28.9.08

[13/20] "Il est 08H00 locale et il fait 32 degrés" (Mojave - Las Vegas)

Les trois avions sont sagement stationnés les uns à côté des autres sur le parking ensoleillé de Mojave. Nous prenons le temps de nous photographier tous les 6 près des avions. La tour affiche toujours un insolent "Air and Space port" (voir ce récit). Nous, nous sommes fiers aussi d'être déjà arrivés jusque là. C'est mon 6ème jour aux Etats-Unis, il faut parfois faire un "stop" pour nous rendre compte du chemin parcouru. Nous avons déjà parcouru plus de 2200 nm (plus de 4100 km). Ce n'est pas fini et j'ai déjà l'impression d'avoir fait un nombre incroyable de vols exceptionnels. On pourrait s'arrêter là.

Jusqu'alors, chaque soir, c'est à peu près le même cérémonial. Nous prenons possession de nos chambres. Nous y jetons nos affaires, puis nous cherchons un endroit pour diner. Nous discutons alors de la navigation du lendemain et des émotions de la journée écoulée. Puis, épuisés généralement aux alentours de 1h00 du matin, nous nous regroupons dans l'une de nos chambres d'hôtel, déplions les cartes et autres AFD, sortons les log de Nav. des Alcyons et saisissons frénétiquement dans le GPS 496 les points de route. Tout cela se fait encadré par maître Marc-Olivier. Il semble connaitre comme sa poche tous les coins où nous allons. C'est à se demander parfois s'il n'a pas lui-même défini la forme des classes Bravo, MOA et bouts de classe d'espace qui trainent. Il nous est même arrivé un soir, ce devait être vers 02h00 du matin, d'être dans sa chambre tels des petits paddawan préparant notre nav. Il était assoupi, effondré sur son lit. Oui, il ronflait ! Mais par intermittence, au gré de nos remarques à haute voix sur le choix de tels ou tels VOR, route ou altitude, il nous répondait plongé dans un demi-sommeil : "passez plutôt par le VOR Mickey" ou "Prenez 4500 ft parce que sinon vous allez 5 nm plus tard, croiser la MOA bidule qui à l'heure estimée où vous passerez pourrait être active, car le contrôleur en place aura fini son pot d'anniversaire ce jour là". Bluffant. Il fallait être dans la chambre, là. Je suis sûr que vous ne me croyiez pas.

Le Tango-Bravo au roulage à Mojave

Après avoir plus ou moins bien préparé la navigation du lendemain (l'expression "à l'arrache" reviendra souvent), il restait à Florent et moi à trier les photos et vidéos de la journée passée. Faisons de la place sur les cartes mémoires ! Il s'en suivait alors l'opération : "Je branche tout mon bordel électronique" (un portable Pc, un eePC, des chargeurs de batteries, un disque dur externe, des lecteurs de cartes mémoire) puis à lancer les différents transferts et à revivre dans un état comateux (réveillé en moyenne depuis 12 à 14h) au travers de photos et vidéos les moments forts de la journée. On était pas couché. Par contre, pas de difficulté pour trouver le sommeil. Les rêves en plus.

Dans la montée initiale de Mojave
le stockage de liners

Les batteries sont donc chargées et les cartes mémoires vides. Le log de nav. est encore affiné avec les dernières recommandations de Marc-Olivier. Il fait vraiment chaud sur Mojave. Il est temps de faire tourner le gros ventilateur à l'avant.

Tout autour de nous, le désert de Mojave. Notre route doit nous conduire encore plus à l'est vers Las Vegas. Le prochain stop est McCarran, KLAS, aéroport international. 160 nautiques (environ 300 km) à vol d'oiseau puisque les oiseaux eux, peuvent passer au dessus des espaces restricted (R-2515, R-2524, R-2502N). Nous non, sauf lorsqu'on s'appelle Marc-Olivier et qu'on négocie gentiment avec le contrôleur une verticale d'Edwards AFB. Entre Mojave et Las Vegas, on trouve cette fameuse base militaire. Rien que ça.

La trace GPS du départ de Mojave
cap au sud puis au feu à gauche

Je m'assois donc à gauche et sans surprise nous voilà déjà en l'air, en route vers Las Vegas. On voit déjà le soleil décliner nous offrant une superbe lumière rasante. Le reste du vol promet beaucoup. Le Seven-Five-Foxtrot est le dernier à partir. Devant nous, le Duchess est déjà loin et le Cessna Tango-Bravo vient de décoller. Quelques minutes après l'envol, sur 123.45, Marc-Olivier nous prévient qu'il a réussi à négocier pour le Duchess une verticale d'Edwards. On entend l'enthousiasme dans sa voix et presque le bruit de l'appareil numérique de Christophe qui s'échauffe. Ce qui n'était qu'une indication se transforme en une invitation pour le Tango-Bravo qui semble filer tout droit. Cela réveille énergiquement le contrôleur qui rappelle clairement qu'il faut passer par le VOR de DAGGETT (clin d'oeil à mon premier instructeur Xavier du même nom) parce que les zones sont HOT HOT ! Un point c'est tout. Et le ton utilisé est sans ambigüité. Alors que Florent et moi étions sagement sur notre trait, nous entendons le Tango-Bravo reprendre la route vers DAG.

Photo de la base militaire d'Edwards prise du Duchess
avec la piste pour la navette spatiale

Nous contournons donc comme prévu les zones Restricted. Un gros pavé à éviter en plein milieu de la carte. Nous voilà au dessus du désert de Mojave. La luminosité est exceptionnelle et notre regard semble porter jusqu'à l'infini. Nous avons presque l'impression de pouvoir regarder "au-delà" du désert. Étonnement, j'aurais aimé être au sol pour voir ce décors d'en bas. Il faudra revenir. Sans nul doute.









160 nm, ça fait beaucoup de kilomètres de désert à parcourir. Mais nous ne trouvons pas le temps long. Nous en avons forcément plein les yeux et profitons pleinement. La radio nous occupe aussi un peu. 123.45 (the french touch) est là aussi pour nous accompagner et il faut préparer l'arrivée. Loin devant, mais à porté radio, Marc-Olivier nous tiens au courant de l'ATIS de Vegas. C'est Golf qui est "current". L'AFD est repéré aux pages de l'airport diagram de McCarran KLAS. Les cartes sont pliées dans le bon sens. On révise un peu, on se brief. La tension monte lentement.


Ca ressemble pas du tout à St-Cyr !
(Airport diagram de Las Vegas McCarran, KLAS)

Mais avant d'arriver sur McCarran, la nuit tombe et nous nous inquiétons d'un petit pic (Charleston peak) entre nous et Las Vegas. La lampe rouge du copilote et la frontal du pilote sont en place. Nous nous préparons à une arrivée de nuit. A la suite d'une petite discussion entre Florent et moi, nous changeons un peu notre stratégie d'arrivée en décidant de survoler l'autoroute I15 au lieu de tracer tout droit. Cela nous fait passer dans une petite vallée et assure notre arrivée à vue. Et "à vue", il y a des choses à voir. Un halo de lumière se présente au loin. Pas de doute, ça doit être par là !


Alors que nous nous rapprochons de Las Vegas, la fréquence est de plus en plus chargée. Nous passons de plus en plus rapidement d'une fréquence à une autre. D'un "center" à une "approach", puis une autre. Et nous nous retrouvons sur des fréquences où nous côtoyons des biens plus gros que nous et bien plus à l'aise en phraséo anglaise ! On se rend compte, tout doucement que l'on se rapproche du terrain au 609,472 mouvements par an , 6ième terrain des Etats-Unis (en 2007). Comment avons-nous pu partir aussi insouciant, nous avec notre maigre expérience et nos petits Cessna. Mais on sent déjà un moment exceptionnel. Nous avons juste peur de ne pas être à la hauteur. Et si on se faisait jeter ? Et si, le contrôleur, exténué par un "Say Again" de trop, nous envoyait patienter dans un coin. Et si, nous nous trompions complètement dans une clairance ? Une mauvaise compréhension, la descente rapide au lieu d'une montée, un virage dans un sens au lieu de l'autre. Seul le traumatisme de ne pas trouver le terrain, dans notre cas... Las Vegas ne nous effleure pas. Nous n'avons pas vraiment peur de nous perdre, nous avons peur de mal faire et de gacher ainsi notre plaisir. Une telle chance nous est offerte de vivre des moments aéronautique comme nul autre, que nous souhaitons faire de notre mieux.

Pour revivre ce que nous entendons dans nos casques, cliquez sur "Lecture" pour écouter l'enregistrement des fréquences. Nous, on est le Seven-Five-Foxtrot :


Il fait maintenant nuit noire. Tout comme à Portland, le contrôleur nous demande notre destination finale ("Zallez où déjà ? Sur mon gros terrain ? Zetes sûr de pas vouloir le p'tit aérodrome pour les ch'tits navions comme vous ?"). Nous sommes VFR sans plan de vol et on peut imaginer vu le nombre d'avions en l'air et le nombre de terrain dans la région que les contrôleurs souhaitent savoir où va tel ou tel appareil. Surtout s'il va sur le gros terrain international. Zut. En plus, s'il parle anglais comme une vache espagnole autant lui dégager un peu l'espace autour de lui ou prévenir tous les autres.

Et des "autres", il y en a de plus en plus. Le type à l'autre bout du micro s'égosille pas mal. Les infos. trafic pleuvent. Les break break aussi. On se croirait presque un jour d'OD sur IVAO (private joke pour les fan d'IVAO). Nous sommes dans la classe Bravo et les vecteurs et clairances d'altitude se succèdent. Nous sommes en Cessna au milieu d'un espace un peu peuplé de plus gros que nous. De plus, au loin, nous devinons qu'un orage s'amuse. On devine des éclairs. On entend surtout les pilotes sur la fréquence demander des niveaux ou des altitudes et des changements de cap pour éviter tel ou tel grain. Blurps... Mais tout cela parait bien loin. Nous, on trace à 120 kts vers 6000 ft. Et on ne voit toujours pas le terrain.

Scan de mes notes sur ma planchette sur ce vol.
Tous les chiffres sont recopiés lors de l'écoute de message

Dans le casque, cela commence à être aussi la panique. Pas à cause des messages, mais à cause du sqwelch qui semble se dérégler tout seul. Il n'y a pas un instant de silence. Un soufle énorme se fait entendre, constamment dans les oreilles. Nous avons du mal à tout gérer pendant quelques minutes. L'attention à la radio, la veille à regarder dehors, la tenue de la machine, le reste de la navigation... et ce BOUCAN DANS LES OREILLES ! Il suffit d'un petit paramètre anodin pour surchager énormément un pilotaillon.

Par erreur au milieu de la panique (tout est relatif), j'interprète un cap au 320 par une clairance de 360. Je collationne même le 3-6-0 en demandant si je devais l'effectuer par la droite ou la gauche. Après coup, impossible de savoir pourquoi j'ai mal compris un "turn heading three-two-zero" par un "make a three-sixty". Ils (les contrôleurs US) ne peuvent pas utiliser une phraséo un peu plus carré ! Genre Turn RIGHT heading 3-2-0" ;-)))) Toujours est-il que j'ai dû faire un coup de stress à un contrôleur ("Mais où va-t-il celui là !") et me remettre illico presto sur la bonne route. 1er coup de chaud.

La trace GPS de l'arrivée sur Las Vegas

Nous étions parti sans trop imaginer que nous allions nous intégrer et nous poser sur un tel terrain. Las Vegas n'est pas Pontoise, Rouen ou même Toulouse (je cherche des gros terrains que j'aurais pratiqués). Et la nuit, ce genre de terrain devrait se voir. Mais là, on est à Las Vegas avec des lumières partout. Et je me souviens les conseils de Christophe M, mon instructeur de nuit : un terrain la nuit, si tu en es loin et que tu n'est pas en face d'une piste, il y a des chances que ce soit la zone noire, non éclairée au milieu de toutes les autres lumières. Ne pas chercher un balisage, un flash, un parking ou un taxiway. Et même à Las Vegas, ce conseil devrait marcher ! Le terrain de McCarran doit être dans un paquet noir. Mais où ? 2ème coup de chaud.


Nous continuons à être vectoré. Je m'inquiète un peu. Le GPS indique que le terrain devrait être là... juste là. Et on ne voit que des lumières dans tous les sens. Je devine le Strip de Las Vegas avec sa lignée d'hôtel tous plus illuminés les uns que les autres. Je ne profite pas énormément du fait que nous sommes en VFR, arrivant sur Las Vegas, et faisant une superbe vent arrière, tranquillement au dessus du Strip !!!


Florent enthousiasmé, tient d'une main le camescope et de l'autre la lampe de poche rouge pour lire sur ses genoux l'AFD et le Garmin. Nous comprenons que nous sommes en vent arrière. Mais il y a trop de lumière et on ne voit toujours pas le terrain. Nous nous retrouvons avec le contrôleur de l'approche des pistes 19. L'information vient de passer à Alpha, ils viennent de changer de QFU. J'apprendrais plus tard que le Duchess s'est posé en 25 et a eut droit à une clairance à rallonge pour taxier et longer tout le terminal international jusqu'à l'autre bout du terrain vers Atlantic FBO.

Florent tripatouille encore une fois le réglage du volume et du sqwelch et finalement, nous arrivons à retrouver le silence d'entre les messages. Enfin. C'est un réel soulagement. "Ça" en moins dans les oreilles et autant de plaisir en plus. En même temps, nous repérons définitivement le terrain. Tout concorde : le Stip, le pavé de lumière, notre position. Le terrain de Las Vegas est là.


Revivez en temps réel l'arrivée avec cette vidéo incluant les communications radio
... et l'interco ;-)


La fréquence est aussi devenue plus calme. Il y a moins de monde à destination des pistes 19. Notre contrôleur semble très (très) attentionné. En re-écoutant les bandes et la vidéo ci-dessus, je vois qu'il s'applique dans sa prononciation et m'indique où se trouve le terrain, répète les fréquences... Il est donc très coopératif. Je prend enfin un peu le temps de profiter du paysage, du Strip, des lumières et de l'ambiance. Nous allons nous poser à Las Vegas de nuit...

Fin de vent arrière main droite pour les pistes 19
... au dessus du Strip de Vegas !


A la fin de notre vent arrière vectoré pour la 19, l'approche nous indique où se trouve le terrain ... à notre droite pour 4 nm. Le message est clair et donne des frissons :

- "Seven-Five-Foxtrot, at your right inside about 4 miles is Las Vegas Airport"

Je lui répond simplement :

- "We have the airfield in sight, seven-five-foxtrot"

- "Seven-Five-Foxtrot, roger... Thank you... Enter straight in for runway one-niner right"
et il repète immédiatement : "Enter straight in for runway one-niner right"

Comme à St-Cyr, je collationne :

- "We are cleared for straight in approach runway one-niner right, seven-five-foxtrot" non sans avoir complété d'un "thank you" toujours agréable. Il n'y a pas de raison qu'il en ait le privilège !

- "Seven-Five-Foxtrot, thank you... Contact Las Vegas tower one-one-eight point seven-five... Good day"

- "One-One-Eight point Seven Five... Good day"

Là encore, après un "thank you", je peux caser un "good day" en avalant bien toutes les syllabes pour faire plus vrai ;-)

Je continu mon virage vers la droite pour rejoindre le terrain et je vérifie au conservateur que l'on s'oriente bien vers une 19. Tout va bien. Plus de surprise. Nous sommes arrivés.

Sans raison particulière, après avoir affiché 118.75 sur le COM1, je lance un superbe :

- "Los Angeles Tower... Seven-Five-Foxtrot with you"

Los Angeles ???? Ah bon ? Tu te crois où ? Las Vegas te suffit pas ?

Très longue finale piste 19R
Las Vegas, McCarran, Las Vegas

Le contrôleur ne s'en offusque pas et me rétorque à l'américaine :

- "November-Seven-Five-Foxtrot, Las Vegas tower, runway one-niner-right, cleared to land, wind one-three-zero at four"

Et voilà, c'est aussi simple. Un peu de phraséo, un peu de chance, un peu d'expérience, un peu de culot, beaucoup d'encadrement et vous avez deux pilotaillons dans un Cessna qui viennent de recevoir une clairance d'atterrissage sur la piste 19 droite de Las Vegas McCarran, dans la nuit. Rien que ça.

Deuxième cran de volet... la vitesse se réduit... je remet un peu de gaz. Le Cessna glisse tout seul sous son plan. Je cours après les trois rouges du PAPI que je n'arrive pas à faire disparaitre. Tant pis. Il fait trop clair. Ne nous énervons pas pour rien. Profitons de l'instant et visons cette piste. Le calme est donc revenu alors que nous approchons du sol, plus de panique dans le casque et l'avion est prêt. Serein, je me remémore mon erreur du 3-6-0 à l'arrivée.

En courte, le contrôleur nous repasse les vents. Calme. Tranquille.

Il fait de nouveau chaud.

Florent nous souhaite la bienvenue à Vegas... dans le désert.

"Il est 08H00 locale et il fait 32 degrés" annonce-t-il.



Panoramique au pied du Marriott à San Francisco

Il est 8h00 du matin, vous venez de vous réveiller au Marriott. Le temps de prendre une rapide douche et vous sortez de votre chambre. Dans le hall d'accueil, vous passez au Starbuck pour prendre un premier café à emporter. Puis, vous traversez le hall et ouvrez une porte qui donne sur la baie de San Francisco et les pistes de l'aéroport international. Il fait beau. Des avions se posent et décollent. Dur réveil.








Cliquez dans l'image et déplacez la souris pour bouger le point de vue sur 180 degrés. Les touches MAJ et CTRL permettent de zoomer + et -

[12/20] Comme un second voyage qui commence (Oakland - Mojave)

Le vol entre Klamath Falls et Oakland a presque été une formalité. Nous voilà posé à Oakland. Nous avons encore couru après le lièvre de la 27 droite. Florent et moi avons de nouveau eu des frissons en finale. Nous retrouvons "Les Alex" et le Cessna Tango-Bravo enfin libéré de ses soucis de freins, de cylindre et de trucs qui fuient dans le machin. Je n'imagine pas l'explication technique en anglais avec le mécano aéro. Puis nous faisons le plein au SelfServe en prévision de demain. Comme à la maison, nous cherchons une place de parking au FBO Kaiserair pour garer pour la nuit le Cessna 172. J'imagine qu'une longue journée nous attend demain. J'imagine.


L'opération PriceLine réalisée à Seattle nous a réservé le Marriot à côté de San Francisco. Il nous reste à traverser toute la baie à bord de l'unique voiture de location à notre disposition. Nous sommes 6 et le trajet, dans la bonne humeur, nous mettra toute de même à rude épreuve. Nous sommes content d'arriver à l'hôtel. Ce matin nous étions à Vancouver. Nous voilà à San Francisco.








Cliquez dans l'image et déplacez la souris pour bouger le point de vue sur 180 degrés. Les touches MAJ et CTRL permettent de zoomer + et -

Lendemain matin. 8h00. Je viens de me réveiller au Marriott. Le temps de prendre une rapide douche sans réveiller Florent qui, adepte des grasses-matinée, grappille quelques précieuses minutes. Je sort de la chambre. Au Starbuck de l'hôtel, je laisse quelques dollars pour mon premier café de la journée. Cafe Latte de mémoire. Puis, je traverse le hall. Je met mes lunettes de soleil et ouvre la porte qui donne sur la baie de San Francisco et les pistes de l'aéroport international. Il fait beau. Des avions se posent et décollent. Dur réveil.

Quelques minutes plus tard, un à un les 6 de "Far West 2008" se retrouvent. Nous chargeons la pauvre voiture de location et nous voilà de nouveau entassés. Nous avons décidé d'aller petit-déjeuner dans le centre de San Francisco. Cette descente depuis l'aéroport vers le centre prend des allures de vacances.

Nous voilà attablés dans un Pub Irlandais à dévorer des pancakes et nous remplir de caféine. Comme le prouve la photo ci-après, nous préparons également la navigation vers Mojave. Je ne réalise pas encore que ce soir nous serons à Las Vegas... si tout va bien. Bizarre. Hier, j'étais à Vancouver. On prendrait l'habitude ?

Le log de nav sur un bout de set de table... parfait ! On est prêt !

Nous prenons un peu le temps de faire les touristes avant de repartir. Nous squattons quelques terrasses panoramiques d'hôtel pour profiter de leur point de vue élevé sur San Francisco. Sans nul doute, il faudra revenir. Un jour. Far West 2009 ?





Puis, nous décidons de nous séparer. Un groupe va en voiture vers Oakland. L'autre groupe (Florent et moi) nous mettons en chasse de l'Aber... Lalber... L'aldeber... combrie... l'Albert... l'Abercrombie & truc. Avant de partir, je m'étais fais promettre par ma fille Camille de lui ramener des affaires d'Abercrombie & Fitch. J'ai même un SMS et des notes dans mon téléphone portable. Les tailles, les modèles souhaités et repérés sur Internet et les couleurs par ordre de préférence. Tout y est. Je devrais y arriver... à condition de trouver le magasin à San Francisco. GoogleMap sur mon téléphone mobile fait des merveilles. Il me localise et me guide jusqu'au magasin. Je découvre aussi que le magasin est à quelques mètres de la station de BART (Bay Area Rapid Transit : le RER local) qui peut nous ramener vers Oakland et Kaiserair. Là bas, un coup de fil au FBO et gracieusement une navette viendra nous chercher. Magie des FBO aux Etats-Unis.

"Albert Crombie !!" (private joke)

Le RER local

Puis nous testerons le BART, un jour de match des Raiders. Chaude ambiance à la gare d'Oakland que Kaiser partage avec le stade des Raiders ! Nous débarquons dans une nuée de supporters très calme.

Le temps de manquer de se faire tuer 3 ou 4 fois par le conducteur de la navette Kaiser hystérique (le conducteur, pas la navette), nous retrouvons tout le monde au Pilot Lounge de Kaiser. C'est devenu un peu notre seconde base après San Diego et Gibbs/PlusOneFlyer. Mais il faut partir. On a du chemin à faire comme on dit.

Tout le monde retrouve son avion sous le soleil californien. Tout fier de mes achats pour ma fille (et ma femme), je place le sac (à l'image équivoque ?) à l'arrière du Cessna. Mes coéquipiers n'auront de cesse de me chambrer ;-)

La classe : sac Abercrombie & Fitch à l'arrière d'un Cessna ;-)
Florent est commandant de bord sur ce vol qui doit nous amener à Mojave. Il fait cette branche de jour et je me chargerais avec son aide de la branche qui aura toutes les chances de se finir de nuit... à Las Vegas. Nous ne savons pas encore ce qui nous attend.

Décollage en 27 droite, puis cap à droite immédiatement pour appliquer la procédure anti-bruit vers l'Oracle Arena et le McAfee Coliseum. Nous nous retrouvons vent arrière au dessus de l'interstate I880. Devant nous, le Duchess est déjà loin. bi-moteur oblige. Tango Bravo, l'autre Cessna 172 nous précède de quelques minutes. Nous le rattraperons dans quelques minutes.

Notre trace GPS sur la TAC de San Francisco

Un petit coup de régulation radar "no further than 90 degrees", nous pouvons "resume our own navigation". Nous sommes malgré tout sous la classe Bravo dont le plancher monte tout doucement au fur et à mesure que nous nous éloignons de KOAK et de KSFO, codes OACI magiques pour les pilotaillons.

Après avoir passé San Jose et au détour d'une info. trafic, la contrôleuse nous informe d'un Boeing 737 dans nos 6 heures de 5000 ft vers 6000 ft... "caution wake turbulence" ! Ce n'est pas tous les jours qu'on reçoit ce genre d'info. Que faire dans ces cas là ? Se retourner et brancher le camescope ! Et s'il est vraiment trop près, alors on plonge pour éviter la turbulence de sillage. Mais point d'aventure dans notre cas, nous ne verrons rien. Rien du tout.

Pas contre, nous rencontrerons beaucoup de turbulences dûes au vent d'ouest lorsque nous survolons la chaine montagneuse de Diablo Range. C'est la première fois que nous nous faisons tabasser dans le petit Cessna. C'est tellement inconfortable que Florent prend un poil à gauche de la route pour voler au dessus de Central Valley.


Nous retrouvons un air plus calme... et le Tango-Bravo que nous rattrapons !

Ce sera l'occasion de notre premier petit vol en patrouille pour ce voyage. Il y en aura deux autres mémorables. Une sorte de mise en bouche ?

Puis nous profitons de la puissance du 75F nouvellement remotorisé pour continuer notre chemin vers Mojave. Les paysages se succèdent alors qu'un grand CAVOK nous entoure. Nous sommes dans un décor de cinéma à bord de notre Cessna. Et nous ne savons où donner de la tête. Il faut une nouvelle fois que nous annoncions à haute voix : "Tu te rends compte où l'on vole, là ?". Nous vivons un rêve éveillé.




Alors que nous amorçons notre descente "abeam" Mountain Valley,en visant un passage entre deux sommets (Tehachapi Mountain et Pajuela Peak), la carte indique "Caution numerous Windmills Highest 5826' MSL". Nous voilà prévenu, mais comment louper cette nuée d'éoliennes !
Et enfin Mojave arrive. Notre premier terrain en auto-information avec bien peu de trafic. Florent nous pose tranquillement sur la 08, la petite piste de Mojave KMHV... de tout de même 7000 pieds (2100 mètres). Ah oui, la grande piste 12/30 fait 12000 pieds de long (presque 3,7 km !). Voilà qui nous change, s'il était besoin de le rappeler, des 900 mètres de long de St-Cyr !

L'airport diagram tel qu'on le trouve dans l'AFD
(manuel vert qui ne nous quittera plus)

Comme à l'accoutumée, nous cherchons le Duchess sur le parking, notre poisson pilote. La plate forme est grande, peu d'animation aujourd'hui... le voilà ! Ouf.


Mojave est un endroit surprenant pour un pilote de DR400 de St-Cyr. Déjà, l'endroit annonce le désert qui arrive. Encore une fois, pour moi qui n'avait jamais mis les pieds aux Etats-Unis, j'ai l'impression d'être dans une immmmmense carte postale. Ou bien un plateau de cinéma (allez voir la section "filming" du site officiel de Mojave pour voir les films et séries qui s'y sont tournés).

Enfin, on commence à voir à perte de vue. Il fait sec. Et il fait chaud. Très chaud.



Puis le nom sur la tour de contrôle intrigue "Mojave Air and Space Port". Tout un programme. Et j'ai déjà la musique de "l'Etoffe des Héros" en tête. Le terrain de Mojave est aussi le pied à terre de la société "Scaled Composites". Ca ne vous dit rien. Moi non plus. Mais lorsqu'on évoque son patron "Burt Rutan" et quelques unes de ses réalisations (Voyager, SpaceShipOne, GlobalFlyer), on se dit qu'on est peut-être dans un endroit de légende. Si je rajoute que Mojave a été le premier terrain aux Etats-Unis à être autorisé aux lancements horizontaux (tout est dans le "horizontaux") de vaisseaux spatiaux réutilisables, qu'il est certifié comme "Spaceport" par la FAA et que c'est le seul endroit au monde où ont eut lieu des vols privés spatiaux... On se dit que chacun son histoire, mais en tout cas, ce n'est pas la même que celle de St-Cyr !


Des carcasses de liners sont stockés pour destruction ou récupération
(Christophe en auto portrait sur le BE76 Duchess)

Et nous venons de nous poser sur ce terrain. Tranquillement. En Cessna.

"The Right Stuff !"
(poomm, poomm pomm pom pom pom, pooom, poooommm)

27.9.08

[11/20] Sans histoire (Klamath Falls - Oakland)

La nuit commence à tomber sur l'aéroport de Klamath Falls. Normalement, après 4 h de vol dans la journée, nous devrions chercher ou plutôt Priceliner un hôtel pour nous reposer et reprendre des forces pour les vols du lendemain. Mais dans ce séjour, rien n'est normal. Florent et moi mettons à jour le Garmin 496, comparons nos log de nav (toujours au format des Alcyons) puis répétons mentalement le vol qui nous attends.

Décollage de Klamath Falls au crépuscule

Cap au sud en évitant le Mont Shasta. On fait du VOR à VOR en visant RBL (Red Bluff), puis MXW (Maxwell) et SGD (Scaggs Island). Trois VOR et enfin, nous devrions "voir" la baie de San Pablo qui devrait nous guider jusqu'à Oakland. 280 nautiques à parcourir en VFR de nuit. Du bonheur. Ce n'est pas tous les soirs qu'on projette de se poser dans la baie de San Francisco.

La météo est analysée. "CAVOK sur San Francisco" s'exclame Marc-Olivier. Les METAR et TAF sont enthousiastes. Pas de TFR. Rien de planqué dans les METAR. Tous les voyants sont au vert. Dehors, il commence à faire sombre.

Nous préparons les lampes de poche. Je teste l'éclairage d'appoint intégré au cockpit. Sur notre Cessna 172, N4975F, l'affichage du bloc communication nous joue des tours depuis le début du voyage. Tous les LED composants les chiffres ne s'affichent pas. Surtout sur le COM1, fréquence active, où seuls 2 ou 3 bâtons sur la totalité de la fréquence apparaissent. Très pratique. Pour faire apparaitre le numéro en entier... comme par magie... il faut éclairer la cellule de détection d'intensité lumineuse du bloc radio, avec une lampe. Lorsque vous galérez à comprendre, puis à retranscrire, puis à vérifier et tout ça en vol avec une lampe de poche, vous êtes bon pour voler aux Etats-Unis !

Le terrain de Klamath Falls est calme lorsque nous mettons en route. Nous sommes loin de l'excitation d'un "Portland" ou d'un "Seattle" avec la fréquence DEL à contacter et les essais moteurs à réaliser au parking avant de rouler. Pas d'animation sur le terrain. Le Duchess part comme à son habitude devant. Derrière, nous profitons.

Après le décollage, nous faisons le tour du Mont Shasta par l'ouest

Le vol se déroule sans histoire. Comme docile, la nuit devient noire après que nous ayons passé le Mont Shasta, nous laissant le loisir d'éviter "à vue" le sommet de 14162 pieds. Le reste du trajet nous présente de vaste plaines. Nous n'avons plus d'obstacle sur la route. Les VOR sont passés comme en exercice de VFR de nuit.

Malgré l'absence d'animation, nous ne nous ennuyons pas (il n'y eut qu'un vol où nous avons vu un peu le temps passer et il aura lieu à la toute fin du séjour). En ce moment, le N4975F trace sa route autour de 110 kts, stable et sans turbulence. Pourquoi mettre un pilote automatique là-dessus ? Le Cessna est stable sur ses rails. Comme dans Flight Simulator.

Des terrains partout !

Notre route est parsemée de terrains. Magie de la Californie, certains sont allumés, des trafics en mouvement sont visibles aux strobes : Red Bluff, Corning, Haigh, Chico, Willows Glenn Co, Gunnersfield, Moller, Colusa, Williams... Je compte pas moins de 12 terrains sur 65 nm.

Le cockpit reste faiblement éclairé. Juste ce qu'il faut d'intensité au plafonnier et les potentiomètres nous plongent dans une vraie ambiance de nuit. Dehors peu de lumière. Par intermittence, Florent allume sa lampe portable pour consulter une fréquence ou la carte. Dans nos casques, la musique de Liveatc.net. Nous sommes encore dans un de nos rêves.

Après Maxwell, une lueur apparaît au loin. Certainement San Francisco. Mais cette lueur est masquée de temps en temps derrière une colline qui se dresse sur notre route. Allumage de ma frontale et de la lampe de poche de Florent et nous fonçons sur la carte dépliée : à quelle altitude se trouve cette colline ? C'est pas prévu qu'à 5000 pieds, nous rencontrions un obstacle. L'altitude de sécurité annonce fièrement "35" en lettre capitale sur la Sectional.

Plus nous nous approchons et plus cela semble bizarre. Nous ne comprenons pas. Nous faisons un croisement de VOR pour confirmer notre position. Au nord de Mysterious Valley. Ça ne s'invente pas. Nous sommes bien où nous pensons être. La décision est simplement prise de faire le "tour par la gauche" de ce qui... semblera être un nuage posé sur notre colline. La coquine.

Si on m'avait dit qu'un jour j'arriverais "tranquiiiille" de nuit à Oakland

Nous sommes avec NORCAL Approach lorsque nous laissons le VOR de Scaggs Island sur notre droite, alors que nous descendons vers la baie de San Pablo. Nous contournons la ville de San Pablo et la baie de San Francisco éclairée s'offre alors à nous.

Nous n'avons pas le temps de profiter du paysage. Au loin, nous distinguons les strobes des liners sur SFO. NORCAL nous passe sur Oakland Approach et nous voilà très simplement autorisés à 2000' pour rejoindre le vent arrière 27 main droite.

Rien de plus simple. Malicieusement, Florent et moi avons l'impression d'être dans notre jardin. Après tous ces terrains découverts les jours précédents (Vancouver, Portland, Seattle, Klamath Falls...), se retrouver dans un décor un peu maitrisé donne l'illusion de rentrer chez soi. L'étape de base, puis la finale et c'est avec une aisance non dissimulée que nous annonçons vouloir taxier pour KaiserAir.

Vol sans histoire aux USA. Juste en VFR de nuit avec un atterrissage à Oakland. Rien que ça. Le métier commence à rentrer.
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