Il y a des vols qui reste en mémoire plus que d'autres. Je me rappelle, en 2001, d'un vol en DR400 2+2, 120 chevaux entre St-Cyr et Dreux. Rien, rien du tout d'exceptionnel. Un saut de puce que tous les pilotes de St-Cyr connaissent par cœur. Pour beaucoup, la première "nav solo".
Pour moi c'était mon premier vol avec Joël à bord d'un avion des Alcyons. IVAO et quelques mois plus tard, je m'inscrivais pour apprendre à piloter et passer mon PPL. La suite vous la connaissez. Elle remplie ce blog.
En 2001, c'était un vol VFR. Ce 13 juillet 2008, je m'assied de nouveau en place droite. Joël est encore à gauche. Nous ne sommes plus dans un Robin DR400 de 120 chevaux, mais dans un Piper Saratoga II TC (Turbo Charged) 300 chevaux, 6 places, trains rentrants, turbo et surtout... IFR. J'embarque pour une nouvelle expérience.
- "Novembre 67 Sierra, vous êtes prêt à copier ?"
- "Prêt à copier, 67 Sierra"
- "Départ EVX 1N, transpondeur 3320, altitude initiale 3000 ft QNH 1012, prochaine fréquence 127.75"
Décollage en 25 droite, les nuages sont déjà visibles droit devant. 3000 ft, puis le niveau 050 et nous voilà balloté de nuages en nuages. Comme demandé, le 060 est autorisé et nous continuons à monter à notre niveau de croisière.J'entends des AF et autres liners sur la fréquence de Paris Control. Tiens, l'AF488. Le même qui va à St-Martin ?
Notre plan de vol comporte EVX EVRUK ELBOX puis Rouen. Mais le guidage radar intervient rapidement alors que nous virons vers Evreux pour une directe vers le VOR de Rouen.
Joël enquille alors une attente sur ROU pour une VOR ILS 22 alors que nous sommes descendu à 2500 ft. Nous rentront en Teardrop sur l'attente. En rapprochement, Joël demande un tour complet, histoire de "profiter". Je suis aux anges depuis plus de 45 minutes. J'ai déjà fait des vols IFR, mais pas en ayant autant participé à la préparation de la nav et au vol en lui-même. Je ne cours pas "derrière l'avion". Mais c'est facile lorsqu'on a aucune responsabilité.
Le vol est fantastique. Je n'ai pas envie que cela s'arrête. Autorisé ILS 22, nous nous posons sans encombre, puis roulage pour le parking rempli d'avion venu pour l'Armada de Rouen. Je reviens après demain... en VFR.
Nous déjeunons sur le pouce en regrettant que le restaurant de l'aéroport de Rouen soit fermé justement le jour où nous y sommes. Grrr. On se contentera d'un (mauvais) croque-monsieur. Les cartes sont étalées sur la table de la cafétéria. Nous debriefons du vol "aller", je pose plein de questions, je découvre l'IFR... et nous préparons le retour.
Nous convenons de faire une ou deux approches ILS sur la 22 de Rouen avant de repartir pour Toussus. Au premier contact, nous apprenons que nous avons un créneau pour notre clairance. Comme les grands ! 13H10Z ce qui nous autorise d'après le contrôleur la plage de 13H05 et 13H20 pour activer notre plan de vol. Après... c'est l'inconnue. Ce créneau nous laisse le temps de faire nos approches. Au point d'arrêt, nous avons notre clairance pour nous reporter sur le VOR de Rouen. Joël effectue son approche ILS avec une entrée parallèle dans l'attente et à 8nm de RN, le contrôleur annonce : "Novembre 67 Sierra, vous êtes prêt à copier ?" Nous sommes en finale, Joël prépare l'avion et je réponds "Prêt à copier, 67 Sierra"
- "Novembre 67 Sierra, autorisé départ omnidirectionnel piste 22 L'Aigle, transpondeur 3260, niveau 060, prochaine fréquence 124.85 Paris"
C'est dans ces moments là qu'on est content d'avoir une feuille et un stylo prêt à noter.
- "Alors... un départ omnidirectionnel piste 22... LGL, le transpondeur 3-2-6-0, le niveau 060 et la prochaine fréquence 124.85 pour le Novembre 67 Sierra"
- "Novembre 67 Sierra, relecture correcte, vent du 310 pour 7 noeuds, autorisé option piste 22, rappelez passant 1500 ft"
Remise des gaz dans l'axe et nous enchainons sur notre omnidirectionnel 22. Passant 1500 ft, nous sommes clairés pour le FL050 et c'est avec Paris que nous prenons contact :
- "Paris, Novembre 67 Sierra, en monté vers le 050"
- "Novembre 67 Sierra, bonjour, j'ai vos paramètres, procédez L'Aigle puis BOBSA pour BOBSA4T"
Nous voilà clairé pour l'arrivée. Cela fait tout de même une trotte et nous fait passer très au sud et très à l'est de Paris. BENAR, CHATEAUDUN, puis ODRAN. Hum.
Ca continue à pas mal dialoguer sur Paris Contrôle. Mais dans un moment de calme relatif, je tente...
- "Paris pour le Novembre 67 Sierra ?"
- "Novembre 67 Sierra, j'écoute"
- "On a passé BOBSA vers BENAR, on pourrais avoir plus directe pour la suite si c'est possible ?"
- "Et bien, je vois avec Orly et je vous rappelle"
Bhaaaaaa voyons, le petit pilotaillon s'y croit et demande des directs maintenant... Où va-t-on ? (J'ai bien une réponse : chez OrbiFly). Quelques secondes plus tard, Paris Contrôle nous rappelle :
- "Novembre 67 Sierra, ODRAN, puis Toussus"
- "Direct ODRAN, puis Toussus... niveau 060 pour le 67 Sierra"
On s'y croirait ;-)
A peine arrivé à ODRAN, alors que nous étions déjà content de notre direct : "Novembre 67 Sierra, Toussus puis 072". Ce qui voulait certainement dire "Procédez direct le terrain de Toussus en maintenant le 060, puis un cap à droite au 072". Nous avons donc droit à ce que nous espérions secrètement. Une verticale Toussus, puis un guidage radar au raz de la P23 (zone interdite de survol de Paris), adjacent au périphérique parisien et laissant le centre de Paris sur notre gauche, là juste sous l'aile. Nous ne pouvions avoir mieux. Je continu à avoir des frissons. Je veux faire de l'IFR !
Notre direct Toussus nous fait passer au niveau 060 entre les étangs de Hollande et Versailles et mon terrain de St-Cyr. Droit devant c'est Toussus, puis à droite au 072 pour la verticale de Villacoublay une première fois, alors que nous quittons Paris Contrôle en les remerciant et que nous contactons l'approche d'Orly sur 123.875 (oui, l'approche d'Orly ! Comme les gros navions !) qui nous fera un guidage radar pour le Localizer 25R de Toussus. Que de frissons !
Nous tangeantons Paris et sa P23. Le parc des Princes, le périphérique sud, le stade Charléty. La tour Montparnasse est bien visible, tout comme la Tour Eiffel et le Champs de Mars. Arrivée à la hauteur du Palais Omnisport de Bercy : "Novembre 67 Sierra, à droite cap 300 pour intercepter le localizer 25". Un grand virage à droite pour reprendre le cap 300, nous fait passer dans les axes d'Orly qui se dévoile, là, juste devant nous. La fréquence reste encombrée de ces avions de lignes qui viennent de très loin avec ces indicatifs de grandes compagnies. Ca frisonne dans le cockpit du PA32.
Descente vers 3000 ft, Villacoublay s'approche. Orly nous demande de les rappeler pour la reprise de descente. J'attends de passer 7.7 nm TNO avant de rappeler. Villacoublay est juste devant. Nous quittons Orly, pour passer subrepticement avec Villacoublay 120.8. Juste le temps de dire bonjour et au revoir et nous voilà descendant en longue finale pour la 25R de Toussus.
Il y a du monde sur 119.3 C'est amusant d'arriver de l'est en IFR car on a pas la visibilité sur toute la charge VFR de Toussus. Normalement, on arrive tranquillement en VFR de l'ouest et on a le temps de voir le monde sur RBT, Sierra et d'entendre le tour de piste. Là, on déboule en finale à moins de 4 nm sans avoir contacté une seconde la tour de Toussus. Ca fait un choc d'entendre la fréquence encombrée et je frissonne encore de passer mon message...
"Novembre 67 Sierra, 4 nautiques T-N-O"
Ce même message que j'ai entendu des dizaines de fois. Ce message passé par ces avions qui arrivent en IFR alors que je suis dans le tour de piste ou bien que je cherche le point Sierra. Ce message d'avions que j'imagine avoir traversé des espaces inaccessibles à "mon aviation".
Merci Joël pour le cadeau. J'ai été pendant quelques heures de l'autre côté.
4 commentaires:
très prenant, et on sent l'envie de taquiner les aiguilles ;-)
Merci, Vincent
Yann
Eh ben se vol sa change du bon vieux DR400 !!
Tu n'as plus qu'à te lancer dans la théorie, alors? ;-)
Patrick
Très beau récit :) on se sent avec toi dans l'avion en IFR
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