“Are you familiar with the Grand Canyon area ?”. C’est ce que me demande la contrôleuse du Los Angeles Center alors que je fais route vers le Grand Canyon. Il y a quelques minutes, elle m’a activé le Flight Following.
Je lui ai indiqué ma position, mon type d’appareil, ma destination, l’altitude souhaitée et ma route. En retour, elle m’a donné un code transpondeur, puis m’a identifié sur son radar en me donnant le QNH de la station la plus proche. Voilà, une sorte de plan de vol réduit a automatiquement créé. Il va me suivre de zone en zone et de contrôleur en contrôleur. Et ces hommes ou ces femmes devant leur écran radar vont garder un œil sur moi. Ils vont, dans la mesure du possible me prévenir des trafics, des zones actives, me passer au contrôleur suivant et même m’alerter du high terrain elevation (en gros des montagnes) sur ma route, comme le fera Phoenix Center en arrivant vers Sedona. Et bien sûr, en cas de besoin, je pourrais faire appel à eux comme pour un déroutement.
Je me rappelle il y a un paquet années, alors que nous étions un groupe de 3 avions en route vers San Francisco, le contrôleur nous averti qu’Oakland, notre destination, se bâche. Il nous indique alors quelques terrains still VFR qu’il nous reste à choisir. Quelle bienveillance !
J’ai toujours adoré le Flight Following. En VFR, une fois en vol, avoir du Flight Following signifie que des gens bien plus habitués que moi vont garder un œil sur ce que je vais faire. Cela ne me dédouane pas de préparer mon vol et d’être toujours devant l’avion. Bien sûr. Mais toutes ces ressources sont très très utiles pour tous les pilotaillons comme moi. En outre, on peut lire partout que les contrôleurs eux-mêmes demandent aux pilotes VFR de prendre le Flight Following tant que c’est possible. Regardez le vol au dessus de Los Angeles de la semaine dernière : on peut se promener sans contact (il y a même une carte pour ça) mais d’eux-mêmes les contrôleurs vous demandent si vous voulez du Flight Following.
Préparation de la nav
Alors, lors de la préparation de vol, je note soigneusement la ou les fréquences possibles pour attraper ce service qui met presque indispensable. Au départ de St-George, c’est facile, c’est Los Angeles Center sur 124.2. La fréquence sera resté en standby sur COM1. C’est celle que j’avais à l’arrivée. Forcément.
La navigation vue depuis Foreflight, l’application de navigation et préparation du vol sur iPad.
La route est simple. Un peu plus d’1h30, cap au sud est et un petit passage par l’un des corridors du Grand Canyon. Sur ses 350 kilomètres de largeur, je ne peux pas passer, moi simple VFR comme ça en plein milieu à l’altitude que je veux. Des zones interdites de survol, dont le nom restera toujours un faux-ami pour moi : les Flight Free Zone. Elles barrent le passage. A moins de passer très haut (> 14’500 ft ou 4, 5km). Plus bas, les espaces sont réservés avec des cheminements aux opérateurs commerciaux (les tour operators d’hélicoptères et avions) très nombreux dans la région. Forcément.
La carte “Grand Canyon Special Flight Rules Area” pour traverser le Grand Canyon en VFR.
Il reste tout de même des corridors pour les VFR sur une carte dédiée avec un Special Flight Rules.
Zoom sur la carte dédiée au Grand Canyon
Une fréquence à surveiller, où piocher le QNH, une altitude selon que l’on aille vers le nord ou le sud et bien sûr un cheminement à suivre. Je mémorise tout cela, déplace des points avec Foreflight pour ma trajectoire.
Première partie de la petite navigation : départ vers le sud-est pour rejoindre l’entrée du corridor Tuckup de Grand-Canyon.
La même route que l’image précédente mais sur le fond de carte Grand Canyon Special Flight Rules où les corridors sont matérialisés. On remarquera aussi une TFR (en haut à droite) dans un cercle rouge. Certainement une zone de protection de lutte incendié.
La carte de l’arrivée sur Sedona. J’aime bien avoir les pistes matérialisés en gros. Ici la 03/21. Cela permet de me situer facilement face aux tours de piste, son sens, sa position et d’évaluer le QFU en fonction du vent.
Une fois passée le Grand Canyon, c’est tout droit. Je serais déjà haut avec le Tuckup Corridor à passer à 10’500 pieds. Sedona, ma destination est à 5’000 pieds et le tour de piste à 6’000 pieds. Quelques grosses montagnes isolées sont aussi là. La visibilité et la météo devrait m’aider pour les éviter ;)
Airmet Tango sur tout le quart ouest des USA. Ca turbule là-haut !
Côté météo, c’est du grand bleu. Hier, quelques orages sont venus sur Sedona mais les prévisions dans les TAF sont très bonnes. Tout comme le MOS et les Discussion accessibles depuis Foreflight.
Les Discussion de la page prévision pour un terrain donné…
… le texte est directement compréhensible à la différence de feux DUAT(S) ou d’un TAF ;)
Je ne m’étonne pas aussi de trouver un immense Airmet Tango (T=turbulence) qui même s’il semble inactif avant mon passage et à très haute altitude, ne me laisse aucune illusion sur le fait que l’on va être secoué, nous aussi bien plus bas. Et le TAF passent aussi des rafales à l’arrivée sur Sedona. Pour un air plus calme, il faut choisir d’autres destinations.
Prévision météo (MOS) vue par FltPlan (application gratuite de navigation et préparation de vol sur Android) qui innove avec des symboles pour chacun des critères : plafond, visibilité, vent et température. A suivre, même si je n’arrive vraiment pas avec l’ergonomie de l’outil.
Vent en altitude (Wind Aloft) en prévision, vu depuis le briefing complet généré par Foreflight
Mais au début de la planification, c’était du côté des NOTAM et TFR que je m’inquiétais. Le sénateur McCain vient de décéder et il passait du temps de Cornville, juste là, à l’ouest de Sedona. Son QG de campagne et l’endroit où il organisait souvent des réunions. Le parking de l'aéroport de Sedona s’en souvient. Je crains une ou plusieurs TFR. Mais rien n’apparait dans mon briefing. Il y a des contraintes liées à l’aviation et les autres.
La carte Las Vegas Sectional(l’équivalent de la 1/500 000 SIA) où on trouve St-George (KSGU) avec son VOR et sa classe E qui le protège. Il n’y a pas de tour sur le terrain qui est en auto-information même s’il y a un terminal, une passerelle… etc… et des vols réguliers commerciaux.
Partons tôt… euh…
Nous partons tôt… euh… comme d’habitude. Ce sont le vacances. Il ne faut pas arriver après 12h00 à la louche pour éviter les trop fortes chaleurs, mais il ne fait pas assez chaud et surtout les terrains visés ne sont pas à des altitudes dangereuses. L’AWOS de St-George passera un simple Density Altitude de 5’200 pieds pour un terrain situé à 2’884 pieds
Le nouvel aéroport de St-George, tout neuf, tout grand, presque tout vide
C’est bien pour passer de l’autre côté, mais par pour cet avion ;)
L’avion a dormi tranquillement au parking. Bien arrimé et protégé.
Il va falloir remettre tout ça là-dedans ! Mais avec 180 chevaux et seulement 2 personnes à bord, il y a encore plus de 100 kg de marge.
Chargement à l’américaine. La voiture de location au pied de l’avion
L’essence est 10 centimes du gallon plus cher au FBO qu’au Self-Serve de l’autre côté de la plateforme. Par fainéantise et parce que j’ai mis pas mal à contribution le FBO (“z’avez une voiture de loc ?”, “Vous pouvez me rajouter un jour ?”, etc…), je n’hésite pas à appeler pour leur demander de faire le plein. Ce sera fait. Lorsque nous arrivons l’avion a ses 40 gallons d’essence.
Roulage avec le coude à la portière, il commence à faire un peu chaud là…
… et le taxiway Alpha n’en finit plus…
… vu depuis Foreflight où la carte incrustée sur un fond de carte (sec, tac, aéro. ou ici Maps) peut bénéficier de la fonction de mesure avec deux doigts posés sur l’écran de l’iPad ;)
Et au bout de l’immense taxiway, il y a une non-moins immense zone d’essai moteur (run-up area). On pourrais y case r2 ou 3 Jet privé (et pas des Mustang).
Départ piste 19 de St-George. Et virage à droite pour prendre un cap vers le sud-est
Après la montée initiale, alors que je grimpe tranquillement vers 10’500 pieds, j’affiche la fréquence de Los Angeles Center. J’attends un trou pour passer mon message entre les Jetblue et les Cactus (les codes des liners là-bas) et balance un “LA Center, good morning, Cessna 172 N9488G just departing St-George, passing 9’200 feet climbing 10.5 request flight following to Sedona, Sierra-Echo-Zulu”.
La contrôleuse me retourne ma salutation matinale, me fait confirmer mon indicatif (callsign) et me donne un code transpondeur. Je le met dans le GTX345 et à peine quelques secondes plus tard, je reçois un superbe “Radar identified ,5 miles south of St George airport” comme seul un natif d'Amérique du nord sait le prononcer. Dans le paquet cadeau, j’ai aussi droit au QNH de Las Vegas. Un truc comme Three-Zero-Two-Zero.
Are you familiar… ?
Nous avons atteint 10’500 pieds et filons vers le Grand Canyon et l’entrée du TuckUp corridor. Un petit 100 nœuds de vitesse sol. Il y a du vent de face. Le paysage commence à se… vallonner franchement. C’est le moins qu’on puisse dire. Et LA Center me rappelle. La contrôleuse me demande si je connais la zone du Grand Canyon pour les VFR : “Are you familiar with Grand Canyon area ?”. Je vais devoir la traverser et je n’ai pour l’instant qu’indiquer une route directe vers Sedona. Elle veux certainement s’assurer de savoir si je sais comment traverser les espaces du Grand Canyon. Et je lui répond du tac-au-tac : “Familiar is not the right word, but we are currently heading to the entry of the Tuckup Corridor at 10’500 ft”. C’est visiblement ce qu’elle voulait entendre car elle me répond d’un Roger qui clos notre échange. Elle sait “où” je vais et “comment”.
La traversée du Grand Canyon
Il nous reste maintenant à profiter du spectacle du survol du Grand Canyon à 3’200 mètres. Cela fait presque 1’000 mètres au dessus des rives du Canyon.
Capture de l’iPad au milieu du corridor Tuckup
C’est vachement moins impressionnant depuis Google Earth ;)
Bientôt en sortie de la Special Flight Rules du Grand Canyon
Après le Grand Canyon, tout plat
La traversée du Grand Canyon est rapide. Même pas 30 minutes. Derrière, je retrouve du terrain plat. Seuls des obstacles immanquables pointent le bout de leur nez au loin.
On peut voir que le récepteur ADB reçoit des informations de 3 antennes ADSB au sol, visibles à 9’500 pieds et à cet endroit
Il nous reste une trentaine de minutes avant d’arriver à Sedona. Et je passe de fréquence en fréquence : Los Angeles Center, Alburquerque Center (le centre au nom imprononçable Al-bou-keur-ki), puis à Phoenix Center en quelques minutes. A chaque fois, le check-in, c’est à dire le premier message sur la fréquence est simple et rapide : “Phoenix Center, good day, Skyhawk 88G, nine-thousand-five-hundred feet”. Et je reçois en réponse un Altimeter Setting (le nom du QNH ici) en pouce de mercure et c’est tout. Le passage d’une zone à une autre est fluide. Ils ont déjà toutes mes informations (mes details comme ils disent).
Deux sommets se dressent devant moi : Bill Williams Mountain à 9’200 pieds à droite et bien sûr l’Humphrey Peaks, à gauche de ma route à 12’600 pieds
Et puis, Phoenix me passe un message tout d’abord incompréhensible. La radio n’est pas bonne, mais ce n’est pas une excuse. C’est surtout que je ne m’attendais pas à ce message : “Are you aware of high terrain on your route ?”. Je le fais répéter 3 fois et j’ai honte, car c’est encore la magie du Flight Following. Le contrôleur me prévient que devant moi, sur ma route, il y a des obstacles plus haut que mon altitude actuelle. Merci monsieur. Ils ont un œil sur vous.
Fumée… au sol
Sur la Coconino National Forest, je vois, sous le nez de l’avion, un petit nuage s’élever du sol. Pile sur ma route. Avant de quitter Phoenix, je leur demande s’ils sont au courant de cette fumée. Le contrôleur me remercie de mon report et m’indique qu’ils avaient déjà eu l’info.
Depuis quelques minutes, j’écoute l’AWOS qui est le message automatique qui me donne les conditions sur le terrain. Je surveille surtout la voix de robotisée qui indique le vent. Cela va me permettre d’anticiper mon intégration. Car sur la fréquence d’auto-information de Sedona, 123.0, il n’y a personne pour me dire quelle piste est plus ou moins en service. Je dois donc réfléchir un peu avec l’AWOS. Je pourrais aussi passer par la verticale et regarder le manche à air. Mais avec ce message automatique, comme un METAR, remis à jour à chaque message, j’ai la force et la direction du vent. J’ai aussi d’autres choses selon les capacités de l’AWOS (ou ASOS) : nébulosité, visibilité, QNH et même l’altitude densité que je note : 5’200 ft pour un terrain qui est à 4’830 ft. Ca va.
La trace GPS de l’arrivée vue sur Google Earth sur iPad.
Enfin, l’AWOS me donne un tout petit coup de stress lorsque je comprend Notice to airman et un truc suivi de unserviceable. Zut, un truc qui marche pas sur le terrain où je vais ? Ah non, ouf ce n’est que le PAPI qui n’est pas utilisable dans les 2 derniers nautiques. C’était aussi un NOTAM. Ouf, tout va bien. Allez on continue.
Les NOTAM de terrain sont directement affichés depuis la carte sol depuis Foreflight.
Intégration n’importe comment
Les premiers messages AWOS écoutés il y a bien longtemps passaient des vents du sud-ouest 10 nœuds et rafale à 14 nœuds. Plus tard, il passe un vent variable. Puis encore après, revoilà les rafales du sud, sud-ouest.
Je décide d’une arrivée du type… n’importe comment. Au lieu de faire un truc franc, comme la verticale à l’altitude du tour de piste pour rejoindre le vent arrière ou bien une arrivée de plus loin, je fais un truc bâtard. Je coupe les axes en descendant vers les 6’000 pieds du tour de piste. Personne à la radio, si ce n’est un Cirrus à l’arrivée, VFR, et encore bien loin. Je suis devant.
Début de vent arrière main gauche piste 21
Il y a aussi un avion au point d’arrêt que je surveille de l’œil et des oreilles. Il n’est pas encore prêt. Je coupe en bafouillant un truc à la radio en forme de number repris quelques secondes après pour dire que je coupe le runway track en descente pour le début de vent arrière. Il est temps de se poser. Ca bafouille à la radio.
Je ne voulais pas faire un vent arrière trop court gage d’une base ratée qui aurait précédé une finale mal gérée et donc… un atterrissage en vrac ou une remise des gaz. Alors je prend large pour rentrer en vent arrière et l’allonger raisonnablement. Pas trop long comme à la française, mais pas short circuit non plus comme à Montgomery ou St-Cyr. Y-a du vent, des rafales et des turbulences. Posons-nous proprement. C’est Sedona tout de même ;)
Ce que l’on voit en regardant à droite en vent arrière main gauche piste 21 à Sedona.
Le tour de piste main gauche à Sedona me pose un problème. Le pilote est à la fois proche des parois, lent et en manœuvre pour se poser et je suis aussi absorbé par le paysage. On est bas, les Mesa sont là et on a envie de regarder plutôt que de garder un œil sur la finale, la piste, la vitesse, la configuration de la machine… etc…
Vue vers la droite en base main gauche
Dernier virage, piste 21 à Sedona. Joli paysage, n’est-ce-pas !
Atterrissage turbulent
Ma stratégie depuis plusieurs arrivées à Sedona est d’avoir un plan de descente un plus fort qu’à l’habituel. Garder une approche “haute” et donc une approche absolument pas plate, comme j’en fait d’habitude… trop souvent. Garder de l’énergie en étant haut. Un genre de technique à la St-Barth. Accroché au plein volet, je tiens la vitesse avec une assiette à piquer assez forte. Le 172 sait faire.
Les turbulences sont vraiment là en finale. Les deux petites collines avant le seuil, lui même situé avant un précipice, perturbent encore plus l’aérologie. Ca souffle, ça secoue et je bataille aux ailerons pour garder un semblant d’alignement avec le centre de la piste.
Courte finale, ça va le faire. La piste est longue et quand bien même, j’ai de l’énergie (hauteur et puissance) pour la remise de gaz
La caméra regarde à droite juste avant le passage du seuil, mais moi j’ai le regard droit devant au loin pour gérer le toucher !
Je touche à peine quelques mètres, après les marques de touch down. Pas mécontent. Une approche haute, comme décidée, une vitesse tenue et la bataille aux ailerons pour garder l’axe.
Je dépasse un peu le taxiway A5, comme le Cirrus déboule derrière et est déjà en finale, je fais une très courte remontée pour dégager rapidement.
Pas grand monde au parking. Une place m’attend ! Le parking se remplira de 4 ou 5 avions derrière moi. L’effet $100 Burger !
On décharge la voiture.. Euh l’avion et on va chercher une voiture. Sur ce coup-là, je n’ai jamais réussi à avoir Sedona Car Rental sur le terrain. Alors, pas encore de voiture réservée. Par contre au FBO, je suis déjà connu de l’ordinateur car j’ai déjà un compte dans le système. Ca doit être à ça qu’on se rend compte que l’on vient trop souvent à Sedona ;)
Après moins de 2 heures de vol, le 88G stationné sur le parking de Sedona
Zut, on voit le code de la porte d’accès
Un $100 Burger sur le restaurant de l’aéroport (Mesa Grill) ?
Avant de redescendre vers l’hôtel qui nous attend, nous prenons le temps de déjeuner tranquillement au Mesa Grill, le restaurant de l’aéroport. Ces dernières années, je n’ai jamais eu de chance. Soit le restaurant était fermé pour travaux ou bien pour un évènement privé.
Voilà, ça c’est fait.
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