La Liste PilotList m'a encore fait le coup. C'est toujours pareil. On jette une bouteille à la mer au hasard en envoyant un mail à on-ne-sait combien de personne. Et puis, dans La Liste, il y en a forcément un qui répond. Quelqu'un vous propose un coup de main, un contact, un numéro de téléphone... ou un tour en avion.
A chaque fois, c'est la même chose. Il y a deux ans, grâce à La Liste j'avais pu rentrer en contact avec Frank, à Saint-Martin afin de m'offrir des tours de pistes sur le mythique terrain de St Barth. J'en ai encore plein la tête. Cette année, on recommence. Mais cette fois-ci dans l'océan indien.
Pour faire « aéro » : Au premier plan, une roue de C152.
Oh pardon, c’est plutôt la côte ouest de l’île de la réunion (peut-être St Leu ?)
Direction vers le sud ouest de l’île vers St Pierre – Pierrefonds (FMEP). Une petite heure de route depuis St Denis, la ville principale du nord de l’île.
L'AFIS annonce la 15 en service, Quebec-Novembre-Hôtel 10-20. La manche à air est - strictement - horizontale. Fixe. Tendue. Nous sommes deux à bord du Cessna 152. Bernard est PF ;-)
Au point d'arrêt, j'entend l’AFIS annoncer : "Vent du 150, 22 noeuds rafale 33 noeuds". Blurps. Ouf, il est dans l'axe. Il est fort, mais dans l'axe. Pas l'ombre d'une inquiétude dans la voix et le visage de Bernard. Le roulage reste tout de même un peu sportif. Je n’ose imaginer mon Romeo-Tango (DR-221, train classique) dans ces conditions. Nous remontons un peu la 15, puis nous nous alignons. Plein gaz. Puissance disponible. Badin actif. Avec autant de vent pratiquement de face, nous décollons comme un hélicoptère, c'est incroyable... Bernard n'arrive même pas à tenir la vitesse de montée normale. Ca grimpe presque trop vite !
A bord du C152 de l’Aéroclub du Sud,
juste après le décollage de la 15 de Pierrefonds.
Et pourtant tout avait commencé de travers. Depuis Paris, j'avais réservé un TB-9 avec un instructeur au départ de Gillot, à St Denis. La veille au soir : Message téléphonique d'annulation. L’instructeur n’est plus disponible. Il a dû certainement être affecté sur le planning d’Air Austral quelque peu chamboulé par les derniers soucis avec les B777. Ce sont des choses qui arrivent. Mais lorsque pour un voyage professionnel, vous ne vous êtes accordé qu’une seule journée de vacances et que vous repartez le lendemain soir, c'est short. Très juste. Comment se retourner en seulement une soirée ? Activation du « Plan B »
Mais c'était sans compter La Liste. Avec les quelques messages reçus et imprimés suite à ma « bouteille à la mer », il m’a suffit de passer un coup de téléphone :
- "Allo, bonsoir, je m'appelle Vincent et je cherche à parler à Bernard"
- "Oui... je vous le passe..."
...
- "Allo, bonsoir, Bernard ? Je suis Vincent… euh… de… euh… la PilotList"
- "Oui, Vincent ! Comment ça va ?"
- "euh... Bien, merci !". Je suis un peu étonné du chaleureux accueil.
- "On a échangé quelques mails sur La Liste, c'est bien ça, hein ?"
- "Oui, c'est ça !"
Et hop, le contact est établi. Hop, il me reste à expliquer ma situation. Et hop, vérifier qu'un avion est disponible pour le lendemain. Le pilote, lui, l'est.
Nous poursuivons notre montée. Inévitablement, pour moi qui suis habitué à voler à Saint-Cyr, j’en prends plein les yeux. Et puis, je me dis intérieurement qu’ils volent bizarrement ici. On monte, on monte… 1000 ft/min. Pas de TMA ? Pas de carte sur les genoux pour voir les espaces aériens ? Pas de zones tordues ? Pas de ZIT ou de ZRT ;-)) Et le transpondeur… Il est OU le transpondeur !
La côte nord ouest de l’île de la Réunion. Nous commençons notre spirale pour passer au dessus des nuages.
Et puis nous continuons à monter. Moi qui ai plutôt l’habitude de tourner autour de Paris avec mes 1500 ft au QNH, dans le petit couloir VFR… Ici je verrais l’altimètre indiquer jusqu’à 10 000 feet ! Quel changement. Bernard m’explique que les nuages se sont formés sur le flan ouest de l’île et que nous allons passer au dessus pour rejoindre le volcan… Il a compris en écoutant 123.5 que la côte Est était dégagée. Chouette du VFR On Top ! Je n’en ai jamais fait. C’est vrai qu’ici, c’est un peu plus facile, les nuages sont concentrés sur l’île. Il suffit de faire demi tour vers la mer qui reste toujours dégagée… et hop plus de coton !
Nous piquons vers le centre de l’île,
À l’attaque de la petite couche !
« Pic de neiges nous voilà ! »
A mon tour de diffuser des images de cotons.
Aaaah, le flirte avec les nuages…
La (superbe) promenade continue. Nous passons au dessus des cirques, nous longeons les ravines, nous survolons les « trous ». Le relief est saisissant à cette altitude. On découvre l’extrême irrégularité du terrain et la jeunesse de l’île. Les crevasses succèdent aux apiques. Le paysage est époustouflant et varié. Je ne sais comment traduire, à bord du petit Cessna, mon étonnement. « J’en prend plein les yeux ». Je reste silencieux, mais prend de ci de là quelques photos et vidéos pour « garder une trace ». Puis, nous passons sur la fréquence d’auto information du volcan (la fréquence de quoi ? ;-)
En bordure du cratère volcan.
Les visiteurs arrivent jusque là en voiture, puis continuent à pieds.
Bernard, tout en pilotant continue à me décrire toutes les merveilles de son île : Les chemins de randonnés, les gîtes, l’histoire de tel ou tel petit cratère, la raison pour laquelle telle passe existe pas, l’histoire de la dernière coulée de lave, son arrivée dans la mer, la coupure de la route, la signification des différentes couleurs des laves…
"A small wheel for humanity (and cessna), a giant leep pour moi"
(Décor lunaire pour un cessna)
A la verticale de la dernière coulée en date.
Notre petite ballade prend fin. Il est temps de rentrer sur Pierrefonds.
Je me prends pour un photographe de l’IGN.
Toutes les meilleures choses ont une fin. Il faut descendre et redescendre de mon nuage. Petit rappel pour ceux qui n’auraient pas suivi : Le terrain est au niveau de la mer ! Un « petit 1900 tours » pour ne pas rentrer dans l’arc jaune, et nous entamons notre descente vers la côte pour rejoindre le vent arrière 15 main gauche. L’air se réchauffe. Avec 30 nœuds de vent dans le dos, nous avalons le vent arrière. La base, puis la finale. Le PAPI est sans pitié pour le plan de Bernard, mais il le rétabli aussitôt. Avec des rafales à 35 nœuds, même dans l’axe je suis bien content que ce soit lui qui pilote et pas moi. Inévitablement, je me projette et m’imagine au dessus du canal du château de Versailles avec 30 nœuds de face en finale pour la 30, avec mon Robin.
On distingue la position habituelle de la manche à air.
Je vous laisse calculer la force du vent.
Il est 1h30 du matin. Je ne dors pas. Je viens de rejoindre mon fauteuil 24B dans ce Boeing 777 d'Air Austral. Je reviens du « Plus beau bureau du monde ».
Au niveau de vol 350, dans ce Boeing 777 qui me ramène vers Paris, je repense à cette matinée.