Nous nous levons tôt et filons vers Yosemite Valley à un autre bout du parc. Le spectacle y est totalement différent de celui d’hier à Mariposa Grove. Après les sequoias géants, ce sont les forêts, les rivières et reliefs de cartes postales qui nous submergent. Nous ne regrettons pas d’avoir ajouté Mariposa à notre planning car ce n’était pas prévu. C’était dans la liste, mais il fallait faire un choix. On a eut le temps, ayant tenu un bon rythme. Merci dame météo et xmWeather du Garmin 496.
Yosemite côté “Valley”
La navigation a été préparée la veille pour nous laisser du temps à flâner dans le parc Yosemite. Malheureusement, ce dernier est immense et comme notre objectif premier sur ce Farwest est de voler… Nous repartons à contre-cœur vers le terrain sans avoir eut vraiment le temps de profiter des décors incroyables qui s’offraient à nous.
Les TAF pour aujourd’hui sont excellents. Nous avons juste un doute sur la météo… à destination. Une bête histoire de nuages bas. Trop bas. Vous savez cette histoire de Gloom-machin ou Marine-bidule à moins que ce ne soit truc-layer. Aujourd’hui est sensé être notre dernier jour, même si nous avons un jour d’avance sur notre planning prévisionnel. Avec June – July – August (rayez la mention inutile) Gloom rien n’est moins sûr. Glop, nous préférons être en avance et patienter à San Diego (voir repartir pour pas trop loin) plutôt que de partir au dernier moment et vlaaaan, rater l’avion pour Paris. Celui là, on est un peu dépendant du commandant de bord.
Les caméras sont en marche
Avec une GoPro HD et son grand-angle positionnée vers l’avant et le bon vieux Sanyo HD1000 qui enregistre d’autres images ainsi que toutes les communications interco+radio, nous avons une nouvelle ligne dans la checklist avant alignement : “caméras –> ON”.
Puissance sur frein… Top ! Puissance disponible… Oui ! On accélère… Badin actif… Pas d’alarme et Bertrand fait accélérer le Cessna avant de le passer en montée initiale scrutant du regard le moindre bout de champ ou d’espace dépourvu d’arbre en cas de panne moteur.
Rotation ! Le Skycrane est toujours en attente
sur son parking
On continue tout droit, le vario est là. A droite et à gauche, c’est pas vraiment vâchable. L’Unicom de Mariposa est le même que celui d’autres terrains dans le coin (Merced de mémoire) et donc la fréquence radio est peuplée de messages incompréhensibles de terrains qu-on-sait-pas-où-qui-sont. Bienvenue aux States, quoique que ça doit marcher aussi au milieu de n’importe-où.
“November Sierra Papa, Fresno Approach, altimeter two-niner-seven-niner”
Le flight following continue à nous parler. Nous passons de fréquence en fréquence comme porté de main en main par les contrôleurs de NORCAL puis Fresno Approach.
La première branche est donc classique… si ce n’est le départ avec cet environnement un chouïlla hostile. J’imagine bien en France que Mariposa serait classé restreint. Ensuite, il faut viser un VOR et trouver un autre terrain. Facile ? Comme la nav. PPL ;-)
Le survol de la Sierra Nevada est quelque peu rébarbatif. C’est plat, répétitif et peu intéressant. Nous n’avons pas grand chose à faire dans le Cessna si ce n’est rester attentif, pour ne pas dire sur nos gardes. C’est épuisant de voler dans un pays où la radio n’utilise pas votre langue maternelle. Je suspecte d’avoir des pics de CPU à chaque fois que cela grésille dans les écouteurs : il nous parle ? Si oui, qu’a-t-il dit ? Sinon… qu’a-t-il dit et à qui s’adresse-t-il ? Serait-ce intéressant pour nous ? Tout est bon à prendre. Mais didiou que la CPU pédale, la main se positionne avec le stylo prêt à prendre en note et en vrac toute information compréhensible.
On dirait les textures génériques de Flight Simulator
Bertrand vise la verticale du terrain de Fresno
Deux grands traits : moches dans FS et pourtant réalistes !
Ah de l’animation ! Un incendie… au sol !
Nous nous dirigeons vers Bakersfield Municipal, terrain choisi encore une fois - presque au hasard - parce qu’il se trouve à mi-chemin de notre route vers San Diego. L45 (le petit code de Bakersfield Muni, tous les terrains n’ont pas de code OACI) n’est pas encore en vue et Bertrand amorce sa descente. Mettant le nez vers le bas, nous découvrons Shafter Minter (KMIT) utilisé pour ravitailler sur les Farwest précédents. Ni une, ni deux, nous changeons nos plans. Pourquoi s’embêter avec un terrain bourré (ou presque) de taxiways et d’un FBO alors qu’on peut faire une intégration rapide sur ce terrain désert et en auto-info, puis filer peinard au Self-Serve ? Et hop… on serait déjà reparti. Et hop, Bertrand s’intègre en début de vent arrière main gauche pour la 30. Il enchaîne la finale et nous voilà posé sans autre forme de procès.
Le terrain est comme prévu… désert. Chaud, mais désert. Nous roulons seuls vers le Self-Serve. Moment d’émotion pour Bertrand qui clôture ici son Farwest 2010. C’est pour lui, sa dernière branche en Cessna. Il ne le sais pas encore, mais il va revoler. Et pas dans un SEP ;-)
Pit Stop
Le refueling à Shafter Minter qui rappellera des souvenirs
aux participants des FarWest précédents
C’est pas tout ça, mais il faut rentrer à San Diego. Et on continue à s’inquiéter sur la météo à destination. On a compris – depuis bien longtemps - que le June Gloom (genre “la brume de mer”) qui va jusqu’à recouvrir Montgomery Field est présent toute l’année. “June” doit vouloir dire autre chose. “Ils” ont essayé de nous faire croire le contraire, mais on est pas dupe maintenant. Son nom devrait être plutôt “All-the-year-Gloom”. Toujours est-il que les METAR/TAF de KSAN (le terrain international de San Diego) et KNKS (Miramar, la base militaire) passent du BKN011… au mieux. Mais il paraitrait qu’il y a une amélioration de prévue. Une rumeur de TAF sur laquelle nous tablons. Et comme pour les autres vols, les plans A, B et C sont échafaudés à l’ombre de l’aile haute du Cessna. Il fait chaud à Shafter.
Self-Serve de Shafter Minter, notez le panneau qui reporte en bien plus
lisible le montant en galons délivré
Plan A : il fait beau à destination. C’est bien sûr notre plan préférentiel. On rentre comme si de rien n’était.
Plan B : C’est bouché sur Montgomery. On visera donc le terrain juste avant, Gillespie Field (KSEE). Ce dernier dispose d’une ligne de train qui nous ramène dans le centre de San Diego. Jouable.
Dernier plan, le plan C : Montgomery et Gillespie sont bâchés. On vise un cran plus haut, Ramona (KRNM), encore bien plus souvent dégagé. D’ailleurs le METAR actuel le passe SkyClear. C’est donc un bon plan C. Les A et B sont à évaluer lorsqu’on y sera. Il est temps de repartir… avec les pleins !
Cliquez sur la carte pour comprendre les plans A, B, C
Ah juste une dernière chose avec de s’élancer : entre Shafter Minter (où nous sommes) et Montgomery (la destination), il y a Los Angeles avec sa grosse Classe B (et le terrain international KLAS). Accessoirement, il y a aussi quelques classes Delta de terrains qui n’aimeraient pas qu’on aille se promener dans leur espace sans les prévenir. C’est pas non plus le désert à parcourir. Rien… juste Los Angeles et sa banlieue. Deux options possibles.
Le jeux des options en classe Bravo
1ère option : on passe par la côte avec l’un des cheminements déjà pratiqués sur les précédents Farwest : Mini-route, Special Flight Rules, Coliseum… C’est au choix. Mais vu la météo et le “Marine Layer” (brume de mer) qui est présent, la mini-route est exclue et les autres transits écartés. Autant ne pas faire d’On-Top, d’autant que passer par Los Angeles Int’l n’est pas directement sur la route. Après il faudrait soit revenir vers les terres, soit se retrouver on-top à Mount Soledad (l’entrée par l’ouest de Montgomery), ce qui ne nous enchante guère. Bertrand échafaude un autre plan.
2ème option : on passe au nord en évitant la Bravo et on cherche des VOR ou des terrains pour tracer des traits. Après quelques secondes de recherche, on trouve une jolie route : KMIT – POM – PDZ – KSEE.
Les VOR de Pomona (POM) et Paradise (j’adore le dire à la radio ;-) matérialiseront donc notre radiale de garde et sont pile-poil sur la route v197 (IFR). On imagine donc que cela facilitera la compréhension de notre route par l’ATC : “OK, lé pétit français, il passe par là, no prob”.
Cliquez sur l’image pour visualiser les VOR POM et PDZ
qui nous faire rester en dehors de la classe Bravo
Après la trajectoire horizontale, on se concentre aussi sur les altitudes à prendre et surtout les altitudes qui ne nous feront pas rentrer dans les classes Bravo de L.A, puis de San Diego. Sans autorisation, il parait que c’est mal. Alors on s’y reprend à deux fois et on X-Check soigneusement. On prendra aussi soin d’éviter – si possible – les Delta des terrains survolés. Si ça passe au dessus de la Delta et en dessous de la Bravo, c’est pour nous !
Tout cela a été préparé (la veille) et annoté sur notre log de nav. Néanmoins, suffisamment préparé, on se rendra compte qu’en vol, on arrive à lire rapidement les cartes avec tous ces espaces qui s’entrelacent. Mine de rien, ça commence à rentrer. Et à deux pilotes, cela fonctionne pas mal.
Décollage sans histoire. Toujours personne. On vire à gauche en montant tranquillement pour éviter les premières barrières rocheuses d’avant Los Angeles. Puis direction (juste au sud du) VOR de Palmdale. Toujours aucun problème de vario, il n’y a pas de raison. On s’occupe comme on peut dans le cockpit :
Surpris… Ouch, y-a un truc qui cloche
ou bien “Qu’est-ce-qu’il a dit ? C’était pour nous ?”
Bertrand fait le clap de synchro pour les deux camescopes
On doit chercher chacun un truc au sol...
… que l’on tentera de resituer sur la carte ensuite.
Vers Palmdale, la radio s’agite un peu. Comme un avant goût du passage vers Los Angeles. On reçoit une info. trafic d’un Beech qui descent “convergeant” vers nous, presque une alerte TCAS ! Il commence à y avoir des trucs nombreux, dans tous les sens, droit devant nous. Pas de doute, on arrive vers Los Angeles. “Faites comme si de rien n’était les gars, nous on ne fait que passer !”
Et puis tout se passe comme on l’avait prévu. Nous passons par notre route matérialisée par nos 2 VOR. LA Center nous demande par où nous passons : “N487SP, how do you plan to land at Montgomery ? ”.
Nous ne nous perdons même pas. Les altitudes sont respectées et visiblement on a fait flipper personne dans la salle de contrôle. Il faut dire aussi que les vols précédents au dessus de LA avait une tout autre dimension. Là c’est facile, il suffit de suivre une radiale, d’écouter et comprendre la radio et répéter un truc plausible qui occupera le contrôleur ;-)
On poursuit donc sans encombre. Juste un contrôleur anti-blabla sur LA Center et qui est pointilleux (au troisième rappel “Say destination only and ident”). Les bavards n’ont qu’à bien se tenir. Nous on se fait tout petit lorsqu’un pilote est rappelé à l’ordre (“non, non… nous on est pas là, faites comme si on était pas là”).
Relief et nuages au loin. Los Angeles est sous les nuages.
Nous, on s’applique. On tend l’oreille, on se repère le doigt sur la carte, les GPS en marche. A chaque terrain survolé, et il y en a partout dans le coin, on identifie, on check et re-check notre altitude. On reçoit encore des infos trafics, de trucs “opposite direction”, qui nous montent droit dessus. Il y a des avions partout. SOCAL Approach est chargé, le contrôleur ralentie le rythme sur certains avions.
On passe Pomona, puis Paradise, passant de SOCAL en SOCAL sans encombre. Notre route a été comprise par les ATC et on vole tranquille…. juste dans le nord de Los Angeles. Frisson. On contacte sur demande le SOCAL suivant, on dit à quelle altitude on est et si on fait quelque de chose de spécial. C’est toujours le même cérémonial :
- “Approach, Cessna November-Four-Eight-Seven-Sierra-Papa, inbound Paradise, Seven-Thousand-Five-Hundred, good day”
- “Cessna Four-Eight-Seven-Sierra-Papa, SOCAL Approach, altimeter Two-Niner-Eight-Six”
On va continuer à descendre. On laisse le nord de Los Angeles derrière nous. On identifie les reliefs : “c’est ça qui nous coinçait à 5000 pieds ?”. Je continue la descente vers Ramona et 3000 pieds. Les nuages sur la côte sont bien là. Il y a un ciel laiteux devant. Je prépare les moyens radios de Montgomery sur la radio du GNS 530 et le second bloc bendix : ATIS, tower et ground.
Et au contact d’un autre SOCAL, nous voilà sans qu’on l’ai demandé autorisés à pénétrer la classe Bravo de San Diego. Ca ma déconcerte un peu. Allez tout droit vers Montgomery risque de nous amener directement vers le Marine Layer sans pouvoir descendre. Je ne prend pas le risque et décide de poursuivre tel que planifié en faisant le tour par l’est pour passer tranquillement en dessous.
Si on veut y aller… Il va falloir passer en dessous
C’est toujours Whisky à l’ATIS de Montgomery. L’OVC est un peu bas et nous voilà limité à ne pas descendre en dessous de 5000 pieds : “at or above five thousant feet” qui dit dans le poste. Dès qu’il y a des chiffres à la radio, la CPU est à son max, mais si en plus il rajoute des trucs comme “at or below” ou “at or above”, ça fait des conditions par dessus des chiffres qui faut collationner… et comprendre. Ca parait bête, mais ça occupe un PPL parisien.
Bertrand continue à scruter depuis le Garmin la météo de Ramona, Gillespie, tous nos plans de secours. C’est soit SKC, soit SCT030. Les plans B et C sont accessibles. Je décide de continuer vers la destination. On pourra faire demi-tour si besoin. Et nous continuons à descendre pour passer, tranquiiiiiille sous la Bravo de Miramar/San Diego. Autonome. Curieux, mais pas téméraires les p’tits français.
On vise la vallée, puis El Capitan, et le virage à droite vers Gillespie en restant au dessus de sa Delta. Classique.
4000 pieds, on laisse Ramona sur notre droite
Je coupe le mode NAV du pilote automatique, coupe le maintien d’altitude et passe en mode Heading pour repasser “manuellement” dans la vallée. Gillespie arrive et Bertrand découvre que c’est dégagé droit devant. Je contacte Montgomery, notre destination.
- “Montgomery, Cessna November Sierra-Papa Good day”
- “Montgomery tower, Cessna Sierra-Papa, say request”
- “Cessna November-Four-Eight-Seven-Sierra-Papa, approaching from the east with information Whisky, inbound to land, we are… euh… two miles… of Gillespie”
- “Cessna Sierra-Papa, squawk zero-four-zero-zero, make straight-in 28L”
Voilà. Une straight-in. J’aurais presque eut un “Cleared to land”. Et je n’ai même pas encore survolé Gillespie. Les nuages sont loin devant. C’est pourtant simple. Mais quand on n’a pas l’habitude…
- “CessnaSierra-Papa, veryfing squawk 0-4-0-0 ?""
- “0-4-0-0 and ident right now, November Sierra-Papa”
Il y a du monde sur la fréquence. On continue d’avancer. On croise plusieurs trafics avec des superbes “info trafic” comme on en rêve sur LiveATC.
- “November Sierra-Papa, number three follow a Cessna two miles final, runway two-eight left, cleared to land”
Voilà. Dernière clairance. Dans un pur accent Californien. Le bonheur a entendre à la radio. Et un bonheur à collationner. Frissons.
Fin de Farwest
Puis, on a droit à un Bonanza en finale, sur la parallèle… juste… tout juste à côté de nous. Le Bonanza est en patrouille avec nous ! On pourrait presque le toucher. Vive les approches parallèles. Nous sommes numéro 3 pour la gauche, alors que j’ai un doute sur la gauche… ou la droite… Non, c’est bien la gauche.
En courte à gauche, le point d’arrêt à droite est joliment rempli
(Columbia et Cirrus)
La dernière photo au pied de l’avion ?
Et l’on croit que c’est fini. On est satisfait d’avoir ramené l’avion à son point de départ, tout seul comme des grands. Le boulot réalisé et des tonnes d’images plein la tête.. On réalise à peine ce qu’on vient de réaliser, nous simple pilote PPL de France. On a tout de même fait Page, Monument Valley, Bryce Canyon, Lake Tahoe, Oakland, Mariposa… Plus de 1500 nm (2800 km), des orages, du beau temps, des nuages bas, un léger problème technique au milieu de nul part, 600$ d’AVGAS (130 gallons), environ 20h de vol… On a fait tout ce qu’on avait prévu et même plus.
Et pourtant ce n’est pas fini. Avant-hier, j’ai reçu un coup de fil de Marc-Olivier. Il était à Paris. Et il arrive.