Lorsque la piste 12 est en service à St-Cyr, les avions décollent de l’ouest vers l’est en plein sur le château de Versailles. « En plein » signifie ici : rangée d’arbres, pavillons, jardin (bassins + arbres) et enfin bâtiments du château. A mon arrivée, le jour de mon lâcher, la piste en service était la 12, et parce que le vent était nul, Xavier (mon instructeur) avait demandé à la tour, si l’on pouvait passer sur la 30. Au bout de cette piste 30, on trouve l’autoroute A12 et juste derrière des champs. Tout ce qu’il faut pour assurer une panne au décollage. De bons gros champs avec plein de place. Décoller sur le 30 rassure donc énormément. Ca tombe très bien, aujourd’hui dimanche matin, moment où j’ai choisi de faire mon premier solo après mon lâcher, c’est la 12 en service. Bluurps.
« T’as vu c’est la 12 ? C’est peut-être pas une bonne idée pour faire mes premiers tours solo… t’en penses quoi ? »
Xavier se trouve entre deux leçons. Un poil en retard. Patrick vient de terminer ces premières 35 minutes de bonheur (voir l’épisode 8). Mon instructeur préféré n’a donc pas le temps de m’accompagner dans un tour de piste afin de me rassurer, d’autant plus que je dois faire le plein de Zulu-Papa. C’est pourtant ce que j’avais prévu. Pour mes premiers tours solo, j’avais imaginé de mettre toutes les chances de mon côté : La piste 30 et un tour de « confiance » avec Xavier. (re)Bluurps
- « C’est toujours mieux avec la 30, mais on a déjà tournée sur la 12, hein ? » me questionne, ou plutôt affirme solidement Xavier.
- « Bhaaaa, oui on l’a déjà fait, mais… »
(notez la confiance qui remonte… blurps.. blurps…)
- « Tu t’appliques. Les volets et la pompe à 700 pieds, le virage à gauche sur le bassin du château de Versailles… »
… et j’enchaîne comme pour m’entraîner, comme un professionnel de voltige qui répète ses figures (pour moi, ce ne sera juste que des tours de pistes).
- « … le tour à 1100 pieds, le vent arrière avec réduction à 2000 tours pour préparer l’avion, l’arc blanc, la rocade de la route, je vise le derrick pour attraper l’étape de base…etc… etc ».
Puis un silence. Une sorte de blanc. Une hésitation. Personne ne dit rien. Alors ? Tu te lances ou pas ? Tout va très vite dans ma tête. Ce seraient les premiers tours solo après mon lâcher. Alors autant ne pas faire de bêtise. Je pense à tellement de choses désagréables (et l’imagination va très vite dans ces cas là), puis je me rassure en me disant que j’en suis capable, après tout. « Patrick, tu viens m’aider à pousser l’avion à la pompe ? »
- « Vincent, avant, reviens avec ton carnet de vol » me demande Xavier tout en partant dans la salle de briefing pour son prochain cours.
- « Et Vincent, tu fais des retours au point d’arrêt, pas de touché, hein ?!?! »
- « Ah, oui… euh… ouais… euh… bien sûr ». Alors ça, je n’y avais pas du tout pensé. Mais alors pas du tout. En y réfléchissant un peu, j’aurais fait des touchés. Mais tout bien pesé, je suis complètement d’accord. Le retour au point d’arrêt, c’est plus facile.
Sur mon carnet de vol, la ligne « Autorisé TDP solo, le 29/06/03 » est inscrite. Patrick et moi poussons Zulu-Papa à la pompe. C’est le début du bonheur. Je vais faire des tours de pistes tout seul.
Quelques minutes plus tard, je suis dans le cockpit (tout seul). Je fais la checklist avant démarrage oralement avec la méthode scanning. Elle va trop vite. Ca m’inquiète. Je ressors de sa pochette la checklist et la pose sur le fauteuil… de l’instructeur. Et je la re-déroule une seconde fois.
- « Personne devant et sur les côtés ». Patrick est plus loin à quelques mètres. J’appuie sur le démarreur.
Ca y est plus moyen de faire machine arrière. Et hop radio pour le roulage. Ca roule. Au point d’arrêt, je vérifierais 3 ou 4 fois que j’ai bien sortie un cran de volet. Même punition pour la pompe. Je suis inquiet de tout. Je (re)vérifie tout.
1er TOUR
Tout comme lors du lâcher, le décollage est ultra rapide. Il y a un peu de vent dans l’axe, mais quand même, Zulu-Papa a vraiment décidé de grimper tout seul. Tout se passe bien. Le premier tour se passe normalement Je sent l’appareil et la vitesse à laquelle il réagit lorsque je remet des gaz ou bien au contraire réduit. J’ai l’œil sur le badin… Je mets tous les paramètres comme « il faut » ou plutôt comme Xavier m’a appris. Je n’oublis rien, les volets, la pompe… Je ne fais pas de bêtise à la radio. L’atterrissage est même presque réussi. Je pense qu’il y a eut à peine un rebond. J’ai l’impression de progresser. Je libère la 12 gauche par la droite et descend le taxiway central pour faire le tour. Ou plutôt le « grand » tour. Au lieu de remonter par le taxiway central vers la 12 droite, je descend et vise le grand… grand tour. Bien sûr, je ne m’en rends pas compte. Je prends le chemin que je connais lorsque :
- « Zulu-Papa, vous auriez pu remonter directement au point d’arrêt ?!?!? »
- « Euh… oui… c’est une bonne remarque, ça… euh… désolé… de Zulu-Papa »., je me suis dis alors : « Quel con je suis ».
- « Zulu-Papa, vous êtes seul sur le circuit, vous pouvez faire demi-tour sur le taxiway, rappelez au point d’arrêt ».
- « Merci, je fais demi-tour sur le taxiway et rappel au point d’arrêt ».
Merci la tour.
2ème TOUR
Le 2ème tour de piste annonce le début de la tendance appontage. J’avais déjà amorcé à Persan cette volonté de tomber sur la piste plutôt que de m’y poser. Ici, à St-Cyr, je continu ce travail de fond. L’atterrissage est donc… un poil violent (désolé pour le mécano). Toujours assez court et… oui… comme un appontage : Badaabouuum. Lors du 2ème tour de piste, 3 ou 4 avions s’annoncent aussi dans le circuit. Soit au sol, soit en intégration. Cela laisse moins de place pour que je case mon petit message, et occupe pas mal le contrôleur. J’entends même des trucs du genre :
- « Delta-Hotel, doucement la vitesse au roulage »
ou bien encore
- « X-Ray-Tango, Autorisé au décollage piste 30 droite, les derniers vents sont nuls »
- « On s’aligne et on est autorisé au décollage 30 droite, X-Ray-Tango »
- « X-Ray-Tango, les volets ». Y sont des jumelles et regardent ce genre de truc à la tour ? Je ne savais pas.
Encore une fois, ici, c’est comme sur IVAO les jours d’OD (zavez remarqué : « ici c’est comme IVAO » alors que évidement c’est IVAO qui ressemble à la réalité, marrant ça ?). Je quitte la piste 12 gauche et – cette fois-ci - retourne directement au point d’arrêt. C’est pas pro, ça ? Le décollage est marrant parce que j’ai pris le temps de chercher Patrick du regard… en bas. A 400 pieds, le club est tout petit. L’avion monte tout seul. Je reste dans l’axe, la main gauche sur les gaz, la main droite agrippée au manche.
3ème TOUR
Il commence à y avoir du monde dans le tour de piste. Je suis derrière un DR400 Tango-Juliette. Nous faisons notre petit tour. Je fais gaffe à ma vitesse pour laisser suffisamment d’espace entre nous. Sur la fréquence tour, 2 ou 3 autres avions transitent ou s’intègrent. Xavier a commencé son roulage. C’est lui qui fait la radio. Mon instructeur est donc sur la fréquence. Plus trop de place pour s’annoncer en dernier virage.
- « Finale 30, Tango-Juliette ». C’est vraiment une courte finale. Le DR400 qui me précède est pratiquement en train de se poser sur la 30 gauche.
- « Tango-Juliette, vous êtes autorisé à l’atterrissage piste 30 ».
Trois secondes de blanc.
- « … euh… Tango-Juliette, vous avez le temps de prendre la 30 droite ? »
Je suis juste derrière Tango-Juliette. A vingt secondes du dernier virage pour la 30 gauche.
- « Euh… on est posé 30 gauche, Tango-Juliette »
- « Dernier virage, Zulu-Papa ». Je m’incruste et mets un peu de piment dans la conversation.
Et là, le contrôleur annonce :
« Tango-Juliette, autorisé à l’atterrissage 30 gauche ».
Tango-Juliette ? kékédi ? Moi c’est Zulu-Papa. Forcément, je ne réponds pas. Je suis en finale. La tour s’adresse à l’avion devant moi, alors que l’ordre est pour moi. Blurps… Je ne dis rien.
- « Tango-Juliette ? »
- « C’est Zulu-Papa en finale 30 gauche » annonce-je rapidement à la radio. « Rapidement » forcément, parce que le dernier virage est loin et la finale s’est transformé en courte finale.
- « Ah, désolé, Zulu-Papa, autorisé à l’atterrissage 30 gauche, les derniers vents sont nuls ».
- « Euh, y-a pas de problème… je suis autorisé à l’atterrissage 30 gauche… Zulu-Papa ». (Ca me rappelle des messages Roger Wilco).
Je vous le dis, encore et encore… IVAO et le monde réel c’est pareil. Ce sont des gens… des vrais qui se parlent, analysent, échangent, prennent des décisions et parfois… se gourent.
DERNIER TOUR
Je remonte au point d’arrêt. Je suis sur le taxiway central à gauche de la 30. Xavier avec son élève est au même point d’arrêt mais à droite. Nous sommes pratiquement face à face, mais trop loin pour échanger un regard. Je m’applique. Le professeur est là, juste là. Je regarde la montre. Ce sera le dernier tour. Il ne faut pas abuser des bonnes choses, mais je n’ai aucune envie d’arrêter ! Je profite au maximum du dernier tour de piste… Je commence à connaître alors bien malgré moi je profite du paysage tout en gardant un œil sur l’horizon, l’altitude, le régime moteur, les repères... bon d’accord, j’ai 5 yeux.
Je finis mon 4ème tour de piste dans la lignée des précédents : tendance appontage sur le Charles-de-Gaulle.
Déçu par la qualité des atterrissages, fatigué par le stress et la concentration, je retourne au parking des Alcyons. Mine de rien, 4 tours en solo, c’est crevant. Je suis aussi exténué et en sueur que lors de mes premiers vols sur IVAO.
Il me reste encore une dernière épreuve : mettre la roulette de queue pile sur la ligne blanche avec Zulu-Papa dans l’alignement des autres avions au parking… je vous raconte ça la prochaine fois.
A bientôt pour d’autres vols,