Comme à l’accoutumée maintenant, le taxi qui nous ramène de notre hôtel au terrain de Lake Tahoe, dispose d’une carte pour rentrer sur le tarmac et donc nous amener nos bagages… au pied de l’avion. Le terrain s’éveille doucement du côté aviation générale : les bâches sont enlevées, les avions se chargent alors que les APU des jet privés tournent déjà dans un vacarme assourdissant contrastant avec le calme des forêts environnantes.
Nous attendons tranquillement dans le lounge du FBO de Lake Tahoe. On a vu pire endroit pour patienter : café en open-bar, cookies, Internet, fauteuils confortables. Même si notre vol est court, nous rongeons notre frein. Difficile d’être prêt et de ne pouvoir partir.
La météo prise pour notre destination d’aujourd’hui (Oakland – KOAK - juste de l’autre côté de la baie de San Francisco) passe : bâché pour toute la matinée. Inutile de partir, puis de tourner en brulant de l’essence et en attendant que la baie se dégage. Nous patientons en faisant des photos des avions au parking dont un PA28 surprenant avec deux planches de surf à bord ;-)
L’installation vidéo depuis quelques jours :
une petite dizaine de minutes pour tout mettre en branle ;-)
Le parking de South Lake Tahoe s’éveille
Une tour dans laquelle il y a certainement dû y avoir des contrôleurs
Tout un style. Vive la Californie ! : deux surfs à bord.
Puis lors du changement d’un METAR, nous décidons d’y aller. Nous partirons en piste 36. Le vent nous le permet. Partir en 18 nous obligerait à décoller un peu dans le relief et les arbres, puis comme on nous l’a indiqué en discutant avec les autochtones ;-), à faire un 180 au dessus du golf, pour revenir sur le terrain et continuer la montée sereinement au dessus du lac. Autant, si on peut, partir directement vers le lac et poursuivre notre montée en longeant la north shore pour passer le relief (un peu comme à l’aller) puis redescendre tranquillement vers San Francisco. C’est notre plan.
Décollage sans problème, presque à-la-fraîche et la montée se fait avec un bon vario sur le lac alors qu’un papi (on le reconnait à la voix) dans son avion arrive en straight-in finale pour le QFU inverse. Forcément avec un terrain comme celui-là, on ne traine pas dans l’axe et on libère le QFU préférentiel pour l’atterrissage si le vent le permet. Bertrand avait repéré sur l’AF/D une consigne noise-abatement et la présence d’une “white arrow” au sol pour indiquer l’axe à suivre après le départ en 28. Marrant d’avoir mis une telle marque au sol ! Bertrand la trouve au sol et poursuit sa route.
Nous passons donc sans problème le relief et poursuivons vers San Francisco. Il fait beau pour l’instant, mais… xmWeather du Garmin 496 nous indique toujours un terrain peu accessible pour qui n’est pas parfaitement à l’aise. De mémoire un BKN011 ou plus bas. Sûr qu’un pilote local irait poser ses roues là-dedans sans réfléchir. Mais personnellement, je ne vais pas (si) souvent que ça à Oakland – KOAK ;-) Il y a des ponts, du relief, des classes B (de San Francisco Intl) et tout plein d’autres trucs qu’on connait pas.
Notre attention est attirée lorsque NORCAL nous demande si on a bien pris la dernière info sur Oakland. Et forcément, la décision avec un METAR limite-limite est vite prise. Nous avions préparé un déroutement sur Concord / Buchanan (KCCR) qui dès notre départ était dégagé et le resterait. C’est maintenant qu’il faut y aller. Le plan est simple, on se déroute sur KCCR, on y fait le plein et d’après les TAF, la brume se serait alors dissipée et nous pourrions atteindre Oakland. Simple.
Bien joué. Concord est dans le SKC et malgré des hélicos (Schweizer 300 dans tous les sens) ainsi que des avions d’école, nous nous posons sans encombre, refuelons et sommes déjà prêt à repartir.
Courte finale, Concord Buchanan
“Il est en short… et je ne le vois pas”
A peine entré dans le FBO, je me précipite sur un des PC mis à disposition des pilotes et regarde le METAR d’Oakland qui vient de changer. C’est passé à FEW. Forcément. On ne va pas se plaindre. Nous n’avons pas vraiment fait de détour. Concord est vraiment sur le chemin. Et l’essence ici est moins cher qu’à Oakland. On gagne presque sur tous les tableaux.
Bertrand m’aide à préparer le petit transit d’à peine 40 minutes pour rejoindre notre destination finale. Un coup d’œil à l’AF/D pour s’imprégner des taxiways dans tous les sens de KCCR (Concord), un briefing sur le cheminement et surtout les altitudes prévues pour passer en dessous/au dessus/à côté (tous les scénarios sont imaginés à cause de la météo) de la classe Bravo. La TAC (l’équivalent de la 1/250 000) de San Francisco sur les genoux, nous repartons.
Let’s go. Juste le temps de payer l’essence et nous revoilà déjà dans le Cessna.
A peine avons-nous quitté la tour de Concord que nous tentons d’attraper du Flight Following avec Norcal, par sécurité, par manque de confiance et surtout parce qu’on ne connait pas le coin. Nous sommes à 2000 ft et après plusieurs essais car il y a du monde sur la fréquence et que la réception n’est pas bonne, NORCAL nous demande un IDENT. Puis il nous répond gentiment qu’on est un peu bas pour lui et que dans ce coin, la radio n’est pas fameuse. Il va nous perdre vite. “Remain out of the Bravo, Charlie, Delta Airspace and… I guess if you continue toward San Pablo, you’re gonna exit my radio coverage”… et blablabla et blablabla…. Résultat, on va oublier Norcal et faire comme des grands. C’est pas loin, c’est pas la mer à boire et on a les cartes à bord. L’ATIS était déjà prêt. C’est Mike. Rapide écoute et analyse pendant que les nuages cachent San Francisco et le Golden Gate.
C’est tout laiteux. On voit le SCT ou le FEW sur notre route et on ne voit pas le terrain. Les deux GPS nous indiquent que c’est juste là. Contact avec la tour qui semble bien occupée. Top enregistrement. Les communications comme si vous y étiez.
- “Oakland tower, good day, Cessna Seven-Sierra-Papa with Mike“
- “Say again”
Tiens c’est pas moi qui le dit pour une fois. Je repasse mon message et ça ne semble pas fameux en réception.
- “Callsign west inbound for landing, continue inbound, say your callsign again one more time I’m not get it in”
- “Continuing inbound and my full callsign is November-Four-Eight-Seven-Sierra-Papa”
- “Four-Eight-Seven-Sierra-Papa… Continue inbound stay below Bravoooo… aaaaannnnnnnd… Squawk zero…three… three, five !”
Il semble l’avoir sorti de très loin ce code transpondeur.
- “Continuing inbound, squawk zero-three-three-five and stay below the Bravo, november-four-eight-seven-sierra-papa”
Ok…. Ca c’est fait. Contact bi-directionnel effectué avec l’ATC pour rentrer dans la classe Charlie. Voilà.
- “Four-Eight-Seven-Sierra-Papa, radac contact, one five miles northwest of Oakland airport, say altitude”
- “Altitude two thousand feet two niner niner six"
- “November Sierra-Papa, make right trafic, runway two seven right, wind two-six-zero at one-zero, altimeter two-niner-niner-five”
- “Two-niner-niner-five, joining right pattern for the runway two seven right, november four eight seven sierra papa”
Facile. Rien à faire ! Suffit d’appeler, de dire bonjour, d’être poli et de faire ce que le monsieur (ou la dame) vous demande de faire !
Nous arrivons sur Alameda. La vizi vers l’avant est pas fantastique. Je descend un peu pour mieux voir. Le FEW est maintenant sur notre droite. Je devine Treasure Island. SFO est toujours dans la brume. Bertrand aperçois les antennes de Twin Peaks qui dépassent juste des nuages. Il y a des avions dans tous les sens. Un 737 nous passe au dessus. On entend aussi le contrôleur annoncer des départs d’Hayward. On voit les avions monter, certainement au départ de SFO.
Je réduis pour éviter d’être débordé par le décor et l’activité environnante. Histoire de garder un peu d’avance sur l’avion. Puis, on découvre la zone du terrain, sans pouvoir identifier les pistes qui nous intéressent, celles qui sont au nord.
- “Four Eight Seven Sierra Papa, trafic departing Oakland at this time, right downwind departure… a Navajo”
En fait, au lieu de “a Navajo” (prononcé “é navarôooo”), on comprend “In Navajo”.
- “Roger that, we are looking… negative contact, November Sierra Papa”
- “Il est au dessus de quoi ?”
- “De Navajo ?”
- “Navajo, je vois pas”
- “Y-a un truc au départ, mais j’ai pas compris au dessus de quoi il était”
- “J’ai compris au dessus de Navajo”
Et dans notre discussion, on rate un message certainement pour nous. Je passe :
- “Sorry, say again for the Sierra Papa”
- “November Sierra Papa, trafic just departing the field… euh… right turn out… to the north east… euh… é navajo (encore ;-) four hundred and climbing… and you’re number two… follow a Cessna four miles final, runway two seven right cleared to land”
Et bien une clairance comme ça, c’est pas souvent qu’on en reçoit ! Ca fait 4 lignes sur ce blog, imaginez le temps que ça prend dans un cockpit de pilotaillon français qui s’est levé tôt. Vous pouvez la relire à haute voix. Je vous garantie que cela prend looooongtemps… Longtemps à prendre en note, à comprendre et à collationner. En clair, il y a un avion qui décolle, il vient de passer 400 pieds et il continu à monter, le contrôleur m’en averti, je suis le deuxième pour l’atterrissage, il y a donc un avion devant moi (le numéro un, vous suivez ?), cet avion est en final à 4 nautiques de la piste et moi, je suis autorisé à l’atterrissage sur la piste 27 droite. Rien que ça. Ouf. Reprenez votre respiration.
Vent arrière main droite, pistes 27, d’Oakland
Après une telle clairance, je risque de ne plus rappeler la tour. Je peux atterrir et dégager la piste, puis sans quitter avec un message à la tour, contacter le sol. Je suis à 1 minute de la vent arrière, autorisé (déjà à l’atterrissage). J’aurais pu finir mon collationnement par un “good day”. Incroyable. C’est pas en France qu’on va avoir ça.
- “Sorry to ask, but can you give us the position of trafic number one, for the Cessna Sierra Papa ?”
Je cherche à me rassurer. Deux trafics, c’est pas le bout du monde, mais je ne suis pas chez moi… Et je ne les vois pas. Comme il y a de la place sur la fréquence, j’en profite.
- “Sierra-Papa, short final, no factor, number two, runway two seven right cleared tooooo laaaaaaand”
“Et bien, il est en short et je ne le vois pas”
Je me surprend à dire cette phrase à mon cockpitmate ;-) Volet 10, les feux à la demande, la mixture plein riche, le réservoir sur Both… C’est parti… fin de vent arrière, base main droite, on descend pour la finale 27 droite… La vitesse… Rester dans le blanc, descendre sans accélérer… la radio qui tchat… Notre avion se présente en finale… “Personne en finale”… “On est autorisé à droite”… Un peu de gaz… Tenir la vitesse… Voilà la piste… C’est bien la droite… tiens un 757 qui nous passe au dessus
Non, ce n’est pas filmé d’un pont. C’est en finale en regardant vers la droite.
… pas vraiment stabilisée cette approche… Le vent travers gauche… Houlala de la turbulence… On continue… On passe le seuil… Plein réduit… L’avion descend… L’arrondi… Du pied à droite et du manche à gauche… Dans le vent… boum… tiens un rebond… reboum…
J’ai mes habitudes à Oakland. On dégage à droite par Golf… Je n’ai pas le temps de contacter le sol et de passer la marque du point d’arrêt que la tour me rappelle “November Sierra Papa, what is your parking ?”. Je luis répond du tac-o-tac “Kaiser Air Sierra Papa”. On est loin du premier atterrissage ici où je casais des “behind the duchess” à tour de bras. “November Sierra Papa, taxi straight-ahead for Kaiser, caution for the Cessna coming up opposite direction also for Kaiser”
Taxiing to Kaiser transcient parking
Un gros 737 est garé devant Kaiser parmi plusieurs petits jets d’affaires. Nous nous trouvons une petite place sur le transcient parking avec les autres Cessna. Personne ne vient nous aider, ni nous guider. Les traditions des FBO se perdent ! ;-) Pas mécontent d’être arrivé à Oakland. Une journée à San Francisco nous attend. Heureusement qu’on est un peu dans notre jardin. Un peu plus à chaque fois.
Le récit du lendemain est à lire par ici.