Destination : Toulouse et la visite des usines Airbus. Quelques mois plus tard et après être remonté tout seul sur la liste d'attente, me voici un matin avec, 13 autres pilotes passionnés, embarqués dans une aventure de trois jours... et quatre avions.
Lundi matin. Sur la route qui me mène au terrain, il pleut des cordes. Les essuis-glace à fond, je ne vois rien. Je me suis levé tôt... sous la pluie. On me dira plus tard : "Il ne pleut pas, ce sont les arbres qui s'égoutent". Le rendez-vous initial est prévue pour 08h00. Un coup d'oeil aux METARs m'indique que je pourrais me permettre d'arriver en retard. Plafond bas. Pluie. Peu de visibilité. Nous ne partirons pas à l'heure, c'est sûr. Les TAFs sont optimistes. Tout n'est pas perdu.
Jusqu'à tard dans la nuit, j'ai préparé les branches qui m'ont été données. Limoges - Bagnières-de-luchon, puis le retour Poitiers - Saint-Cyr. Patrick et moi avons échangé les derniers trucs et astuces au téléphone alors que nous devrions être au lit. Il est loin le temps des tours de pistes... J'ai eut une semaine chargée et pas le temps de préparer ces petits bouts de nav. J'ai préparé mes bagages en vitesse. Cinq kilo de bagages. Pas un kilo de plus. Nous ne sommes pas sur Air France et si l'on veut décoller sans aller dans le champs directement.
Notre départ est comme convenu retardé. Nous avons le temps de descendre les quatre avions (deux DR48, un DR46 et le PA28 Juliet-India) à la pompe. Un déjeuner rapide aux Ailes Volantes et je me retrouve assis à l'arrière du DR400, je ne sais pas encore ce qui m'attends. Je suis passager sur la première branche. Nous nous dirigeons vers Limoges, notre première étape pour un changement de pilote. Chaque avion part à son rythme. Ce n'est pas une course. Jean-Michel est au commande. J'ai déjà volé avec lui. Ou plutôt, il a déjà volé avec moi. C'était un vol d'instruction vers Saint-Valéry-En-Caux. De très bons souvenirs. Le vol est sans histoire. Ce n'est que le début.
Nous sommes partis avec le soleil, mais en route le temps s'est couvert. Du gris. Du gris. A Limoges et au changement de pilote, je me retrouve dans le PA-28. La météo ne nous permet pas d'aller sur notre destination prévue (Bagnères-de-luchon). J'embarque donc dans le Piper pour une navigation improvisée vers... On ne le sait pas encore.
"T'as la VAC ?" ou une approche ILS plus tard
Je chemine comme je peux. Vers Toulouse le temps est bien bâché. Plusieurs discussions sur 123.45 avec les autres avions et des prises de METARs en route font que tout le monde se décide finalement pour Pau. Ca tombe bien : je ne connais pas (du tout) et il y a un ILS.
- "Allez, tu fais route sur PU et tu ne regardes plus dehors... j'assure la sécurité" ordonne Xavier
- "ah bon".
S'il le dit...
Je vérifie que 110.1 est affiché sur le NAV1. Je regarde mon cap, mon altitude et jette un oeil sur le VOR1. Dans quelques minutes le GS et le LOC bougeront, et je ferais une similie approche ILS. Pour l'instant, il faut se concentrer sur la trajectoire. Directe sur le NDB PU. Puis en passant la balise j'amorce - toujours avec le contrôle de Xavier - un virage à droite pour retrouver le LOC.
- "LOC actif !"
On s'y croirait. Je continu. Même altitude, puis le glide arrive. Et je tente comme je peux de garder tout ce petit monde au centre. Les aiguilles sont baladeuses et cela ressemble un peu à Flight Simulator. Je ne sais plus à quelle altitude, Xavier m'a autorisé à regarder dehors. De toutes les façons, on ne voit pas grand chose dans ce PA-28. Je suis sur l'axe et semble-t-il sur le plan. Il me reste à poser l'avion. La vitesse, le plan, l'axe... la vitesse, le plan, l'axe. Un appontage plus tard, nous voilà au sol. J'ai râté l'arrondi. Je me suis trouvé plus bas que je ne l'étais réellement. Une histoire de différence d'avion, certainement (hein, c'est pas le pilote ?).
Une fois le moteur coupé, je suis un peu partagé. Quel bonheur de faire cette approche sur l'ILS ! Mais par contre, je n'ai strictement rien vu du terrain. Du coup, j'avais les yeux dans la cabine. C'est différent, c'est tout. Quel bonheur !
"Que la montagne est belle..."
Après une nuit trop courte et des images pleins la tête, il est temps de reprendre la route. Tous les pilotes filent vers l'aéroport. Il faut préparer les machines. Faire les prévols et décider du programme de la matinée. Comme les navigations sont complètement chamboulés, il faut avoir toutes les cartes sous la main. Il s'agit pratiquement de déroutement continuel. C'est un exercice surprenant pour Patrick et moi qui sommes plutôt habitué à préparer (et préparer... et préparer) nos vols. Ici, on décide à la dernière minute et il faut enchaîner rapidement toutes les actions pour ne pas être débordé plus tard dans l'avion. Une phrase magique reviendra sans cesse durant ces trois jours : "T'as les VAC ?".
Les pompiers ont du tester leurs jouets.
Le parking est couvert de neige carbonique
Mon envie de continuer à voler sur le PA-28 en prévision des vols de Saint-Martin me pousse à chambouler quelque peu le planning des vols et des pilotes. Olivier, chef pilote des Alcyons, brief tout le monde. Nous ne partirons pas directement de Pau vers Toulouse. L'objectif est de se retrouver à Saint-Gaudens afin de pique-niquer rapidement des victuailles achetées le matin même par certains d'entres-nous (en clair, les lèves-tôt). Certains iront vers Bagnères-de-Luchon (comme prévu initialement) en remontant la vallée et en faisant une verticale, d'autres iront jouer avec la montagne. Je suis dans le deuxième groupe. Je suis en place gauche dans le PA-28. Je suis heureux.
Droit devant le massif des pyrénées !
La montagne grimpe rapidement.
Soit on vire, soit on passe au dessus ;-)
Nous nous attendions à un superbe spectacle. Déjà, Xavier, lors de la montée vers 10000 ft, alors qu'il regardait alentour, nous prévenait "Ca va être superbe". Le ciel bleu, la montagne, la couche de nuages en dessous dans la vallée et l'absence de vent. Nous avions les ingrédients. Il restait simplement à en profiter. Ouvrir grands les mirettes. En prendre plein les yeux.
On est près, là ?
Et là ?
Des nuages arrivent.
Le vol montagne se complète d'On-Top.
La redescente à la recherche d'un trou entre les nuages.
Toutes les bonnes choses ont une fin. Il est temps de redescendre. Redescendre de 10.000 ft et du nuage sur lequel nous étions. Cette promenade dans les Pyrénées à fleurter avec les sommets laissera des traces. On ne revient pas d'un vol comme celui-là sans vouloir y retourner. J'aurais expérimenté durant le même vol un On-Top fantastique et un slalom passionnant.
Ca a dû plaire aussi à l'instructeur !
Oh Toulouse...
Toutes ces images nous ont donné faim. Nous voilà à Saint-Gaudens pour le déjeuner. Le pique-nique est improvisé sur le terrain... champêtre. Mais le temps presse. La visite des usines Airbus nous attends (surtout la navette). Nous changeons de pilote dans les machines. Ce sera Patrick qui nous amènera sur LFBO et ira "tâter du gros". Je laisse les images ci-après parlées d'elles-mêmes (comme toutes les images de ce récit, elles sont "cliquables" pour être visible en haute résolution).
Certainement à la recherche de Whisky-Alpha
Le vent arrière nous amène verticale des usines Airbus
Toujours au dessus des usines et du Concorde !
Quelle belle branche vent arrière !
Dernier virage... On devine des avions au point d'arrêt
En finale pour la 32L.
Un airbus d'Air France patiente... hum... hum
On va le retrouver...
Tous les passagers du PA-28 ont les yeux grands ouverts et savourent le spectacle. Ce n'est pas tous les jours qu'on se pose en circuit rapide, juste derrière un Dash 8 sur la 32 gauche de Toulouse... en PA-28. Forcément on souhaite en profiter au maximum... avec autant de piste et autant de taxiways. Alors on contrôle lentement la vitesse une fois posé et on râte le taxiway. Forcément, lorsque l'on râte le taxiway on doit fait demi-tour. Ici, les taxiways de sortie sont disposés tous les 30 kilomètres (j'exagère ?). Et lorsqu'on fait demi-tour sur la 32L (avec une clairance quand même, hein...) et qu'on a laissé un Airbus au point d'arrêt, on a toutes les chances de le retrouver... aligné face à nous. Ca fait bizarre. Tout bizarre, surtout lorsqu'on est en PA-28.
Tout au bout il y a un Airbus
tout phare allumé...
Et là, on comprend tout le sens du terme "expédier" dans les clairances. On se sent tout petit-petit. Parce que des turbulences de sillages il pourrait y en avoir... sous forme de copeaux de PA-28. Et quelque part, on doit se pincer pour se dire "Mais di diou... je l'ai fait...".
Mis à part des photos aériennes des usines nous ne garderons aucune photo. La sécurité exigeant "aucun appareil photo, ni téléphone, ni...." ne doit être à portée de main. C'est pas grâve, nous en avons plein la tête jusqu'au soir. Encore une brève nuit passée à Toulouse et il faut déjà repartir. Après avoir expérimenté les transports en communs et une marche matinale, nous filons à la météo, alors que d'autres fonds les pleins des avions qui ont soifs, pendant qu'un dernier groupe se dévoue pour aller chercher des sandwichs au terminal (quelle organisation ces voyages clubs !).
Le retour s'avère moins rectiligne que prévu. Il faudra jongler avec les nuages bas et la pluie. Agen est bâché. A l'est, ce n'est pas bon. Après moulte concertation, toute la petit flotte se décide à repartir vers Poitiers ! Encore une NAV à improviser. La route prévue intialement devait nous mener à Vichy. On efface tout et on recommence. C'est Madame Météo qui décide et il vaut mieux ne pas la contrarier. Patrick reprend les commandes du PA-28 et retaquine un peu Air France non sans avoir expérimenté l'explication de texte sur les consignes particulières de la VAC autour d'un plan de vol réduit qu'il ne faut pas déposer à la radio ni avec la prévol, ni avec le sol... mais au bureau de piste. Bon. On le saura pour la prochaine fois et merci à Madame la contrôleuse pour son indulgence envers ce groupe de Parigo.
"Juliet-India vous laissez passer l'Airbus"
"Oui, madame"
Il ne regarde même pas... Trop concentré sur la carte
Au moins à l'arrière on en prend plein les yeux !
Sur Novembre-Unité (au point d'arrêt 32L) vers 16h00, ça se bouscule. En tout cas, plus qu'à Saint-Cyr. En tout cas dans une catégorie différente. Après nos essais moteurs ("oui, madame en Tango-12, il y a bien une aire, mais on ne l'a pas vu... tout de suite et puis de toute façon, c'est immense ici !!!"), nous voilà en file indienne. Un Airbus, un CRJ, un PA-28, un Citation... Cherchez l'intrus !
Derrière le Citation, on retrouvera quelques secondes après la photo précédente ait été prise les deux DR-400 du groupe. Alors hein ?! Qui cerne qui, alors ?
"Un moment de détente dans ce monde de brut"
En arrivant à Poitiers
Le Futuroscope... de Poitiers !
Patrick en dernier virage pour la 21 de Poitiers
Il va accrocher l'ILS
Et puis le retour...
- "Poitiers Tower, Fox-Juliet-India, good afternoon"
Un grand blanc, puis...
- "Juliet-India, Poitiers Tower"
Allez, il faut se lancer. Maintenant c'est trop tard. Plus moyen de faire machine arrière. Je prend ma respiration et d'un grand élan :
- "Poitiers, Fox-Golf-Hotel-Juliet-India, a PA28 with information Delta for a VFR flight to Saint-Cyr... at gas apron"
- "Juliet-India, taxi Alpha 12"
- "Will taxi Alpha 12, Juliet-India"
Voilà. Ca c'est fait. Mon premier contact en anglais dans le monde réel. Cette fois-ci, nous ne sommes pas sur IVAO. Cette fois-ci, il ne s'agit pas d'entraînement à la phraséo avec Flight Simulator, à Bora Bora et avec des joueurs/pilotes/contrôleur à l'autre bout. Il s'agit d'un vrai contrôleur, sur un vrai terrain, le tout dans un vrai avion avec un vrai casque et un vrai micro. Et cela change tout. On ne joue plus. Même si, le retour arrière est somme tout assez simple puisque le contrôleur parle mieux français qu'anglais. On a toujours cette roue de secours. Dans peu de temps et à Saint-Martin, je n'aurais pas cette bouée avec le contrôleur de Juliana et ce sera une tout autre épreuve. On verra si je vais avoir assez de courage. Mais pour l'instant, nous sommes à Poitiers et, après les essais moteurs réalisés, il faut décoller.
- "Ready at Alpha 12, Juliet-India"
- "Juliet-India, line-up runway two-one, report ready for take-off"
- "Could we backtrack runway two-one, a little bit.. for Juliet-India ?"
- "Yes... backtrack runway two-one"
- "Backtracking runway two-one... Juliet-India"
Qu'est-ce-qui m'a pris de vouloir faire la phraséo en anglais ? J'avais demandé à Xavier, mon instructeur, si cela pouvait se faire. Si cela ne poserait pas de problème. J'avais envie de mettre en application tout ce qui avait été testé sur IVAO. Serais-ce aussi facile ? Est-ce-qu'il n'y allait pas y avoir un bloquage ? Est-ce-que je vais comprendre ce qu'il va me dire ? Et si... et si...
C'est la dernière branche de ce voyage. La navigation n'est pas difficile. Pas de piège, pas de zone compliquée particulière à traverser. Rien de spécial. Il fallait donc trouver un petit défi pour pimenter cette navigation et ne pas finir ces 3 jours sur un goût de déjà vu. Ce voyage se devait d'être la somme de nouvelles expériences. Il faut tenter quelque chose, pour - je l'espère - progresser encore. Chercher une difficulté pour se remettre en question. Se tester.
- "Line-up and ready to take-off, Juliet-India"
- "Juliet-India, cleared to take-off runway two-one, last wind 2-8-0 degrees for 12 knots"
- "Taking-off runway two-one, Fox-Juliet-India"
Plus tard, je continuerais à me faire des frayeurs avec la phraséo anglaise. Je passerais un "Say again" dans le doute pour une histoire de zone active et de cap au nord. Entre deux châteaux de la Loire, je demanderais à transiter verticale Châteaudun :
- "Orleans, Juliet-India, we request passing overhead airfield, if it's possible"
Puis toujours très confiant, j'irais même jusqu'à demander une météo pour Toussus :
- "Orleans for Juliet-India ?"
- "Julia-India, pass your message"
- "Could you give us a weather report for Toussus, please... Sir ?"
Bien sûr, avec le stylo et la planchette, j'ai noté ce que j'ai compris. Un doute sur la hauteur des nuages, mais globalement tout c'est bien passé. Ce n'étais pas si compliqué que cela ? Pour l'instant ce n'est qu'un début. Une tentative qu'il faudra reitérer. Il n'y a rien eut d'exceptionnelle, pas d'imprévu. Et ce sont justement les imprévus qui posent problème.
Trois jours d'avion et quelques centaines d'euros plus tard, nous voici à Saint-Cyr. Une bonne heure de nettoyage d'avion et de remplissage de paille plus tard, tous les pilotes et instructeurs sont fourbus. C'était mon premier voyage club. C'était mon premier vol au PA dans un PA-28. Mon premier réel On-Top. Mon premier vol en montagne. Ma première approche avec ILS en VFR. Chacun repart avec ses souvenirs en tête. Ses premières fois. Les poignets de mains sont rapides. Les regards fatigués. Et nous convenons rapidement de nous retrouver pour un barbecue afin d'échanger toutes nos photos et de faire les comptes avec le trésorier.
Chacun repart chez soi. La tête pleine d'avions.