Dès que je sors de chez moi, j'ai pour habitude de lever le nez pour voir le sommet de la tour Eiffel. 330 mètres. Cela fait un bon repère pour voir à quelle hauteur se situent les nuages. Il fait gris, mais les nuages sont plus haut. Au moins sur ce point "ça passe". En plus tous les feux sont verts. Ok, je sors.
Les METARS ne sont tout de même pas fameux. Nous n'avons pas pour ambition d'aller très loin, mais tout de même de nous envoler. Toussus annonce :
METAR LFPN 081300Z 11006KT 5000 BKN030 03/01 Q1021 TEMPO 3000 -RA BKN005 BKN015=
TAF LFPN 081100Z 081221 11010KT 6000 SCT015 BKN030 TEMPO 1221 3000 -RA BKN005 BKN020=
C'est sûr qu'il ne faut pas traîner dans les TEMPO. 3 km de visibilité et broken à 500 ft, ça ne fait pas beaucoup pour un PPL qui veut garder sa licence et retrouver son terrain. Une fois arrivés à l'aéroclub, nous nous renseignons. C'est bouché au sud sur RBT. Ca tourne au moins en tour de piste. Un local est jouable, mais pas beaucoup plus. Nous quittons la salle de briefing avec les derniers METAR sans trop d'illusion. Nous voulons voler mais ne pouvons aller bien loin. Le tour de piste sera déjà "du bonheur" et nous contentera. Il n'en faut pas beaucoup pour rendre heureux 2 pilotaillons du dimanche qui ont râclé les fonds de tirroirs pour assouvir leur passion.
Nous avons réservé le Robin Dauphin F-BTKU, le Tango-Kilo-Uniform. Il revient tout juste de grande visite à Cosne-sur-Loire où j'avais été le voir sur la ligne d'Air Camille. Vous pouvez le (re)voir sur ce message tout désabillé, puis tout repeint.
Comme d'habitude, nous nous posons les mêmes questions : "cékiki fait le départ ?". Et comme d'habitude c'est patrick qui le fait. Il effectue la prévol. Même s'il fait gris et triste, le Kilo-U est tout-beau-tout-propre. Le plexiglas de sa verrière est cristallins. Sa peinture ne comporte aucune éraflure. Avant de monter sur son aile, le chef mécano a même imposé d'enfiler les patins ("mettez les pattins, bon dieu !"). Non, je déconne.
Bon, on roule. C'est un peu gras. C'est humide. Et la visibilité ne s'améliore pas. Ah, on voit la tour. C'est toujours ça de gagné.
Une fois en l'air, nous n'en menons pas large. Heureusement que nous sommes du coin. La visibilité n'est effectivement pas très bonne. C'est peu dire. On ne voit pas très loin. Nous attrapons Les Serres, puis l'autoroute A13. Patrick quitte à la radio la tour de St-Cyr. Il faut maintenant prendre l'ATIS de Pontoise.
Mais un petit détail nous chagrine. La radio a décidé de ne plus afficher tous les caractères des fréquences. On se croirait dans Flight Simulator lorsque Windows n'a pas toutes les polices de caractères installées. Mais là, on est à 1500 ft et on fonce vers une classe D. Restons en dessous et partons vers l'ouest. On va régler ce problème de radio, avant.
Ca cogitte dans l'appareil. Electricité ? Batterie ? Alternateur ? Les phares ? Les fusibles ? Je cherche, j'investigue pendant que Patrick s'occupe de la trajectoire de l'avion. Pas beaucoup d'idée tout compte fait. Et puis au bout de quelques minutes nous comprenons. Le capteur de luminosité de l'afficheur est un peu trop bien réglé. Il nous croit dans le noir, donc il baisse la luminosité des leds des chiffres de fréquence. Manque de pot, nous n'avons pas de lampe de poche à bord. Je ne peux utiliser que la lumière rouge de l'autofocus de mon appareil photo pour feinter la cellule (non, avec le flash, ça ne marche pas, c'est trop rapide). Pas pratique. Pas pratique du tout. D'autant que si nous continuons à vouloir aller à Pontoise, il va falloir prendre l'ATIS, l'approche puis la tour, puis pour rentrer l'ATIS de St-Cyr et la tour. Tout cela sans voir ce que l'on affiche. Ca pourrait donner un truc du genre :
"Allo ? Y-a quelqu'un ? C'est qui ? C'est qui sur cette fréquence ? Allo ? Répondez, soyez pas timide !"
Non. C'est pas possible, "ça ne va pas le faire". Bon, on a 118.00 (St-Cyr Tour) sur la fréquence en stand-by, alors retournons à St-Cyr. De toutes les façons, il fait gris. On fera des tours de piste.
Nous ne sommes pas allés très loin :-(
De retour sur le terrain, il y a un peu de monde dans le tour de piste. Forcément avec cette météo, peu d'avion s'éloigne. Par chance, nous sommes dans la bonne séquence, dans le bon rythme (on y est pas pour grand chose, non plus). Pas trop collé aux traffics devant. Nous allons donc tourner.
Patrick se présente. Nous sommes autorisés en 12 droite. Plein réduit. Kiss. Toute à l'heure, nous nous sommes clairement répartis les tâches. Je ferme la réchauffe, je rentre un cran de volet. Nous repartons. Montée initiale, virage sur le canal du château de Versailles. En vent arrière, les commandes passent à droite. Et je suis parti pour 3 tours de piste.
- "En vent arrière pour un touché, Fox-Tango-Kilo-Uniform"
- "Tango-Kilo-Uniform, vous êtes pour l'instant numéro 1, rappelez mi-base pour la 12"
- "On est pour l'instant numéro 1 et on rappelle en mi-base, Fox-Tango-Kilo-Uniform"
Pendant que le contrôleur débite et débite avec quatre, puis cinq appareils en tour de piste et une météo limite, nous nous demandons où se situe exactement la mi-base (les deux du fond qui ont dit "mi-molette" sortent immédiatement !). Début de base, on voit. Ca c'est facile. Dernier virage aussi. La "Mi-base", ça doit être entre... juste entre.
- "Saint-Cyr, Novembre-3-2-4-4-5, bonjour"
- "Novembre-3-2-4-4-5, Saint-Cyr, bonjour"
- "Saint-Cyr, au parking JDE, on est prêt pour des tours de piste"
- "Novembre-3-2-4-4-5, ça ne va pas être possible pour les tours de piste, j'ai 4 avions déjà dans le tour de piste et avec cette météo, ça ne pourra être qu'un local"
Bon. Et bien, c'est clair. Vu de notre DR-400, ça ne nous étonne pas. Il n'y a pas beaucoup de place pour placer ces messages. Des avions rentrent dans le tour de piste en arrivant du nord en croisant ceux qui sont en vent arrière. Et avec cette météo, les phares pleins allumés ne sont pas inutiles.
Les tours de pistes vus depuis Google Earth
C'est professionnel. Ca envoit des clairances dans tous les sens. Les info-traffic fusent. Nous sommes sur un petit terrain et ça ne rigole pas. Tout le monde est dans son rôle. Les remises de gaz se font en parallèle. Les avions s'axent en 12 droite, puis engagent des baillonettes pour la 12 gauche... et puis ah non... on repart en 12 droite, parce que l'avion précédent était trop lent... et puis non, rien ne passe et tout le monde repart en remise de gaz. Je m'applique à ne pas blablater à la radio et à ne surtout pas hésiter. Autant s'entraîner. C'est court, rapide, sauf au moment où je m'annonce en dernier virage comme demandé :
- "On est en dernier virage Fox-Tango-Kilo-Uniform"
- "Fox-Tango-Kilo-Uniform, autorisé atterrissage 12 droite... avec un risque aviaire, un banc d'oiseau qui se place sur le seuil de la piste 12"
- "On est autorisé 12 droite et on a pris pour le risque aviaire"
Et bien on va regarder et se méfier. Dans ma tête, je me demande ce que je vais faire. Je prévois la remise de gaz anticipée. Et je me rappelle ces verrières d'Airbus, de Boeing ou de Mirage transpersées par des oiseaux. Restons calme. Revenons à d'autres animaux. Revenons à nos moutons.
- "T'as vu des oiseaux, toi ?"
- "Non, j'ai rien vu"
- "Bon, bha on remet les gaz, c'est parti pour un autre tour"