Et des tours de pistes à l'Alpe d'Huez ? Dans un avion avec des skis ? C'est possible ?
Patrick G. m'avait recommandé de m'adresser à Pierre L. de l'aéroclub du Dauphiné directement sur le terrain de Huez. Je viens de finir une bonne après-midi de ski. J'en ai "plein les pattes", il a neigé en début de semaine et le hors-piste (avec guide, hein...), ça fatigue. Mais il me reste encore suffisamment d'énergie pour gravir la centaine de mètres qui me sépare du terrain.
En cette fin d'après-midi, il y a un peu d'activité. Seul l'Ecureuil du SAF fait le taxi et dépose ou charge sa cargaison de skieurs/surfeurs. Il y a du vent (de travers). La météo est moyenne, des nuages trainent deci delà, malgré ce ciel bleu trompeur.
L'Alouette III de la sécurité civile est également sortie du hangar qu'elle partage avec le DR140 de l'aéroclub. C'est une drôle d'impression que de rêver de voler à son bord, mais aussi de ne jamais avoir à faire à elle. Ce n'est pas le genre de machine à faire des promenades.
Première rencontre avec le terrain, l'instructeur et la bête. Pierre me fait faire le tour du propriétaire. Le DR140, Mousquetaire III est une grosse bête. Cela ressemble à un DR221 qu'on aurait gavé. La couleur bleue me rappelle mes DR221 des Alcyons. Il y a tout de même 180 chevaux sous le capot et presque les mêmes lignes mais en beaucoup plus gros. Beaucoup plus gros. Rien que pour atteindre la trappe d'huile, il faut monter sur le pneu et être en équilibre précaire pour remplir le réservoir. Alors qu'à St-Cyr, il me suffit de lever le bras. Drôle d'impression.
L'Alpe d'Huez est totalement enneigé et la piste de LFHU est dammée, alors ici on chausse des skis, même sous les avions ! Mais comment roule-t-on alors ? On ne roule pas on glisse ! Et on freine comment ? On ne freine pas ! On fait en sorte de ne pas avoir besoin de freiner !
Une fois assis à l'intérieur, cela ressemble à un avion (forcément). Pas d'horizon, des cadrans à aiguilles, une radio, deux réservoirs, des interrupteurs... Il y a bien cette unique commande des gaz au milieu de la planche de bord qui oblige à tenir le manche de la main gauche. La commande des volets est complètement à gauche car au centre, entre les deux sièges, on trouve la commande hydraulique pour passer des skis aux roues et inversement. Il faut avoir combien de main dans cette avion ?
Toujours assis en place gauche dans la machine, Pierre me briefe sur les tours de piste sur LFHU... ou plutôt sur l'altiport Henri Giraud. Ce grand nom de l'aviation de montagne aura une double résonnance dans le vol qui m'attendra le surlendemain. Je vous invite à visiter ces pages très riches et instructives sur ce pilote d'exception, qui bien avant ma naissance a été le seul à poser son avion au sommet du mont-blanc et à défricher toute l'aviation de montagne.
Le terrain est à 6100 ft. Ouch ! Cela me change de mes 400 ft de St-Cyr. 6100 ft... tout du moins en haut sur la plate forme. Bien sûr, plus bas, là bas, au bout de la piste c'est un peu moins. La pente moyenne est de 16%. Quand je pense que je me plains parfois de "ma bosse" sur la 30R/12L de LFPZ... Ici, d'en haut impossible de voir la piste dans sa longueur. Au point d'arrêt, si l'AFIS n'est pas là, on patiente gentimment au moins 30 secondes pour vérifier que personne ne va débouler de la côte en ayant oublié de s'annoncer à la radio.
Le tour de piste est à 6400 ft. Après le décollage, en passant les câbles dans la montée initiale on part un chouilla à gauche. Le tour de piste est main droite... et le vent arrière est réduit à sa plus simple expression. Forcément, il y a une montagne en bout de piste. On se retrouve donc en base rapidement, puis en finale vers... cette piste bizarrement en pente, à flanc de montagne et sans plot. Pas de balisage ? Ah, si quelques drapeaux matérialisent au moins les limites de la piste (avec quelques arbustes). C'est ainsi que Pierre me montre le point d'arrêt. Là, juste au bout. A côté du drapeau rouge... Evidemment l'été, lorsque tout n'est pas tout blanc, c'est plus simple. Quelques photos sont visibles sur Internet, par exemple, par ici. On ne peut pas tout avoir. En ce moment, c'est ski+neige.
Au drapeau : le point d'arrêt ;-)
Aujourd'hui, il ne fait pas "assez beau" et il se fait tard. Rendez-vous pris pour le lendemain matin à 09h30. Le temps de déposer ma fille à son cours de surf, ma femme à son cours de ski et hop au terrain !
Le lendemain, le beau temps est là. Le temps de remettre un peu d'huile dans l'avion, d'effectuer une prévol attentive aux mécanismes de fixation des skis et Pierre démarre la machine en un quart de tour. Pourquoi à St-Cyr, dès qu'il fait un peu froid, mes Robins sont-ils capricieux ?
Après une petite glissade, nous voilà au point d'arrêt. Un petit coup de radio à l'AFIS, personne dans le circuit, le vent est calme. Pierre fait le premier décollage/atterrissage en commentant toutes les étapes. Dans quelques minutes, ce sera à mon tour.
Là, nous sommes au point d'arrêt. La piste est à gauche de la tour, si... si... croyez-moi
Au point d'arrêt, le pied complètement à droite, l'avion est déjà un peu dans la pente. Je met plein gaz. Impossible de voir la piste qui plonge devant nous. Le seul moyen de savoir si on est dans l'axe est de prendre un repère au loin. Je pédale un peu, un peu trop. Pierre me reprend, me demande de mettre le manche arrière. Nous devons décoller "trois-points", pas de mise en ligne de vol avec cette pente. L'avion accélère doucement. C'est une drôle d'impression d'avoir un avion qui glisse sur des skis.
Plein gaz dans la descente
Le manche en arrière, l'avion décolle "trois-points"
L'avion décolle tout seul. Je cherche la bille du regard et Pierre me la montre du doigt. Mettre du pied... pas trop... et rester sur l'axe. Attendre sagement de passer les câbles, juste en dessous, pour rejoindre la pseudo vent arrière. Faire attention à l'altitude. Pierre est exigeant. Il ne s'agit pas de 6420 ou 6430 pieds. C'est 6400 pieds. Un point (un pied) c'est tout. Je fais attention. Je suis très tendu. Tout comme dans les caraïbes, je suis submergé par le paysage. A peine, prendre-je le temps de regarder pour en profiter que je ne suis plus dans les clous. Même punition avec la vitesse. Le palier arrive, je réduis, mais l'arc blanc m'échappe... Je regarde dehors... ou plutôt je savoure le spectacle.
En montée initiale, on arrive vite au début de la base
Il est temps de virer en base, puis rapidement pour ne pas overshooter, de passer en finale. J'ai du mal à trouver la piste du regard. Tout est blanc et je cherche une bande d'asphalte. Raté. Peine perdue.
Longue finale sur la ? Quel QFU ? La piste...
Voilà la piste. C'était donc ça ! Nous sommes en longue finale. Tenir 6400 ft. Ma main droite lâche les gaz pour attraper le manche pendant que ma main gauche attrape les volets pour sortir mon deuxième cran. Et hop, raté, dans la panique au lieu de sortir le 2ème, je rentre le 1er.... et hop une erreur de débutant. Pendant ce temps, l'avion est descendu et je ne suis plus sur le plan. Et la vitesse ?
En très courte, on passe au dessus du télésiège
La vitesse ne va pas non plus. Trop rapide. Je m'agite avec le manche et tripatouille trop les gaz aussi. Pierre me donne les indications du vario que je ne regarde jamais d'habitude. Arrivé en très courte, les « dégueulantes » me font m'écraser sur le plan. La vitesse s'agite. Quelques turbulences. Je les (sur)corrige beaucoup trop. Pierre me reprend. Pierre reprend l'avion. Un peu de gaz et nous voilà à l'arrondi. Je réduis et pourtant cela ne dure pas longtemps.
Plein gaz, il faut monter la côte
Tout de suite, à peine touché, il nous faut remettre des gaz. Dans la montée qui nous ramène sur la plate forme, si l'avion s'arrête... il ne repart pas. Alors on profite de l'élan, on met plein gaz pour se glisser jusqu'en haut.
Les axes dégagés, il faut manœuvrer l'avion. Glisser, sans déraper. Le train n'aime pas ça. Et à ce jeu, je ne suis pas fort. Il faut apprendre. Quel plaisir !
Après 47 minutes et 4 (ou 5, je ne sais plus) tours de piste, je suis lessivé comme lors de mes premiers tours à Saint-Cyr : trop vite, trop lent, trop haut, trop bas, trop compensé, mal trimé et pourtant il ne reste qu'une chose : du bonheur.
Et les vacances ne sont pas terminées. Les vols non plus ! Il me reste encore une journée exceptionnelle à vivre.