Rendez-vous est pris à 09h00 à l’aéroclub. Petit déjeuner rapide à l’hôtel et je saute dans la voiture, direction Grand-Case. De l’hôtel, j’en ai à peine pour 5 minutes. Je retrouve le chemin défoncé par la pluie et la chaleur qui mène aux deux containers de l’aéroclub « Evasion-Caraîbes » un peu à l’écart du « terminal » (si on peut l’appeler comme ça) de l’aérodrome de Grand-Case l’espérance. Ca n’a pas trop changé depuis l’année dernière.
Le N32111, Piper PA-28 de son état, m’attend sur le parking de TFFG, au nord de St-Martin, dans la partie française. Beaucoup plus peuplé que les années précédentes au même moment, on y trouve aujourd’hui une dizaine d’appareils : des Piper, des Cessna et même un Rallye immatriculé en Novembre. Sans parler de la succession incessante d’ATR 42 et 72 d’Air Guadeloupe ou Air Caraïbes, un peu plus loin vers le terminal.
Le temps est clair, quelques nuages, du bleu et du vent. Nous sommes dans les caraïbes. Seul un voile de « sable » recouvre la région. La visibilité reste bonne, même si une fois en l’air, c’est tout d’abord au cap que nous nous dirigeons vers St-Barth, qui me reste presque caché.
Un « corridor » pour les appareils entre Grand-Case et St-Barth a été mis en place depuis ma dernière venue. Plus besoin de passer avec Juliana après avoir quitté le circuit de Grand-Case. On garde 2000 au transpondeur et on transit à 1500ft QNH de Grand-Case vers St-Barth, direct « travers Fourchue ». Dans l’autre sens, on vole à 1000ft QNH. A mi-chemin, on passe d’un AFIS à l’autre.
Dommage j’aurais bien écouté le débit de l’approche de Juliana. Je retournerais à Maho avec ma radio portable.
Premier contact avec l’AFIS. Comme à l’accoutumé, je ne comprends pas la réponse. Le QNH est annoncé en hecto-pascal, ça tombe bien l’altimètre du 32111 est en pouce de mercure. De toutes les façons, on est au sol, au raz de la mer. Du point d’arrêt Alpha, je remonte la 12. Peu de trafic au moment de s’élancer. J’ai le temps. Décollage sans problème. La piste est longue. Montée initiale en cherchant les 75 kts. Peu de pied, le PA28 est tolérant. Le vent qui secouait au sol, dans l’axe à Grand-Case, ne pose aucun problème. Le PA28 est une bonne barcasse stable qui vole tout seul. Dans la montée initiale, en laissant la grande plage d’Orient Bay sur la droite, la pompe sur OFF… le moteur continue… on a de la vitesse… les volets sur 0. Un peu plus haut, mise en palier, puissance sur 2400 tours, le PA28 arrive doucettement à 1500 ft. Petit virage à droite vers le cap 150 et… St-Barth.
Aujourd’hui, j’ai encore de la chance. Frank et moi avons prévu de faire quelques tours de pistes à St-Barth. Sans raison, comme ça pour le plaisir d’apprendre et de pratiquer cette approche si particulière. J’analyse tous les conseils et remarques que Frank ne manque pas de me passer. Je regarde, j’écoute, j’apprécie, je profite. Petit à petit, je tente de comprendre comment réagit ce PA-28 sur lequel j’ai si peu d’expérience. Comme à mes tous débuts, je suis submergé par l’environnement et je suis partagé entre contempler le paysage, piloter et discuter. La CPU est à 200%.
Orient Bay après le décollage piste 12 de Grand-Case
Pas question de passer sa qualif de St-Barth. Non, je suis là pour profiter des conditions : un avion, un instructeur, un terrain avec une approche tordue. De quoi occuper ma journée. Nous tournons en 10, en partant de 1500 ft QNH par le travers de Fourchue, le report sur le pain de sucre (qui devient « Sugar Loaf » dès qu’un pilote anglais est sur la fréquence) puis l’attaque (en piquée) sur la 10 en laissant les bandes blanches au raz du col. Ce dernier devant masquer le marquage de piste « 10 ». Les années passées, avant que la piste dispose de ce nouvel habillage, on posait le chiffre « 10 » dans le creux du col du Calvaire, mais c’est fini maintenant, on pose les premières bandes dans le V du col. C’est tout. Simple, non ?
« Le plan, l’axe, la vitesse ». Un grand classique. J’ai surtout du mal à gérer la vitesse (65 kt, ça ira ?), jouant maladroitement entre les gaz et l’assiette qui reste très inhabituelle pour moi du fait de la configuration du PA28 avec une casquette plutôt haute et ce plan à « l’attaque kamikaze » sur le 10. J’ai vraiment l’impression de donner des coups de volants (PA28), un coup à droite, un coup à gauche. Mais au fil des tours, je laisse un peu faire l’avion sans trop lui courir après. Toujours avec cette assiette à piquer surprenante. J’appréhende un peu mieux (un peu seulement) la sensibilité de la manette des gaz et j’apprécie le « rajoute un filet de gaz » lancé par Frank. A toutes ces conditions paradisiaques (piste de rêve, soleil, lagon), rajoutez, du vent en direction variable et en rafale jusqu’à 25 kts et vous avez un cocktail parfait des Antilles. Un terrain de jeux rêvé pour un pilotaillon de métropole.
Le col passe… ne pas piquer, mais continuer à descendre vers la piste. Je ne peux m’empêcher de regarder autour de moi, au raz du col du Calvaire, pensant au rond-point où je distingue un groupe de spotters, des voitures et des scooters qui passent. Nous leur passons à quelques mètres au dessus. Le PA28 épouse la dénivellation, jusqu’au seuil, j’arrondi trop tôt et trop fort. Ca ne réagit donc pas comme un DR400 ? Et ce vent en rafale qui tend à l’horizontale les manches à air… l’avion remonte en effet de sol, ne pas piquer… mais rendre un peu la main pour un second arrondi avec l’aide de Frank, du pied pour décraber un peu… je touche… nous voilà poser piste 10 à St-Barth. On remonte… on reconfigure l’avion… demi-tour tout au bout, check décollage… puissance sur frein… 2300 tours… je lâche les freins et c’est reparti ! L’avion accélère dans la descente. Je reste sur la ligne centrale, un peu de vent de la droite, je tourne le manche dans le vent… 60 kts… rotation… palier d’accélération qui nous amène à l’extrémité de la piste… nous survolons la plage de St-Jean à quelques mètre de hauteur… l’avion accélère encore… je tire sur le manche et entame mon virage à gauche pour retourner dans le circuit à 1000 ft pour aller en 28 ou bien 1500 ft pour la 10. Je vise « Frégate » (le petit îlot au milieu des deux autres) matérialisant le début du vent arrière 10 main gauche. Puis travers Fourchue pour viser le Pain-de-Sucre et nous revoilà en finale 10.
Après plusieurs tours, j’ai compris la « 10 » depuis Fourchue (ou Coco par le sud). Il ne resterait qu’à pratiquer… pratiquer et encore pratiquer (« oh oui, on y retourne ? »). Maintenant, travaillons la 28 - circuit main gauche. Le tour de piste que j’avais fait en 2003 (voir ce récit), ne m’avait pas laissé autant cette sensation de faire du radada entre les collines. « Radada » est le terme qui convient lorsqu’on vole sous les sommets des pics environnant et surtout « sous les piscines », non ? Car dans le (simili) vent arrière 28, un repère consiste à avoir l’aile de l’avion posée au raz de la piscine d’une villa à flanc de colline : si on voit l’eau de la piscine, on est trop haut, si on ne voit pas le bord… on est trop bas. Original. On vous a dit « Il faut être à raz ! ». D’ailleurs, on est peu au raz de tout dans ce circuit main gauche. Au raz des piscines, au raz des collines, au raz des villas, au raz des arbres.
Le circuit publié est un peu différent de la pratique
Le vent arrière n’est pas au cap 010 et démarre au dessus de la finale 10
Le vent arrière n’est pas au cap 010 et démarre au dessus de la finale 10
En fin de vent arrière, on regarde à gauche, quand on voit la villa posée dans la mini-vallée, on vire à gauche pour la base. On est presque au dessus de Grande Saline et surtout au dessus de deux poteaux électriques, point de repère que l’on voit au début du vent arrière). Cela nous fait faire toujours en radada, le tour d’un monticule pour nous présenter en base, un peu convergeante.
Le virage au dessus de Saline et le point de décision vu depuis l’ilet Coco.
Une fois passé la villa au toit vert clair, posée dans le col, on déboule donc en base main gauche pour la 28. Il est temps de prendre une décision pour la remise des gaz, pratiquement au milieu de la base. Pas question, vue la configuration, de penser remettre les gaz en finale. Il faudrait franchir le col du Calvaire en haut de la 28… qui monte franchement. On décide « si on va la faire » juste là, avant le dernier virage (vraiment un virage « finale » pour le coup).
Avant le dernier virage 28
Avant le dernier virage 28
La fin de la procédure en 28 main gauche vue du début
En courte finale 28
En résumé, ce tour de piste c’est : 1000 ft, on passe pratiquement sur la final 10 en visant une route qui remonte, puis dans le « vent arrière » (pas du tout au cap 010, le « vent arrière » du circuit 28) mise en descente légère pour se caler sur la piscine de la villa à droite au milieu de la vent arrière. Toujours en visant 2 poteaux électriques matérialisant la fin de la vent arrière, on attend de voir la villa au toit clair dans ses 9h00, et on entame un court virage à gauche pour se mettre dans la base et viser la villa posée dans le col.
Simple et évident, non ? Une fois à bord, on a l’impression qu’on slalom dans un canyon tentant d’échapper à un missile sol-air : break droite ! Plus bas, break à gauche ! Encore plus bas !
Trop haut, trop vite, trop lent, trop bas… tout y passera durant cette session de rêve. Je redécouvre l’avion, je m’émerveille du terrain. Et nous tournons. Après plus d’une heure, je laisse ma place à Luc, PPL local, qui pratique le terrain dans l’objectif de la qualification de site. Et nous voilà reparti pour plusieurs tours « classiques » (j’ai écrit « classique » pour un tour de piste à St-Barth ?) en 10 depuis Fourchue, puis depuis Coco, puis des tours en 28 depuis Fourchue, mais aussi depuis les Salines directement.
Base main droite pour la 10, travers l’ilet Coco
Au fond, les salines et le petit col point de décision sur la base 28 main gauche
Au fond, les salines et le petit col point de décision sur la base 28 main gauche
J’ai ainsi tout le loisir assis à l’arrière du Piper de regarder dehors et d’observer encore et encore…
Après une courte pause et le déjeuner au restaurant de l’aérodrome de St-Barth, tout ayant une fin, il faut rentrer. Nous passons à la tour pour redéposer un plan de vol devenu obligatoire depuis peu entre St-Martin et St-Barth. Pas question de jouer avec Olivia par ici. Je rempli avec l’aide de Luc, un « vrai » plan de vol papier. Tradition des Antilles…
Dans la tour de St-Barth
N32111 sur le parking au pied de la tour juste à côté des pompiers
Je reprends les commandes, refait un tour en 10 puis la 28 (comment repartir ?). Puis après mon virage à gauche sur la plage de St-Jean, je prends le 335 à 1000 ft vers Grand-Case. J’y retrouve le vent arrière 12 main gauche après être passé au dessus de l’îlet de Tintamarre. J’ai retrouvé l’accent de l’AFIS que je n’avais strictement pas compris au premier contact. Peut-être parce qu’il y avait un peu de créole dedans ? (voir à ce sujet le récit de 2005) C’est pour cela que j’ai laissé Frank faire la radio. Je veux profiter du vol et du paysage. La radio, ce sera pour une autre fois. J’ai évité de noyer la fréquence de « Say again ».
J’ai retrouvé le PA-28 de mes précédents séjours, la visite prévol sur le parking brulé par la chaleur, le vent qui bastonne en finale et les batailles au volant du Piper pour tenir le sacro-saint « l’axe, le plan, la vitesse ! » entre le relief, les turbulences, les rabattants et autres Windshear. J’ai retrouvé les trafics dans tous les sens obligeant à chercher souvent de minuscules appareils s’annonçant sur des points de reports exotiques : travers Fourchue, passant Coco, verticale Tintamarre ou bien encore sur Sugar-Loaf. J’ai retrouvé le vol dans les îles. Quand est-ce qu’on y retourne ?