29.9.08

[14/20] Que le spectacle commence (Vegas - Page)

Nous voilà à 9000 ft et à la verticale du Grand-Canyon en Arizona. Florent est aux commandes du Cessna 172. Je suis assis en place droite avec l'appareil photo, le camescope et le Garmin 496. Sur mes genoux, la carte VFR 1/250 000 du Grand Canyon est dépliée. Nous suivons studieusement le lit du Colorado. Devant nos yeux, un spectacle incroyable se déroule. Des canyons profonds de plus de 1500 mètres et jusqu'à 30 km de large se succèdent. Nous avons 450 km de visite qui nous attendent. Mais avant d'en arriver là, la veille au soir...

Lorsque nous arrivons au parking de Las Vegas McCarran en suivant le "Follow Me" du FBO Atlantic, le Duchess de Christophe et Marc-Olivier est bien sûr déjà garé. Je coupe le moteur du Cessna alors que le placier pose déjà une cale sur la roue gauche. En descendant, Christophe nous accueille d'un grand sourire et nous félicite : "Sur ce coup là, bravo, les gars !" nous lance-t-il. C'est la première fois qu'il le fait depuis le début du voyage.Je crois que nous ne réalisons où nous sommes.

Dans la douce chaleur de cette fin de journée, nous voulons profiter du moment. A quelques mètres du Cessna et à quelques centaines de mètres du Strip de Las Vegas, je regarde autour de moi pour réaliser "un peu". Mais c'est un peu difficile. Là, sous nos yeux, alors que nous attendons tranquillement le Cessna des Alex, je vois l'hôtel Mandalay Bay. A côté, un grand faisceau lumineux rectiligne pointé vers le ciel marque la pyramide de l'hôtel Louxor. Puis à droite, le bâtiment en croix du MGM. Il y a de la lumière partout autour de nous, sauf sur le terrain lui-même. Je devine alors le Cessna Tango-Bravo des Alex qui se présente en finale 19, alors qu'un ballet d'hélicoptères Ecureuil embarque des groupes de touristes pour certainement un survol de Vegas de nuit... Et c'est ce que nous venons de faire ! Quelle chance ! Je n'y crois pas. Partis d'Oakland ce matin, nous avons traversé le désert de Mojave et nous nous sommes - presque comme des grands - posés en Cessna sur l'un des plus gros aéroport du monde. Grâce à l'organisation de Marc-Olivier, à Florent assis en place droite et... aux Etats-Unis qui permettent ce genre de chose. Il y a quelques jours à peine, nous n'avions même pas de licence de pilote américaine.

Comme tous les soirs, il nous reste à bâcher le Seven-Five-Foxtrot, rassembler les cartes (forcément éparpillées dans tout l'avion), faire le tour de l'intérieur de la cabine pour voir si nous n'oublions rien à la lueur des lampes de poche. Nous avons forcément perdu des stylos, des clefs (hein Florent ? ;-), des lampes de poches, des cartes... Puis sortir nos deux valises de la soute. Le Tango-Bravo est arrivé non sans avoir fait cavaler le Follow Me tellement la plate forme est grande. Ce sera à voir sur la vidéo qui est encore au montage.

Les trois avions de "Far West 2008" sont posés à Vegas et une bande de gamins échange avec enthousiasme ses impressions du dernier vol ! "Et tu as vu le faisceau du Louxor, puis le Stratosphere au bout du vent arrière ?!" "Et la Restricted, alors, vous l'avez survolé ?!" "Vous n'avez pas eut de problème avec Las Vegas Center ?!" "Et ça n'allait pas trop vite à la radio ?" "Et c'est vous qui avez fait ce Three-Sixty ?" Wouaaaaaaaaaaaah

Nous arrivons tout de même à nous calmer et nous diriger vers Atlantic FBO où une navette nous attends pour nous amener au Louxor ("Qui a le tips pour le chauffeur ?"), prendre possession de notre chambre (rituel du soir, voir ce récit), puis à attendre désespérément nos baggages subtilisés par un porteur, à peine la porte du hall franchie ("Qui a le tips déjà ?").

Nous passerons le reste de la soirée à nous promener dans Vegas à la recherche d'un restaurant abordable... et ouvert. Nous avons dû arriver le seul jour (un dimanche soir) où les restaurants ferment ! Ne sommes-nous pas dans la ville qui ne s'endors jamais ? Quelle déception, mais quel promenade dans cet immense parc d'attraction. C'est totalement irréel et artificiel.


Des touristes sur un escalator qui... tourne

Il nous faudra beaucoup d'adrénaline pour survivre à cette promenade pédestre. Mais de l'adrénaline, nous en avons à revendre. Même plusieurs semaines après, il doit bien m'en rester dans les veines. Epuisés, mais heureux, nous atterrirons finalement au restaurant 24/24 du Louxor. Bof. Epuisés, puis rassasiés, la nuit promet d'être courte. Aucun d'entre nous n'aura la force de préparer une quelconque navigation. On vide les appareils photos et camescopes... et au lit !

Le desk d'Atlantic... L'aviation générale à Vegas

Et pourtant le lendemain, après avoir de nouveau profité de la navette d'Atlantic ("Qui a le tips ?"), il nous faut préparer le vol du jour. Marc-Olivier s'est levé (encore) à l'aube pour trouver à North Las Vegas trois jeux de cartes VFR du Grand Canyon qui nous manquaient ("Vous êtes sûr qu'on les avait pas à Paris ???"). La zone étant un peu particulière à cause des tours en hélicoptères et en avion et des multiples touristes (5 millions en 2007) comme nous enthousiastes d'être aux premières loges. A propos des cartes, nous en sommes maintenant convaincus : les Cessna ne volent pas avec du fuel, mais avec des cartes ! Et ils en consomment ! C'est à croire qu'à chaque étape, il faut racheter des cartes et des cartes ! Mais où partent tous ces carte ? Je n'ose imaginer la note finale ;-))


La carte VFR du Grand Canyon
(cliquez dessus pour l'agrandir)


Déballage des cartes dans Atlantic... et on écoute le briefing !
Nous investissons les grands fauteuils et la salle de repos d'Atlantic pour écouter le briefing de Marc-Olivier. Un grand écran annonce les premières faillites de banque. Les chaines d'info. vont nous abreuver pendant notre préparation. Nous sommes entre le rêve éveillé et tous les problèmes financiers qui vont nous rattraper d'ici peu.

Nous prévoyons un départ pour survoler le Grand-Canyon de tout son long. Avant cela, nous tenterons de passer au dessus du barrage Hoover. Puis on dégagera par le nord au bout... vers le terrain de Page Municipal.

La carte au 1/250 000 VFR du Grand-Canyon précise les zones interdites de survol appelées "Flight Free Zone" (au premier abord, j'interprête le sens à l'envers : on peut y voler dedans, puisque c'est free ! ;-) De grandes cartouches aussi rappellent que les espaces sont chargés de "Tour Operation" et que l'on est dans un parc national américain. 2000 ft d'altitude minimal au dessus de la surface et bien sûr on ne va pas se promener DANS le canyon. On peut le survoler, mais il y a quelques règles tout de même.

Toute la longueur du Grand-Canyon est découpée en trois grands secteurs : Pearce Ferry, Diamond Creek et Supai. Chacun dispose de sa propre fréquence d'auto-information. La carte indique en gros "Monitor XXX.XX". Entre l'appareil photo, les quatre yeux, le camescope, la tenue de l'avion, le spectacle...Ca promet à la radio dans le Seven-Five-Foxtrot. On aura droit aussi à quelques nuages. Mais on verra ça plus tard. Moi, je vous le dir, le spectacle promet.

Pour pouvoir passer entre les Flight Free Zone et obliquer vers notre destination (Page Municipal, cliquez ici pour situer le terrain sur la sectionnal de Vegas), il y a des corridors dont je saisie les coordonnées dans le GPS. Allez, on va aller jusqu'au bout du Canyon, donc on prendra à gauche là et ce sera donc le "Dragon Corridor". Ca va faire classe à la radio "Dragonnnnneeeeuuuu Corridoreeuuuu". A l'est du Grand-Canyon, donc, pour remonter vers Marble Canyon et le terrain de Page. Là encore, nous ne nous rendons pas compte du spectacle qui va s'offrir à nous, ni de la chance d'y aller en pilotant notre propre avion. Je ne connais rien à la région, j'ai vu des tonnes et des tonnes de films, reportages et photos, mais dois-je le rappeler, c'est la première fois que je mets les pieds aux Etats-Unis !

Nous payons enfin la taxe auprès des charmantes hôtesse d'Atlantic et on nous conduit en Van jusqu'à nos avions alors qu'un porteur à regroupé nos bagages ("Hey ! Qui a le tips, déjà ?!?!?"). A Vegas, sur cet aérport international, il est "bien sûr" impossible d'accéder au tarmac librement et sans contrôle.

Les baggages sont embarqués dans les avions. Chaque équipage prépare sa machine. Petit coup sur la verrière avec le produit magique laissé dans la soute et nettoyage des lentilles des camescopes et des appareils photos. Nous embarquons encore de l'eau. Précaution en cas de panne au milieu du désert ? Pas vraiment, nous dédramatisons la chose en plaisantant.

Et nous ne pouvons nous empêcher de regarder, comme hier soir, autour de nous pour tenter de réaliser où nous sommes. En plein milieu de Vegas, avec nos avions.

Les deux Alex et le Tango-Bravo


Nettoyage de la verrière pour le 75F
Casquette obligatoire pour rester en plein soleil !


Tango-Bravo et le 75F garés à quelques mètres du Strip !

Juste avant de partir de Vegas, nous succombons à la traditionnelle photo de groupe. Pour changer et faire un clin d'oeil à PriceLine (le site qui nous permet de profiter de tarif ultra discount sur les hôtel, voir à la fin de ce message), nous posons tous les 6, tels William Shatner sur la page d'accueil du site. Six grands enfants, au milieu d'un immense magasin de jouet, loin de toute contrainte, révant tout éveillé et au milieu d'un voyage magique.


Mais il est temps de partir. Je m'assoie à droite dans le Cessna. Comme sur tous les gros terrains, on doit d'abord passer par la fréquence de "Delivery" (DEL pour les intimes) pour avoir une clairance, puis nous passerons avec le sol.

Mise en route, comme tous les premiers démarrage de la journée après trois injections de primer. C'est l'effort physique du matin qui nous fair rigoler tellement le primer est difficile à faire maneuvrer. Tout au long de ce séjour, le Seven-Five-Foxtrot ne nous posera aucun problème de démarrage. Bon, on est pas non plus en plein hiver sur le parking humide de Toussus.

ATIS "Golf" et Florent reçoit alors une clairance digne d'un départ IFR, propre à ces grosses plateformes : "After take-off turn heading one-seven-five, four thousand feet, departure frequency one-one-eight point four and squawk seven-two-seven-one." Nous sommes appliqués à bord du Cessna. Plus question d'être submergé comme aux premiers vols. Cela commence tout doucement à se roder. Florent collationne, puis nous roulons. Dernier des trois.


"Allez les gars, bon courage, je passe devant !"

Petit slalom sur le parking d'Atlantic

Nous roulons le long d'une haie de jets privés et autres BBJ en pagaille. Un Gulfstream vient de dégager et roule devant nous. Nous trouvons notre chemin entre deux 737 et les cones rouges et blanc de protection. Puis sur le taxiway Hotel, l'énooooooorme ligne jaune centrale du taxiway semble prise par des vapeurs d'alcool. Nous expérimentons pour la première fois ces marques volontairement ondulées avec l'inscription "TAXI ONLY" à l'extrémitée pour quelles ne soient pas confondus avec les pistes. Au sol, la première fois, je vous garantie que ça surprend. On suit bêtement une énorme ligne jaune et noir... et puis... ah non... faut aller tout droit ;-)

Le marquage zizaguant sur le terrain

Les marques vues du sol

Les trois avions de Far West 2008 au point d'arrêt Fox one-niner-right


"Wind three-zero-zero, three, runway one-niner-right, cleared for take-off"

La contrôleuse vient de nous passer la clairance. Florent aligne sa machine et nous décollons de Las Vegas, McCarran. Nous sommes les derniers. Tango-Bravo et le Duchess sont devant. Un grand moment.

Accélération sur l'immense piste 19 droite. Nous venons à peine de quitter le sol et nous arrivons à l'intersection avec les pistes 25 et je vois un liner proche du toucher... Frayeur de pilotaillon que de voir ce gros appareils sur notre gauche, sur une piste sécante avec la notre ! Florent entame sa montée vers 4000 ft et prend un cap au 1-7-5 tel qu'indiqué par la clairance.

Départ de Vegas puis verticale Hoover Bam

Puis, nous contactons Las Vegas Departure sur 118.4 qui nous vecteur dans sa classe Bravo pour un grand tour dans le sud est. Alors que nous voulions aller vers le nord, pour une verticale du barrage Hoover. Grrrr.

Florent aux commandes lors du départ de Vegas

Peut-être n'avions nous pas été clair sur nos intentions ? Devant non plus visiblement à moins qu'ils ne veuillent aller vers Hoover Dam ? Les vecteurs poussent nos amis directement vers le grand canyon. Derrière, nous négocions un peu, sortons des classes Bravo, quittons, puis sommes rappelé quelques secondes après... Le contrôleur ne voulant pas nous abandonner comme ça ;-) Après avoir fait discrètement le tour de Boulder City nous arrivons enfin à faire notre verticale du barrage qui se trouve juste... dans les axe des pistes 25 actives à ce moment. Petit rappel à l'ordre du contrôleur qui nous repousse vers l'est... Le jeu du chat et de la souris prend fin, il est temps d'aller vers le Grand-Canyon. Nous quittons Vegas Departure alors que je prend une photo en ouvrant la fenêtre de mon côté. Pile à la verticale du barrage ouvert, je met dans le cadre, un bas de porte de Cessna, une roue droite et le barrage, là tout en bas.



Nous suivons alors le lac Mead qui est le plus grand réservoir artificiel du monde, juste aux contreforts du Grand Canyon. Puis nous entrons tranquillement dans le premier secteur d'information de vol "Pearce Ferry". Nous nous inquiétons de la somme de trafic qu'il pourrait y avoir dans le coin. Au final, Pearce Ferry est un peu chargé en avions que l'on cherche desespérément, et plus on va vers l'est moins il y a de monde. Nous nous retrouverons seul au bout du canyon. On entends et voit quelques hélicos dans les trajectoires beaucoup plus basses qui leur sont autorisées. Nous trainons en altitude, agité par les fortes turbulences vers 9000 ft (selon les secteurs) et essuyons même une averse. A plusieurs reprises, nous ressererons même nos ceintures tellement "ça tabasse". Et le décor nous submerge.



Comment penser que nous pourrions encore en avoir "plein les mirettes" après ce que nous avons déjà vu les jours précédents. Comment penser être impressionné et surpris encore par un décor ! Après la baie de San Francisco, la chaine de volcans, Crater Lake, Vancouver, Seattle... Après les rares averses que nous avons subis au début, le temps s'éclairci finalement et notre regard porte à perte de vue.

Nous slalomons au raz des zones interdites. Laissant Bat Cave, Spencer Canyon et l'aerial Tramway que nous cherchons désespérément des yeux. Changement de secteur (Diamond Creek), nous affichons alors 127.05 et effectuons notre auto information hésitante à coup de repères touristiques lu sur la carte. Les appareils photos crépitent, le camescope tourne.




L'équipage aux lunettes noires




Arrivés vers le Tuckup Corridor, nous continuons vers l'est et ponctuons nos auto information de très jolies "Eastbound". Mais nous devons contourner un Free Flight Zone qui nous bouche le chemin. Heureusement, les coordonnées ont été rentrées au GPS et je peux guider Florent sereinement. A tel point que je m'étais totalement trompé dans la saisie dans le GPS... Vive la montre et la carte... mais comment rester concentré dans ce paysage ?

Nous suivons le Colorado


Notre promenade continue avec le "Supai Sector" alors qu'123.45 est active... ou plutôt est squattée par les français. Christophe et Marc-Olivier sont déjà loin avec leur bimoteur et nous échangons nos positions avec le Tango-Bravo. Bizarrement, nous devrions être au même endroit. Mais personne ne se voit. Nous changeons d'altitude pour éviter la bétise. Ce serait bête de rayer la peinture.



A l'extrémité est du Grand Canyon, des images plein la tête, il nous faut repiquer vers le Nord au travers du Dragon Corridor. Nouveaux échanges de positions avec le Tango-Bravo. Visiblement le ciel nous est réservé. Pas un chat. Encore une fois "étonnement", nous devrions être au même endroit. Mais en approchant du terrain "Grand Canyon National Park", je m'étonne de si bien distinguer le terrain. Les pistes, les installations, les bâtiments. Tout est là. Proche. Trop proche. Alors que sur la 1/250 000, nous devrions êtes bien plus au nord-ouest. Bizarre. Tout le monde sur la fréquence s'en étonne. J'ai du me gourrer quelque part !

Dragon Corridor

Après quelques secondes d'énorme solitude, je comprend mon erreur. Une histoire de coordonnés GPS saisie à la va-vite dans le mauvais système par défaut (très fort le Vincent) en minutes-secondes... ou en degrés-minutes ou l'inverse... ou les deux ;-) Toujours est-il que tout est décallé de quelques nautiques à gauche. La honte ! Cela servira de leçon. Mea Culpa. Florent se recalle et je me fais tout petit dans le Cessna ;-)







Nous sortons du Grand-Canyon par le nord en direction de Page à quelques minutes encore. Il nous reste néanmoins le Marble Canyon à survoler ce qui peut-être pour le commun des pilotaillons de plaine serait déjà un bonheur. Ici, dans le Seven-Five-Foxtrot, on continue à être aux anges.

Marble Canyon et la longue finale sur Page
Il y a un peu de trafic à l'arrivée lorsque nous nous branchons sur la fréquence d'auto-information de Page. Nous attrapons de très loin la finale piste 33 (triiii-triiii). Ce sera donc une grande grande (voir immense) longue finale, stable, tranquille après plus de 3 h de vol qui sont passées comme un St-Cyr - Dreux.

Décor de rêve pour une longue finale sur Page Munipal

Le terrain de Page n'est pas plus accueillant qu'un autre. Ici, pas de FBO, pas de Follow Me, pas de salon grand luxe, ni de cookies à disposition. Nous sommes accueillis par le pétrolier qui nous demande si nous voulons de l'essence. Des Cessna Caravan embarquent les touristes pour les visites des environs. Une vingtaine d'avions d'aviation générale est stationnée sur le parking. Au nord, le lac Powell.

Il parait qu'il y a des monuments naturels uniques au monde dans le coin. Le soleil descend doucement vers l'horizon ajoutant une lumière incroyable. Nous n'avons rien de prévu. L'atmosphère pousse à ne pas rester au sol. Je lève les yeux et regarde au loin. Je ne vois vraiment pas pourquoi je resterais au sol. Après les pleins, je veux repartir. Je propose à Florent et Alex de m'accompagner. Nous re embarquons. Le Duchess est encore en vol. Je l'appelle sur 123.45. Allons le retrouver pour un vol en patrouille au crépuscule dans ce décor extraordinaire.

Non, ce n'est pas un décor de cinéna, ah si ?
Juste le terrain de Page Municipal (KPGA)

28.9.08

[13/20] "Il est 08H00 locale et il fait 32 degrés" (Mojave - Las Vegas)

Les trois avions sont sagement stationnés les uns à côté des autres sur le parking ensoleillé de Mojave. Nous prenons le temps de nous photographier tous les 6 près des avions. La tour affiche toujours un insolent "Air and Space port" (voir ce récit). Nous, nous sommes fiers aussi d'être déjà arrivés jusque là. C'est mon 6ème jour aux Etats-Unis, il faut parfois faire un "stop" pour nous rendre compte du chemin parcouru. Nous avons déjà parcouru plus de 2200 nm (plus de 4100 km). Ce n'est pas fini et j'ai déjà l'impression d'avoir fait un nombre incroyable de vols exceptionnels. On pourrait s'arrêter là.

Jusqu'alors, chaque soir, c'est à peu près le même cérémonial. Nous prenons possession de nos chambres. Nous y jetons nos affaires, puis nous cherchons un endroit pour diner. Nous discutons alors de la navigation du lendemain et des émotions de la journée écoulée. Puis, épuisés généralement aux alentours de 1h00 du matin, nous nous regroupons dans l'une de nos chambres d'hôtel, déplions les cartes et autres AFD, sortons les log de Nav. des Alcyons et saisissons frénétiquement dans le GPS 496 les points de route. Tout cela se fait encadré par maître Marc-Olivier. Il semble connaitre comme sa poche tous les coins où nous allons. C'est à se demander parfois s'il n'a pas lui-même défini la forme des classes Bravo, MOA et bouts de classe d'espace qui trainent. Il nous est même arrivé un soir, ce devait être vers 02h00 du matin, d'être dans sa chambre tels des petits paddawan préparant notre nav. Il était assoupi, effondré sur son lit. Oui, il ronflait ! Mais par intermittence, au gré de nos remarques à haute voix sur le choix de tels ou tels VOR, route ou altitude, il nous répondait plongé dans un demi-sommeil : "passez plutôt par le VOR Mickey" ou "Prenez 4500 ft parce que sinon vous allez 5 nm plus tard, croiser la MOA bidule qui à l'heure estimée où vous passerez pourrait être active, car le contrôleur en place aura fini son pot d'anniversaire ce jour là". Bluffant. Il fallait être dans la chambre, là. Je suis sûr que vous ne me croyiez pas.

Le Tango-Bravo au roulage à Mojave

Après avoir plus ou moins bien préparé la navigation du lendemain (l'expression "à l'arrache" reviendra souvent), il restait à Florent et moi à trier les photos et vidéos de la journée passée. Faisons de la place sur les cartes mémoires ! Il s'en suivait alors l'opération : "Je branche tout mon bordel électronique" (un portable Pc, un eePC, des chargeurs de batteries, un disque dur externe, des lecteurs de cartes mémoire) puis à lancer les différents transferts et à revivre dans un état comateux (réveillé en moyenne depuis 12 à 14h) au travers de photos et vidéos les moments forts de la journée. On était pas couché. Par contre, pas de difficulté pour trouver le sommeil. Les rêves en plus.

Dans la montée initiale de Mojave
le stockage de liners

Les batteries sont donc chargées et les cartes mémoires vides. Le log de nav. est encore affiné avec les dernières recommandations de Marc-Olivier. Il fait vraiment chaud sur Mojave. Il est temps de faire tourner le gros ventilateur à l'avant.

Tout autour de nous, le désert de Mojave. Notre route doit nous conduire encore plus à l'est vers Las Vegas. Le prochain stop est McCarran, KLAS, aéroport international. 160 nautiques (environ 300 km) à vol d'oiseau puisque les oiseaux eux, peuvent passer au dessus des espaces restricted (R-2515, R-2524, R-2502N). Nous non, sauf lorsqu'on s'appelle Marc-Olivier et qu'on négocie gentiment avec le contrôleur une verticale d'Edwards AFB. Entre Mojave et Las Vegas, on trouve cette fameuse base militaire. Rien que ça.

La trace GPS du départ de Mojave
cap au sud puis au feu à gauche

Je m'assois donc à gauche et sans surprise nous voilà déjà en l'air, en route vers Las Vegas. On voit déjà le soleil décliner nous offrant une superbe lumière rasante. Le reste du vol promet beaucoup. Le Seven-Five-Foxtrot est le dernier à partir. Devant nous, le Duchess est déjà loin et le Cessna Tango-Bravo vient de décoller. Quelques minutes après l'envol, sur 123.45, Marc-Olivier nous prévient qu'il a réussi à négocier pour le Duchess une verticale d'Edwards. On entend l'enthousiasme dans sa voix et presque le bruit de l'appareil numérique de Christophe qui s'échauffe. Ce qui n'était qu'une indication se transforme en une invitation pour le Tango-Bravo qui semble filer tout droit. Cela réveille énergiquement le contrôleur qui rappelle clairement qu'il faut passer par le VOR de DAGGETT (clin d'oeil à mon premier instructeur Xavier du même nom) parce que les zones sont HOT HOT ! Un point c'est tout. Et le ton utilisé est sans ambigüité. Alors que Florent et moi étions sagement sur notre trait, nous entendons le Tango-Bravo reprendre la route vers DAG.

Photo de la base militaire d'Edwards prise du Duchess
avec la piste pour la navette spatiale

Nous contournons donc comme prévu les zones Restricted. Un gros pavé à éviter en plein milieu de la carte. Nous voilà au dessus du désert de Mojave. La luminosité est exceptionnelle et notre regard semble porter jusqu'à l'infini. Nous avons presque l'impression de pouvoir regarder "au-delà" du désert. Étonnement, j'aurais aimé être au sol pour voir ce décors d'en bas. Il faudra revenir. Sans nul doute.









160 nm, ça fait beaucoup de kilomètres de désert à parcourir. Mais nous ne trouvons pas le temps long. Nous en avons forcément plein les yeux et profitons pleinement. La radio nous occupe aussi un peu. 123.45 (the french touch) est là aussi pour nous accompagner et il faut préparer l'arrivée. Loin devant, mais à porté radio, Marc-Olivier nous tiens au courant de l'ATIS de Vegas. C'est Golf qui est "current". L'AFD est repéré aux pages de l'airport diagram de McCarran KLAS. Les cartes sont pliées dans le bon sens. On révise un peu, on se brief. La tension monte lentement.


Ca ressemble pas du tout à St-Cyr !
(Airport diagram de Las Vegas McCarran, KLAS)

Mais avant d'arriver sur McCarran, la nuit tombe et nous nous inquiétons d'un petit pic (Charleston peak) entre nous et Las Vegas. La lampe rouge du copilote et la frontal du pilote sont en place. Nous nous préparons à une arrivée de nuit. A la suite d'une petite discussion entre Florent et moi, nous changeons un peu notre stratégie d'arrivée en décidant de survoler l'autoroute I15 au lieu de tracer tout droit. Cela nous fait passer dans une petite vallée et assure notre arrivée à vue. Et "à vue", il y a des choses à voir. Un halo de lumière se présente au loin. Pas de doute, ça doit être par là !


Alors que nous nous rapprochons de Las Vegas, la fréquence est de plus en plus chargée. Nous passons de plus en plus rapidement d'une fréquence à une autre. D'un "center" à une "approach", puis une autre. Et nous nous retrouvons sur des fréquences où nous côtoyons des biens plus gros que nous et bien plus à l'aise en phraséo anglaise ! On se rend compte, tout doucement que l'on se rapproche du terrain au 609,472 mouvements par an , 6ième terrain des Etats-Unis (en 2007). Comment avons-nous pu partir aussi insouciant, nous avec notre maigre expérience et nos petits Cessna. Mais on sent déjà un moment exceptionnel. Nous avons juste peur de ne pas être à la hauteur. Et si on se faisait jeter ? Et si, le contrôleur, exténué par un "Say Again" de trop, nous envoyait patienter dans un coin. Et si, nous nous trompions complètement dans une clairance ? Une mauvaise compréhension, la descente rapide au lieu d'une montée, un virage dans un sens au lieu de l'autre. Seul le traumatisme de ne pas trouver le terrain, dans notre cas... Las Vegas ne nous effleure pas. Nous n'avons pas vraiment peur de nous perdre, nous avons peur de mal faire et de gacher ainsi notre plaisir. Une telle chance nous est offerte de vivre des moments aéronautique comme nul autre, que nous souhaitons faire de notre mieux.

Pour revivre ce que nous entendons dans nos casques, cliquez sur "Lecture" pour écouter l'enregistrement des fréquences. Nous, on est le Seven-Five-Foxtrot :


Il fait maintenant nuit noire. Tout comme à Portland, le contrôleur nous demande notre destination finale ("Zallez où déjà ? Sur mon gros terrain ? Zetes sûr de pas vouloir le p'tit aérodrome pour les ch'tits navions comme vous ?"). Nous sommes VFR sans plan de vol et on peut imaginer vu le nombre d'avions en l'air et le nombre de terrain dans la région que les contrôleurs souhaitent savoir où va tel ou tel appareil. Surtout s'il va sur le gros terrain international. Zut. En plus, s'il parle anglais comme une vache espagnole autant lui dégager un peu l'espace autour de lui ou prévenir tous les autres.

Et des "autres", il y en a de plus en plus. Le type à l'autre bout du micro s'égosille pas mal. Les infos. trafic pleuvent. Les break break aussi. On se croirait presque un jour d'OD sur IVAO (private joke pour les fan d'IVAO). Nous sommes dans la classe Bravo et les vecteurs et clairances d'altitude se succèdent. Nous sommes en Cessna au milieu d'un espace un peu peuplé de plus gros que nous. De plus, au loin, nous devinons qu'un orage s'amuse. On devine des éclairs. On entend surtout les pilotes sur la fréquence demander des niveaux ou des altitudes et des changements de cap pour éviter tel ou tel grain. Blurps... Mais tout cela parait bien loin. Nous, on trace à 120 kts vers 6000 ft. Et on ne voit toujours pas le terrain.

Scan de mes notes sur ma planchette sur ce vol.
Tous les chiffres sont recopiés lors de l'écoute de message

Dans le casque, cela commence à être aussi la panique. Pas à cause des messages, mais à cause du sqwelch qui semble se dérégler tout seul. Il n'y a pas un instant de silence. Un soufle énorme se fait entendre, constamment dans les oreilles. Nous avons du mal à tout gérer pendant quelques minutes. L'attention à la radio, la veille à regarder dehors, la tenue de la machine, le reste de la navigation... et ce BOUCAN DANS LES OREILLES ! Il suffit d'un petit paramètre anodin pour surchager énormément un pilotaillon.

Par erreur au milieu de la panique (tout est relatif), j'interprète un cap au 320 par une clairance de 360. Je collationne même le 3-6-0 en demandant si je devais l'effectuer par la droite ou la gauche. Après coup, impossible de savoir pourquoi j'ai mal compris un "turn heading three-two-zero" par un "make a three-sixty". Ils (les contrôleurs US) ne peuvent pas utiliser une phraséo un peu plus carré ! Genre Turn RIGHT heading 3-2-0" ;-)))) Toujours est-il que j'ai dû faire un coup de stress à un contrôleur ("Mais où va-t-il celui là !") et me remettre illico presto sur la bonne route. 1er coup de chaud.

La trace GPS de l'arrivée sur Las Vegas

Nous étions parti sans trop imaginer que nous allions nous intégrer et nous poser sur un tel terrain. Las Vegas n'est pas Pontoise, Rouen ou même Toulouse (je cherche des gros terrains que j'aurais pratiqués). Et la nuit, ce genre de terrain devrait se voir. Mais là, on est à Las Vegas avec des lumières partout. Et je me souviens les conseils de Christophe M, mon instructeur de nuit : un terrain la nuit, si tu en es loin et que tu n'est pas en face d'une piste, il y a des chances que ce soit la zone noire, non éclairée au milieu de toutes les autres lumières. Ne pas chercher un balisage, un flash, un parking ou un taxiway. Et même à Las Vegas, ce conseil devrait marcher ! Le terrain de McCarran doit être dans un paquet noir. Mais où ? 2ème coup de chaud.


Nous continuons à être vectoré. Je m'inquiète un peu. Le GPS indique que le terrain devrait être là... juste là. Et on ne voit que des lumières dans tous les sens. Je devine le Strip de Las Vegas avec sa lignée d'hôtel tous plus illuminés les uns que les autres. Je ne profite pas énormément du fait que nous sommes en VFR, arrivant sur Las Vegas, et faisant une superbe vent arrière, tranquillement au dessus du Strip !!!


Florent enthousiasmé, tient d'une main le camescope et de l'autre la lampe de poche rouge pour lire sur ses genoux l'AFD et le Garmin. Nous comprenons que nous sommes en vent arrière. Mais il y a trop de lumière et on ne voit toujours pas le terrain. Nous nous retrouvons avec le contrôleur de l'approche des pistes 19. L'information vient de passer à Alpha, ils viennent de changer de QFU. J'apprendrais plus tard que le Duchess s'est posé en 25 et a eut droit à une clairance à rallonge pour taxier et longer tout le terminal international jusqu'à l'autre bout du terrain vers Atlantic FBO.

Florent tripatouille encore une fois le réglage du volume et du sqwelch et finalement, nous arrivons à retrouver le silence d'entre les messages. Enfin. C'est un réel soulagement. "Ça" en moins dans les oreilles et autant de plaisir en plus. En même temps, nous repérons définitivement le terrain. Tout concorde : le Stip, le pavé de lumière, notre position. Le terrain de Las Vegas est là.


Revivez en temps réel l'arrivée avec cette vidéo incluant les communications radio
... et l'interco ;-)


La fréquence est aussi devenue plus calme. Il y a moins de monde à destination des pistes 19. Notre contrôleur semble très (très) attentionné. En re-écoutant les bandes et la vidéo ci-dessus, je vois qu'il s'applique dans sa prononciation et m'indique où se trouve le terrain, répète les fréquences... Il est donc très coopératif. Je prend enfin un peu le temps de profiter du paysage, du Strip, des lumières et de l'ambiance. Nous allons nous poser à Las Vegas de nuit...

Fin de vent arrière main droite pour les pistes 19
... au dessus du Strip de Vegas !


A la fin de notre vent arrière vectoré pour la 19, l'approche nous indique où se trouve le terrain ... à notre droite pour 4 nm. Le message est clair et donne des frissons :

- "Seven-Five-Foxtrot, at your right inside about 4 miles is Las Vegas Airport"

Je lui répond simplement :

- "We have the airfield in sight, seven-five-foxtrot"

- "Seven-Five-Foxtrot, roger... Thank you... Enter straight in for runway one-niner right"
et il repète immédiatement : "Enter straight in for runway one-niner right"

Comme à St-Cyr, je collationne :

- "We are cleared for straight in approach runway one-niner right, seven-five-foxtrot" non sans avoir complété d'un "thank you" toujours agréable. Il n'y a pas de raison qu'il en ait le privilège !

- "Seven-Five-Foxtrot, thank you... Contact Las Vegas tower one-one-eight point seven-five... Good day"

- "One-One-Eight point Seven Five... Good day"

Là encore, après un "thank you", je peux caser un "good day" en avalant bien toutes les syllabes pour faire plus vrai ;-)

Je continu mon virage vers la droite pour rejoindre le terrain et je vérifie au conservateur que l'on s'oriente bien vers une 19. Tout va bien. Plus de surprise. Nous sommes arrivés.

Sans raison particulière, après avoir affiché 118.75 sur le COM1, je lance un superbe :

- "Los Angeles Tower... Seven-Five-Foxtrot with you"

Los Angeles ???? Ah bon ? Tu te crois où ? Las Vegas te suffit pas ?

Très longue finale piste 19R
Las Vegas, McCarran, Las Vegas

Le contrôleur ne s'en offusque pas et me rétorque à l'américaine :

- "November-Seven-Five-Foxtrot, Las Vegas tower, runway one-niner-right, cleared to land, wind one-three-zero at four"

Et voilà, c'est aussi simple. Un peu de phraséo, un peu de chance, un peu d'expérience, un peu de culot, beaucoup d'encadrement et vous avez deux pilotaillons dans un Cessna qui viennent de recevoir une clairance d'atterrissage sur la piste 19 droite de Las Vegas McCarran, dans la nuit. Rien que ça.

Deuxième cran de volet... la vitesse se réduit... je remet un peu de gaz. Le Cessna glisse tout seul sous son plan. Je cours après les trois rouges du PAPI que je n'arrive pas à faire disparaitre. Tant pis. Il fait trop clair. Ne nous énervons pas pour rien. Profitons de l'instant et visons cette piste. Le calme est donc revenu alors que nous approchons du sol, plus de panique dans le casque et l'avion est prêt. Serein, je me remémore mon erreur du 3-6-0 à l'arrivée.

En courte, le contrôleur nous repasse les vents. Calme. Tranquille.

Il fait de nouveau chaud.

Florent nous souhaite la bienvenue à Vegas... dans le désert.

"Il est 08H00 locale et il fait 32 degrés" annonce-t-il.



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