons qu’un Cessna 150 et j’ai déjà eut la chance de poser les roues du PA28 N32111 du côté du Raizet, des Saintes et de la Désirade. Snif. Snif. Souvenirs. Heureusement que le blog est là.
- « Saba ? Tu as bien dit Saba ? C’est où ça ? Je ne connais pas »
Ou plutôt si. J’en ai entendu parler. On m’a dit que la compagnie locale WinAir, basée à Juliana, a construit une piste sur ce petit bout d’île. Une jolie 12/30 en dur (ils ne connaissent pas les pistes en herbe, vues les averses qui tombent) totalement artificielle, ratiboisant un petit bout de colline. Le terrain n’est pas ouvert à la CAP (Circulation Aérienne Public), il est donc interdit de s’y poser (hors urgence bien sûr). Seuls les avions de la compagnie WinAir disposent d’une autorisation. Voilà un terrain restreint original. Je ne sais pas encore que l’approche est, elle aussi, un peu spéciale. On verra toute à l’heure. Pour l’instant, on se décide pour un triangle TFFG (Grand-Case) – Saba – TFFJ (St-Barth) – TFFG. On demandera un « low pass » sur Saba. On a vu pire. Cela va me changer de mes St-Cyr – Pontoise – Toussus – St-Cyr. Allez, on remballe le tout. Fini de rêver. Filons voler !
Nous faisons le plein alors que le bimoteur des douanes vient nous souffler tout nos papiers lorsqu’il manœuvre pour se garer à l’extrémité du parking Aviation Générale. Puis Frank file déposer un plan de vol. On prévoit 1500ft et une petite vingtaine de minutes de vol vers Saba, le retour via St-Barth et Grand-Case. Et les caps ?
- « Et le cap en sortie de Grand-Case, c’est quoi ? »
- « Oh la la, tu verras Saba en tournant la tête vers la droite… Allez, moi je dis un petit 195 »
- « Bon, ba si tu le dis… »
J’effectue comme je peux la prévol avec la Check List dans la main en me battant avec une guêpe maçonne de l’autre main. N’étant sûr de rien, regardant et vérifiant tout et n’importe quoi. Cela a beau être un avion, ce n’est pas mon avion ! Il est tout en métal, a les ailes bizarrement placées, a des volets électrique immense, un volant (et pas un manche), les gaz à droite, le badin en mph (et la petite couronne en kts), pas de pompe… Je ne suis pas dans mon élément.
Il est temps de mettre en route. Le canot et les gilets de sauvetage sont à bord. Aligné et prêt à décoller, l’AFIS nous donne les vents « pas de trafic à vous signaler dans le circuit », je met plein gaz.
Virage à droite « Au dessus de l’eau ! Pas sur la terre, Vincent ! Et la procédure anti-bruit, alors !». Green Cay et la plage du Gallion défilent sous l’aile droite. Nous descendons vers le sud en longeant la côte de St-Martin. Oyster Pond et la Pointe Blanche sont dépassées. Nous passons à proximité de Great Bay où sont amarrés les énormes paquebots qui en pleine saison sont 3 ou 4 dans le port. Aujourd’hui, hors saison, il n’y en a qu’un d’amarré. Frank me montre du doigt une île au loin, entre le bleu clair, le bleu foncé et le bleu clair. Saba est là. A portée de vue. Un gros rocher, tout droit, en laissant St-Barth sur la gauche.
Je reprends mes esprits. Le spectacle est encore une fois grandiose. Du bleu, du vert, le blanc tranchant des plages de sables fins et quelques nuages. St-Barth et sa 10 mythique sont là à gauche. Juste là à droite, au bout de l’île de St-Martin SXM, c’est Princess Juliana – TNCM et son approche sur la 09, au dessus de la baie de Maho.
Le cap est pris. Tout droit. Pas compliqué. Je tente de trimmer le Cessna 150 pour tenir mes 1500ft. Il y a un radar et des liners dans tous les coins, par ici. Après quelques minutes, il ne subsiste que deux couleurs devant le pare-brise. Du bleu et du blanc vers le haut… et « que du bleu » vers le bas et les côtés. Je prends l’appareil photo pour immortaliser l’instant. Nombreux sont les pilotes terriens à craindre le survol maritime. Je préfère ne pas y penser. Je repense plutôt au canot et au gilet derrière à portée de la main sans (aucune) conviction. Je jette un œil aux instruments moteur. Aucune inquiétude ne transparaît dans l’habitacle. Je savoure l’instant. Au dessus de l’atlantique à presque 100kts dans un Cessna 150 en route vers l’île de Saba.
Nous sommes sur 128.95 « Juliana Approach ». C’est un chouya plus calme que la dernière fois. Mais ça « envoi pas mal » en anglais tout de même. Et je continue à apprendre en tendant l’oreille. Nous avons droit à un code transpondeur original : 0-1-7-4. Il faudra que je pense à balancer un tel squawk, si d’aventure je prends l’approche de Juliana sur IVAO. Au premier contact, nous avons du mal à nous faire comprendre du contrôleur, à moins qu’il cherche à se faire confirmer les informations du plan de vol :
- « Confirm, Grand-Case to St-Barth ? »
- « Negative, Grand-Case to Saba »
- « St-Barth ? »
- « No… Saba… Sierra-Alpha-Bravo-Alpha »
- « Ah… Saeuuuuubaaaa »
Rires dans le cockpit.
- « Seven-Zero-Four, confirm, l-a-n-d-i-n-g at Saba ? »
- « Negative, sir, low pass at Saba »
Le troller de l’approach contrôle bien que nous savons qu’il est interdit de se poser à Saba.
Je vise toujours Saba. Le gros caillou posé au milieu de l’eau. Impossible de le rater depuis tout à l’heure. Et j’imagine déjà la réalisation d’une NAV dans le coin d’île en île ;-) Et je me rappelle l’année dernière lorsque nous sommes allés de St-Martin vers la Guadeloupe faisant défiler ces îlots de terre au milieu de tout ce bleu.
A Saba, le relief me semble déjà abrupt. Pas de plage, c’est sûr. Des falaises et une forêt dense. Tout l’inverse d’Anguilla avec dit-on ses 365 plages, une par jour. Un pétrolier passe au large, trafic « droite – gauche » et me sert de repère pour trouver le terrain.
- « Tu vois le pétrolier ? Dans l’axe, avec une route qui monte en serpentant, tu peux deviner le terrain »
Nous quittons l’approche de Juliana et son trafic mélangé de VFR et d’IFR, non sans avoir bien collationné « Will contact Juliana Approach on Two-Eight decimal Niner-Five when leaving Saba back to Grand-Case ». Ok. C’est noté. On fera comme ça, monsieur.
Trois minutes avant d’arriver. Petit « briefing arrivée », puis nous contactons la tour.
- « Six-Six-Seven-Zero-Four, Cessna One-Five-Zero, two persons on board, 3 hours fuel, expect airfield in 3 minutes, request for a low pass »
- « Seven-Zero-Four, confirm low pass ?»
- « Yes, Low Pass Sir »
- « Seven-Zero-Four, low pass is approved, no trafic to report, report on final runway 12 »
- « Will report in final 12, thank you, Seven-Zero-Four »
Plus nous nous approchons et plus je me rends compte de l’aspect artificiel de ce terrain. Comme si le surplomb de terre avait été coupé au fil à couper le beurre. La piste semble totalement plane. Rien d’autre pour l’instant ne m’interpelle. Et pourtant.
Je tente comme je peux de m’intégrer proprement avec les conseils de Frank. Une 12/30 donc… On vise le cap 300 pour la « vent arrière » et on tient ses 1000 ft. Arrivé en fin de vent arrière, je me rends compte de la particularité de la base qui arrive. Nous sommes face à la montagne ! Un mur de roche est devant moi alors que j’ai viré en base. J’en fais abstraction et me concentre sur mon dernier virage. Je garde l’œil sur la piste alors que la montagne approche.
- « Tu vois la manche à air ? »
- « Non » (comme d’habitude, pour moi elles se cachent)
Et bien sûr j’overshoot un peu la finale. Le temps de ne pas sortir de l’arc blanc et de se remettre dans l’axe (et de ses émotions)…
… en courte finale, ce qui saute aux yeux c’est le mur au seuil de piste. Cela ne donne pas envie d’être trop bas sur le plan (et pourtant). Je remarque aussi ces marques de seuil décalé à chaque extrémité de piste et la ressemblance avec le pont d’un porte-avion, même si je n’ai jamais fait d’approche sur un porte-avion (forcément). Une falaise se trouve devant le seuil de la 12. Un peu comme à Vesoul (voir le récit en juillet 2006), mais avec la mer en plus. Je fais attention à ma vitesse. Frank me rappelle de « tout sortir » et que nous faisons un « Go Around, hein n’oublis pas… », pas de mauvaise surprise. Nous nous présentons, somme toute, assez correctement et sans cette interdiction, je pense que nous « l’aurions faîte »… cette piste originale. Mais avec un 150 on peut tout faire ?
Alors que je remets les gaz (« Doucement avec l’assiette ! »), Frank me demande si je veux refaire un tour. Il n’y a personne dans le circuit de Saba. Ce n’est pas de refus, ne boudons pas notre plaisir. Ainsi, je pourrais faire des photos.
- « Is it possible to make another one, Seven-Zero-Four ? »
- « Seven-Zero-Four, yes, no problem, report on final »
- « Will report on final, thank you »
Et c’est reparti pour un tour. Encore un tour de bonheur. En vent arrière, je remarque une particularité de Saba qui m’avait alors échappée. La piste est minuscule ! Elle est vraiment minuscule ! C’est étonnant comme je n’avais pas percuté alors que je pilotais sur la première approche.
Dernier truc avant de repartir. La piste est au dessus de l’eau, posée sur ce promontoire. Ce qui fait qu’à la « remise de gaz », on peut… repasser sous la piste. Les pilotes de WinAir parfois ne s’en privent pas m’a-t-on raconté.
Il est temps (ça finit toujours comme ça ?) de reprendre un cap vers St-Martin. Nous recroisons notre pétrolier. Je profite de Frank, de l’aile haute du Cessna et de la vitre qui s’ouvre pour shooter le navire. J’oublierais encore une fois que nous sommes à presque 200 km/h alors que j’ouvre la fenêtre et que mon appareil photo numérique manque de s’envoler. C’est la même mésaventure qui m’était arrivée lors de mon premier vol 3 ans auparavant dans le PA28 N32111. Ca n’arrive qu’ici ;-)
Sur la route entre Saba et St-Martin… On trouve St-Barth. Comment voulez-vous que nous n’allions pas y faire un touché ? Comment passer si près, sans tenter l’approche alors qu’on un instructeur à droite ?
Je fais mon malin en sortant ma planchette et ma VAC de St-Barth que j’avais pris la peine d’imprimer depuis Paris. Imprimez la VAC de St-Barth en pensant que vous irez peut-être y faire une approche… et vous avez déjà des frissons. Sauf que, comme sous Flight Simulator, je n’arrive pas à faire coïncider la carte avec ce que j’ai sous les yeux. A plusieurs reprises sur FS et au départ de Juliana, je m’étais trompé d’arrivée sur St-Barth, confondant l’île Coco avec l’île Fourchue (« faut le faire tout de même »). Passe encore sous FS, on peut toujours dire que le décor manque de réalisme, mais là… quand même !!!
- « Tu gardes 1500ft, on se présente sur le pain de sucre, là devant »
- « Facile… le pain de sucre ? Cet îlot ou celui-là ? »
Je tourne la carte dans tous les sens. Je jette un œil au conservateur de cap pour trouver le nord et orienter ma carte. Décidément, ça ne me réussit pas. Après quelques minutes, je laisse la VAC sur mes genoux et décide de m’abandonner au paysage et au plaisir de l’approche sur cette piste 10 mythique.
Approche… approche… hum… disons plutôt un bombardement en piqué. Normalement lorsque l’arrivée est réussie, le plan est déjà un peu fort. On fait coincer les chiffres 10 inscrits sur la piste au raz (« vraiment au raz ») du creux du col ou on pose « les peignes peints » de la nouvelle piste sur le creux du col de la Tourmente (voir cette page pour la description des travaux de la nouvelle piste). Mais là, je m’y prends comme un manche (sans jeu de mot). J’arrive avec une assiette à piquer monstrueuse (et le mot est faible). On sort toute la ferraille. Heureusement le Cessna 150 n’accélère pas comme une fusée avec une telle assiette. Et il tient ses 80 mph. Le 10 et les peignes ne sont pas du tout où ils devraient être. Banzaiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!! Le Calvaire et le col passent toujours en piqué prononcée avec l’aide de Frank (forcément). Je vois un Jeep Cherookee (j’ai presque vu la prunelle des yeux du conducteur et si vous insistez je vous donne l’immat du véhicule) s’arréter dans le virage juste au dessus de l’approche (« c’est pour un cabrioooooooooooollllllleeeeeeeeeeeeeeeet ! ») au lieu de m’occuper de mon plan. Le 10 passe, plein réduit, les peignes, la plage au bout, la piste défile, l’arrondi… Un peu de pied… Doucement…Laisser l’avion descendre, l’accompagner… Ne pas rendre la main... Tenir l’arrondi… On touche du train principale… Le nez maintenant… Et la plage qui se présente là, devant… Remise de gaz… Déjà 60 mph… Je tire doucement le manche… la plage… 2 baigneurs (même pas baigneuses et même pas top less… puisque je vous dis que c’était des mecs !) passent à côté de la roue du Cessna. Je remonte doucement le nez de l’avion, puis après quelques secondes, j’entame mon virage à gauche. Je reprends mon souffle. Je reprends mes esprits. Peut-être étais-je en apnée depuis le début de la descente ?
On garde 1000 ft pour le transit entre St-Barth et St-Cyr… euh St-Martin.
- « Ca te dit un encadrement sur Grand-Case ? »
- « Allez, soyons fou ! »
- « Ici, on ne peut pas les faire perpendiculaire au milieu de la piste à cause des deux montagnes de chaque côté »
- « Ah ba oui… »
- « Alors, on les débute au seuil de la 12 »
- « Allez… on reprend 500 ft ? »
- « Comme tu veux »
- « C’est parti »
Il est 14h30. Nous retrouvons le container climatisé de l'aéroclub. 1h20 au compteur. 1h20 de bonheur. On remet ça quand ?
Dans le container climatisé de l’aéroclub, je retrouve Frank de retour de vol avec son élève. Mettez trois passionnés d’avion dans une même pièce et forcément chacun y va de son anecdote. Evidement, Frank nous bat tous (nous ne sommes que 2 aussi ;-) lorsqu’il nous raconte le convoyage du Cessna 150 Seven-Zero-Four de New-York jusqu’à Grand-Case. Les cartes sont déroulées sur la table. Pour vous faire une idée, regardez sur une mappemonde ou lancez Flight Simulator, cela fait une trotte et rappelez-vous la taille et la vitesse d’un Cessna 150.
Il est temps de se mettre devant la carte. Ou plutôt devant le « collage » de grandes cartes sur une des parois du container à côté du trombinoscope et du frigo. Le terrain de jeux autour de St-Martin est rempli d’océan. Anguilla au nord, St-Barthelemy au sud-est et plus encore au sud Saba et St-Eustache. Bien sûr, plus au sud encore il y a encore des noms qui font rêver : St-Kitts, Nevis, Antigua, Montserrat, Les Saintes, Marie-Galante, La Désirade… sans parler de la Guadeloupe et de la Martinique. Mais nous n’avons qu’un Cessna 150 et j’ai déjà eut la chance de poser les roues du PA28 N32111 du côté du Raizet, des Saintes et de la Désirade. Snif. Snif. Souvenirs. Heureusement que le blog est là.
- « Saba ? Tu as bien dit Saba ? C’est où ça ? Je ne connais pas »
Ou plutôt si. J’en ai entendu parler. On m’a dit que la compagnie locale WinAir, basée à Juliana, a construit une piste sur ce petit bout d’île. Une jolie 12/30 en dur (ils ne connaissent pas les pistes en herbe, vues les averses qui tombent) totalement artificielle, ratiboisant un petit bout de colline. Le terrain n’est pas ouvert à la CAP (Circulation Aérienne Public), il est donc interdit de s’y poser (hors urgence bien sûr). Seuls les avions de la compagnie WinAir disposent d’une autorisation. Voilà un terrain restreint original. Je ne sais pas encore que l’approche est, elle aussi, un peu spéciale. On verra toute à l’heure. Pour l’instant, on se décide pour un triangle TFFG (Grand-Case) – Saba – TFFJ (St-Barth) – TFFG. On demandera un « low pass » sur Saba. On a vu pire. Cela va me changer de mes St-Cyr – Pontoise – Toussus – St-Cyr. Allez, on remballe le tout. Fini de rêver. Filons voler !
Nous faisons le plein alors que le bimoteur des douanes vient nous souffler tout nos papiers lorsqu’il manœuvre pour se garer à l’extrémité du parking Aviation Générale. Puis Frank file déposer un plan de vol. On prévoit 1500ft et une petite vingtaine de minutes de vol vers Saba, le retour via St-Barth et Grand-Case. Et les caps ?
- « Et le cap en sortie de Grand-Case, c’est quoi ? »
- « Oh la la, tu verras Saba en tournant la tête vers la droite… Allez, moi je dis un petit 195 »
- « Bon, ba si tu le dis… »
J’effectue comme je peux la prévol avec la Check List dans la main en me battant avec une guêpe maçonne de l’autre main. N’étant sûr de rien, regardant et vérifiant tout et n’importe quoi. Cela a beau être un avion, ce n’est pas mon avion ! Il est tout en métal, a les ailes bizarrement placées, a des volets électrique immense, un volant (et pas un manche), les gaz à droite, le badin en mph (et la petite couronne en kts), pas de pompe… Je ne suis pas dans mon élément.
Il est temps de mettre en route. Le canot et les gilets de sauvetage sont à bord. Aligné et prêt à décoller, l’AFIS nous donne les vents « pas de trafic à vous signaler dans le circuit », je met plein gaz.
Virage à droite « Au dessus de l’eau ! Pas sur la terre, Vincent ! Et la procédure anti-bruit, alors !». Green Cay et la plage du Gallion défilent sous l’aile droite. Nous descendons vers le sud en longeant la côte de St-Martin. Oyster Pond et la Pointe Blanche sont dépassées. Nous passons à proximité de Great Bay où sont amarrés les énormes paquebots qui en pleine saison sont 3 ou 4 dans le port. Aujourd’hui, hors saison, il n’y en a qu’un d’amarré. Frank me montre du doigt une île au loin, entre le bleu clair, le bleu foncé et le bleu clair. Saba est là. A portée de vue. Un gros rocher, tout droit, en laissant St-Barth sur la gauche.
Je reprends mes esprits. Le spectacle est encore une fois grandiose. Du bleu, du vert, le blanc tranchant des plages de sables fins et quelques nuages. St-Barth et sa 10 mythique sont là à gauche. Juste là à droite, au bout de l’île de St-Martin SXM, c’est Princess Juliana – TNCM et son approche sur la 09, au dessus de la baie de Maho.
Le cap est pris. Tout droit. Pas compliqué. Je tente de trimmer le Cessna 150 pour tenir mes 1500ft. Il y a un radar et des liners dans tous les coins, par ici. Après quelques minutes, il ne subsiste que deux couleurs devant le pare-brise. Du bleu et du blanc vers le haut… et « que du bleu » vers le bas et les côtés. Je prends l’appareil photo pour immortaliser l’instant. Nombreux sont les pilotes terriens à craindre le survol maritime. Je préfère ne pas y penser. Je repense plutôt au canot et au gilet derrière à portée de la main sans (aucune) conviction. Je jette un œil aux instruments moteur. Aucune inquiétude ne transparaît dans l’habitacle. Je savoure l’instant. Au dessus de l’atlantique à presque 100kts dans un Cessna 150 en route vers l’île de Saba.
Nous sommes sur 128.95 « Juliana Approach ». C’est un chouya plus calme que la dernière fois. Mais ça « envoi pas mal » en anglais tout de même. Et je continue à apprendre en tendant l’oreille. Nous avons droit à un code transpondeur original : 0-1-7-4. Il faudra que je pense à balancer un tel squawk, si d’aventure je prends l’approche de Juliana sur IVAO. Au premier contact, nous avons du mal à nous faire comprendre du contrôleur, à moins qu’il cherche à se faire confirmer les informations du plan de vol :
- « Confirm, Grand-Case to St-Barth ? »
- « Negative, Grand-Case to Saba »
- « St-Barth ? »
- « No… Saba… Sierra-Alpha-Bravo-Alpha »
- « Ah… Saeuuuuubaaaa »
Rires dans le cockpit.
- « Seven-Zero-Four, confirm, l-a-n-d-i-n-g at Saba ? »
- « Negative, sir, low pass at Saba »
Le troller de l’approach contrôle bien que nous savons qu’il est interdit de se poser à Saba.
Je vise toujours Saba. Le gros caillou posé au milieu de l’eau. Impossible de le rater depuis tout à l’heure. Et j’imagine déjà la réalisation d’une NAV dans le coin d’île en île ;-) Et je me rappelle l’année dernière lorsque nous sommes allés de St-Martin vers la Guadeloupe faisant défiler ces îlots de terre au milieu de tout ce bleu.
A Saba, le relief me semble déjà abrupt. Pas de plage, c’est sûr. Des falaises et une forêt dense. Tout l’inverse d’Anguilla avec dit-on ses 365 plages, une par jour. Un pétrolier passe au large, trafic « droite – gauche » et me sert de repère pour trouver le terrain.
- « Tu vois le pétrolier ? Dans l’axe, avec une route qui monte en serpentant, tu peux deviner le terrain »
Nous quittons l’approche de Juliana et son trafic mélangé de VFR et d’IFR, non sans avoir bien collationné « Will contact Juliana Approach on Two-Eight decimal Niner-Five when leaving Saba back to Grand-Case ». Ok. C’est noté. On fera comme ça, monsieur.
Trois minutes avant d’arriver. Petit « briefing arrivée », puis nous contactons la tour.
- « Six-Six-Seven-Zero-Four, Cessna One-Five-Zero, two persons on board, 3 hours fuel, expect airfield in 3 minutes, request for a low pass »
- « Seven-Zero-Four, confirm low pass ?»
- « Yes, Low Pass Sir »
- « Seven-Zero-Four, low pass is approved, no trafic to report, report on final runway 12 »
- « Will report in final 12, thank you, Seven-Zero-Four »
Plus nous nous approchons et plus je me rends compte de l’aspect artificiel de ce terrain. Comme si le surplomb de terre avait été coupé au fil à couper le beurre. La piste semble totalement plane. Rien d’autre pour l’instant ne m’interpelle. Et pourtant.
Je tente comme je peux de m’intégrer proprement avec les conseils de Frank. Une 12/30 donc… On vise le cap 300 pour la « vent arrière » et on tient ses 1000 ft. Arrivé en fin de vent arrière, je me rends compte de la particularité de la base qui arrive. Nous sommes face à la montagne ! Un mur de roche est devant moi alors que j’ai viré en base. J’en fais abstraction et me concentre sur mon dernier virage. Je garde l’œil sur la piste alors que la montagne approche.
- « Tu vois la manche à air ? »
- « Non » (comme d’habitude, pour moi elles se cachent)
Et bien sûr j’overshoot un peu la finale. Le temps de ne pas sortir de l’arc blanc et de se remettre dans l’axe (et de ses émotions)…
… en courte finale, ce qui saute aux yeux c’est le mur au seuil de piste. Cela ne donne pas envie d’être trop bas sur le plan (et pourtant). Je remarque aussi ces marques de seuil décalé à chaque extrémité de piste et la ressemblance avec le pont d’un porte-avion, même si je n’ai jamais fait d’approche sur un porte-avion (forcément). Une falaise se trouve devant le seuil de la 12. Un peu comme à Vesoul (voir le récit en juillet 2006), mais avec la mer en plus. Je fais attention à ma vitesse. Frank me rappelle de « tout sortir » et que nous faisons un « Go Around, hein n’oublis pas… », pas de mauvaise surprise. Nous nous présentons, somme toute, assez correctement et sans cette interdiction, je pense que nous « l’aurions faîte »… cette piste originale. Mais avec un 150 on peut tout faire ?
Alors que je remets les gaz (« Doucement avec l’assiette ! »), Frank me demande si je veux refaire un tour. Il n’y a personne dans le circuit de Saba. Ce n’est pas de refus, ne boudons pas notre plaisir. Ainsi, je pourrais faire des photos.
- « Is it possible to make another one, Seven-Zero-Four ? »
- « Seven-Zero-Four, yes, no problem, report on final »
- « Will report on final, thank you »
Et c’est reparti pour un tour. Encore un tour de bonheur. En vent arrière, je remarque une particularité de Saba qui m’avait alors échappée. La piste est minuscule ! Elle est vraiment minuscule ! C’est étonnant comme je n’avais pas percuté alors que je pilotais sur la première approche.
Dernier truc avant de repartir. La piste est au dessus de l’eau, posée sur ce promontoire. Ce qui fait qu’à la « remise de gaz », on peut… repasser sous la piste. Les pilotes de WinAir parfois ne s’en privent pas m’a-t-on raconté.
Il est temps (ça finit toujours comme ça ?) de reprendre un cap vers St-Martin. Nous recroisons notre pétrolier. Je profite de Frank, de l’aile haute du Cessna et de la vitre qui s’ouvre pour shooter le navire. J’oublierais encore une fois que nous sommes à presque 200 km/h alors que j’ouvre la fenêtre et que mon appareil photo numérique manque de s’envoler. C’est la même mésaventure qui m’était arrivée lors de mon premier vol 3 ans auparavant dans le PA28 N32111. Ca n’arrive qu’ici ;-)
Sur la route entre Saba et St-Martin… On trouve St-Barth. Comment voulez-vous que nous n’allions pas y faire un touché ? Comment passer si près, sans tenter l’approche alors qu’on un instructeur à droite ?
Je fais mon malin en sortant ma planchette et ma VAC de St-Barth que j’avais pris la peine d’imprimer depuis Paris. Imprimez la VAC de St-Barth en pensant que vous irez peut-être y faire une approche… et vous avez déjà des frissons. Sauf que, comme sous Flight Simulator, je n’arrive pas à faire coïncider la carte avec ce que j’ai sous les yeux. A plusieurs reprises sur FS et au départ de Juliana, je m’étais trompé d’arrivée sur St-Barth, confondant l’île Coco avec l’île Fourchue (« faut le faire tout de même »). Passe encore sous FS, on peut toujours dire que le décor manque de réalisme, mais là… quand même !!!
- « Tu gardes 1500ft, on se présente sur le pain de sucre, là devant »
- « Facile… le pain de sucre ? Cet îlot ou celui-là ? »
Je tourne la carte dans tous les sens. Je jette un œil au conservateur de cap pour trouver le nord et orienter ma carte. Décidément, ça ne me réussit pas. Après quelques minutes, je laisse la VAC sur mes genoux et décide de m’abandonner au paysage et au plaisir de l’approche sur cette piste 10 mythique.
Approche… approche… hum… disons plutôt un bombardement en piqué. Normalement lorsque l’arrivée est réussie, le plan est déjà un peu fort. On fait coincer les chiffres 10 inscrits sur la piste au raz (« vraiment au raz ») du creux du col ou on pose « les peignes peints » de la nouvelle piste sur le creux du col de la Tourmente (voir cette page pour la description des travaux de la nouvelle piste). Mais là, je m’y prends comme un manche (sans jeu de mot). J’arrive avec une assiette à piquer monstrueuse (et le mot est faible). On sort toute la ferraille. Heureusement le Cessna 150 n’accélère pas comme une fusée avec une telle assiette. Et il tient ses 80 mph. Le 10 et les peignes ne sont pas du tout où ils devraient être. Banzaiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!! Le Calvaire et le col passent toujours en piqué prononcée avec l’aide de Frank (forcément). Je vois un Jeep Cherookee (j’ai presque vu la prunelle des yeux du conducteur et si vous insistez je vous donne l’immat du véhicule) s’arréter dans le virage juste au dessus de l’approche (« c’est pour un cabrioooooooooooollllllleeeeeeeeeeeeeeeet ! ») au lieu de m’occuper de mon plan. Le 10 passe, plein réduit, les peignes, la plage au bout, la piste défile, l’arrondi… Un peu de pied… Doucement…Laisser l’avion descendre, l’accompagner… Ne pas rendre la main... Tenir l’arrondi… On touche du train principale… Le nez maintenant… Et la plage qui se présente là, devant… Remise de gaz… Déjà 60 mph… Je tire doucement le manche… la plage… 2 baigneurs (même pas baigneuses et même pas top less… puisque je vous dis que c’était des mecs !) passent à côté de la roue du Cessna. Je remonte doucement le nez de l’avion, puis après quelques secondes, j’entame mon virage à gauche. Je reprends mon souffle. Je reprends mes esprits. Peut-être étais-je en apnée depuis le début de la descente ?
On garde 1000 ft pour le transit entre St-Barth et St-Cyr… euh St-Martin.
- « Ca te dit un encadrement sur Grand-Case ? »
- « Allez, soyons fou ! »
- « Ici, on ne peut pas les faire perpendiculaire au milieu de la piste à cause des deux montagnes de chaque côté »
- « Ah ba oui… »
- « Alors, on les débute au seuil de la 12 »
- « Allez… on reprend 500 ft ? »
- « Comme tu veux »
- « C’est parti »
Il est 14h30. Nous retrouvons le container climatisé de l'aéroclub. 1h20 au compteur. 1h20 de bonheur. On remet ça quand ?
Inscription à :
Articles (Atom)