5h00. 5h00 du mat. Je suis déjà debout. Forcément, lorsqu’on se couche à 9h00, on est d’aplomb tôt. En cette pleine saison, nous n’avons trouvé qu’un motel miteux à Page. C’est peut-être cela aussi qui m’a réveillé. Cela m’a changé du 4*+ de San Diego (merci PriceLine) que j’ai quitté hier. Il faut dire aussi qu’hier le thermomètre indiquait environ 46°. Et le Cessna N487SP n’est pas climatisé. Alors la chaleur a dû m’assommer. A moins que ce ne soit cette première navigation entre San Diego et Page dans l’Arizona. Première nav. De Farwest’10. Et première expérience des orages. Des gros, des vrais qui vous balancent des éclairs.
Enfin le départ
Bertrand et moi sommes partis presque-pas-en-catastrophe. Lui, très impatient et moi très crevé de mon trajet Washington – San Diego de la veille via Charlotte… Ah non… plutôt Phoenix… Je ne sais plus tellement cela c’est fait dans le désordre. Pas de course dans tous les sens à la recherche de tel ou tel truc qu’on aurait oublié. Nous avons pris même pris des bidons d’huile, des tie-down, une bombe pour nettoyer le pare-brise, fait remplacer une ampoule (le nav.light droit) et rencontré John B., le propriétaire du Cessna N487SP que nous louons et Bob, le Safety Officer. Et nous avons même préparé la nav ! Forcément, lorsqu’on fait un Farwest à 2, il y en a moins dans tous les sens. Je passe aussi chez l’incontournable Marv’s Golden, le pilotshop adjacent à l’aéroclub, pour les débarrasser d’une caméra GoPro HD qui trainait dans leur vitrine.
Enfin, nous voilà en vol. Bertrand est le commandant de bord sur cette première navigation. Il fait beau et il fait beau sur la route. Même pas un June Gloom dans le coin ! Après la right-downwind departure, nous passons le El Capitan puis nous continuons à monter vers le VOR de Julian et enfin une branche de plus d’une heure vers Lake Havazu. Il fait beau et il fait chaud.
Un chouïa désert
Le vol est sans histoire. L’avion vole droit. Bertrand est à l’aise. Et arrive Lake Havazu. Le Flight Following est là et toujours aussi pratique. Déjà utilisé, l’année dernière pour Farwest’09v2, j’avais le souvenir à KHII du FBO Desert Skies très bon marché mais surtout d’une température étouffante.
Cette fois-ci encore, nous allons souffrir. Il fait chaud en l’air, même vers 7000 pieds et en descendant la température n’a de cesse d’augmenter. L’AWOS passe déjà 45 degrés au sol. Blurps. Nous sommes les rois de la mixture. L’avion file droit avec un peu de vent dans le dos. Tout va bien.
Avec cette chaleur le lac est rempli de jetskis et hors-bords
Bertrand se dépêche de retrouver la clim. de Desert Skies
La sonde de température extérieure
du Cessna indique 46 degrés celsius !
Marc-Olivier aurait été fier de nous ;-) Le stop n’aura duré qu’une grosse demi-heure : pause pipi, rafraichissement offert par le FBO et full serve refueling. Vous ne croyez pas que je vais monter sur l’aile du Cessna avec 46 degrés !
Il est temps pour moi de m’asseoir à l’avant gauche. Ca fait un baille que je n’ai pas piloté de Cessna dans le coin !
Et on repart pour Page
J’aurai toujours du mal avec les moteurs à injection, démarrage moteur chaud. Et chaud, il fait même très chaud. Un coup de gaz pas assez enfoncé et de mixture avancée trop tôt, le Cessna daigne tout de même démarrer. Et je roule sous presque 50 degrés vers le point d’arrêt de la piste 14. Mixturage au point d’arrêt, je m’aligne, puissance sur freins et le Cessna s’élance dans cette fournaise.
Exactement comme dans Flight Simulator ;-)
La contrôleuse à la radio vient de balancer un truc d’1 minute. Incompréhensible. J’ai deviné “Convective”, “10 miles ahead of you” et tout le reste de “l’emballage” a été du charabia pour moi. J’ai croisé le regard de Bertrand. La même détresse dans les yeux.
Ca sent pas bon. Je lui demande confirmation qu’elle nous prévient “qu’il y a un truc pas bon droit devant” ? Elle confirme. Les TAF annonçaient cela. Localement. Isolé. Ca nous allait. Sauf que là, c’est sur la route et nous la route, on aimerait bien la suivre. D’autant que droit devant c’est le Grand Canyon. Et à moins de monter très haut, le Grand Canyon ne se traverse pas tout droit les yeux fermés (drôle d’idée) mais au travers de corridors et autres passages un peu obligés. Cela chamboule donc nos plans. Mais il y a deux pilotes à bord et on échafaude les plans A, B et C.
Là, c’est sûr, il pleut en dessous. Nous on est au sec.
Plus tard, Los Angeles Center nous rappelera encore. On comprend un peu mieux et le message devait être que “si on continue tout droit”, on va avoir des problèmes (peut-être a-t-elle évoqué “y-en a qu’on essayé, mais ils ont eu des problèmes”). Je lui réponds qu’on a imaginé le Dragon Corridor. L’erreur : ne pas donner de détails. Elle va croire qu’on a tout compris. Et vlan, elle me rebalance un truc d’une minute en me parlant d’un autre corridor. J’ai dû répondre “Roger” ou “Thank you” pour couper court à cette conversation très instructive, mais tout compte fait, elle a raison, si on continue tout droit, y-en-a-qu’on-essayé… Etc, etc. On déplie la carte à la recherche de cet autre corridor. Peut-être a-t-elle parlé du Fossil Corridor ? Peut-être. C’est à l’ouest, c’est plausible mais d’après ce qu’on sous les yeux, là, droit devant, vaut mieux partir plus à l’ouest, en convenons-nous tous les deux.
Le GPS avec la météo nous montre tout cela. Sentiment contrasté. Nous sommes rassurés de “voir” où se trouve ce qu’il ne faut pas approcher. Mais inquiets, car les paquets de Storm Cells et Lightning Impacts sont droit, tout droit devant sur 20 nm de large. Plan A : on fait demi-tour. On est plein d’essence. Plan B : on passe à gauche. Plan C : on passe à droite. Le Plan A est mis de côté (toujours dans la poche de gauche). Nous prenons le plan B. On vire au nord, on avance, on s’approche. Le Flight Following nous indique régulièrement la position de la “High Intensity Strong Rain Area” (ou un truc du genre, mais il faut comprendre : “ça pleut dru, ça pête des éclairs et je serais vous, je tournerais". J’indique que je vire à gauche pour éviter des éclairs que l’on voit régulièrement maintenant.
Nous devions passer à l’Est de KGCN et nous voilà complètement à l’ouest
(au sens premier du terme ;-)
Les croix jaunes sur l’écran sont les impacts de foudre détectés par les radars
Et nous continuons ainsi notre promenade au gré des orages. Un oeil dehors, un oeil sur le GPS avec la météo, un oeil dans le casque car le Flight Following ne nous oublie pas et nous indique périodiquement la position des cellules orageuses. Nous les voyons clairement devant nous et voyons aussi où passer pour les éviter. Nous voyons aussi la foudre tomber dans le Grand Canyon. J’avertis aussi régulièrement Los Angeles Center de nos “deviating route”. Il me répond soit d’un “Thank You” ou d’un “Roger”. J’imagine qu’il se dit “le petit gars avec l’accent, il doit faire un peu dans son ******* et pour sa route toute droite vers Page, c’est râté” ;-)
Vues du Nexrad Radar depuis le Garmin 496
Nous nous préparons à changer de route pour emprunter un autre corridor. On est devant l’avion. Tout va bien. A la radio, c’est un peu l’enfer. Los Angeles est rempli d’avion de ligne qui “deviate due to weather” (changement de route à cause de la météo). On entendra même un pilote annoncer qu’il ne reçoit pas bien la radio à cause de la météo. Ca promet de l’électricité dans l’air.
Merci au GPS 496 de Marc-Olivier et XmWeather !
Nous nous en sortons en contournant tout le Grand Canyon, ralongeant d’autant notre route, mais évitant tous les orages, leur pluie, leurs turbulences et leurs éclairs.
15°c… forcément, il fait sombre dehors
Au nord du Grand Canyon, que nous n’avons pas eu le plaisir d’apprécier, un arc-en-ciel nous salue comme pour nous dire : “Voilà, je vous avais mis un obstacle sur la route, vous semblez l’avoir bien maîtrisé, bon vol”.
Un grand tour pour éviter tous les orages sur notre route !
Passé le Grand Canyon et ses orages, nous voilà dans une atmosphère plus calme et sereine. Le ciel s’éclaircit et Page, avec le Lake Powell en arrière plan, ressemble à mes souvenirs.
Après 4h30 de vol et pour une première journée, nous ne sommes pas mécontents de nous poser avec un peu de vent de travers à Page. Accueillis par les deux FBO dans leurs golfettes qui vous font des grands signes : “Venez chez moi, c’est plus mieux que chez l’autre”. Il est 17h00 passées et un môtel miteux nous attend. Peu importe, car avec les émotions de cette journée, le sommeil sera vite trouvé.
Jolie vue pour le 487SP, n’est-ce pas ?
On bâche, on attache et on fait une photo souvenir !
Bon demain, ce serait bien d’avoir un peu moins d’émotions. Disons, juste un peu moins d’éclairs ?
Ce récit vous a plus ? La suite de notre petit périple est à lire par ici.